Fracturé et anxieux, l’électorat américain vote pour deux candidats aux antipodes
AFP|Mis à jour le 06 novembre 2024(Photo: Adobe Stock)
Dans les sept États pivots qui vont décider du résultat de la présidentielle américaine, des électeurs interrogés mardi par l’AFP se disent terriblement anxieux devant l’avenir de leur pays et complètement divisés face à deux candidats aux visions du monde aux antipodes.
Élections américaines: notre couverture
Alors que plus de 80 millions d’Américains ont déjà voté de manière anticipée, de longues files s’étirent depuis l’aube dans des comtés clés de Caroline du Nord, Géorgie, Arizona, Nevada, Wisconsin, Michigan et Pennsylvanie.
Au terme d’une campagne folle et violente marquée par le retrait fracassant du président Joe Biden au profit de Kamala Harris et de deux tentatives d’assassinat contre Donald Trump, des millions d’électeurs ont fait patiemment la queue devant des bureaux de vote — souvent des écoles et des gymnases —, affichant leur choix sur leur casquette et t-shirt ou simplement brandissant la bannière étoilée.
«Cette élection est fondamentale pour l’avenir de notre démocratie» vieille de 250 ans, résume Sam Ruark, militant écologiste de 50 ans, à Asheville, en Caroline du Nord, ravagée et meurtrie cet automne par un ouragan.
L’avenir du monde libre
Dans la ville de New York et dans l’État du même nom, majoritairement démocrate, mais où les républicains progressent, Brockett Within, 65 ans, a «réfléchi à l’avenir de cette nation et du monde libre» avant de voter Harris.
Car Donald «Trump est un rétrograde qui nous ramène à un pays sorti de son imagination» et «je ne veux pas d’un autocrate», rejette-t-il.
La campagne entre la vice-présidente de 60 ans et l’ancien président de 78 ans s’est focalisée, côté démocrate, sur la défense des institutions démocratiques, des droits des femmes et des minorités et, côté républicain, sur l’économie, l’inflation et l’immigration.
Dans le Wisconsin, Marcy Davis, 18 ans, vote pour la première fois et trouverait «super cool d’avoir une femme présidente», Kamala Harris — une ancienne magistrate et sénatrice de Californie d’origine indienne et jamaïcaine — ayant promis de rétablir la garantie fédérale du droit à l’avortement dynamitée par la Cour suprême en 2022.
Mais Darlene Taylor, 56 ans, rencontrée à Érié, au bord du Grand Lac éponyme en Pennsylvanie, au contraire, «ne veu[t] pas de quatre années de plus avec un taux d’inflation et des prix de l’essence élevés, ni de mensonges».
Érié est un comté clé dans cet État rural et industriel du nord-est, considéré comme le plus crucial de tous. Ses 270 000 électeurs ont reçu la visite de Donald Trump et de Kamala Harris.
«Fermer la frontière»
Darlene Taylor porte fièrement un t-shirt frappé des noms de ses champions «Trump» et son colistier «Vance» et pense que l’enjeu central de cette présidentielle est de «fermer la frontière» aux millions d’immigrés clandestins que le tribun populiste n’a cessé de traiter de «criminels» qui «empoisonnent le sang» des Américains.
«L’Amérique doit passer en premier et [Kamala] Harris ne soutiendra pas cela», proteste cette femme qui dit vivre grâce à des allocations pour personnes handicapées.
Une rhétorique nationaliste d’extrême droite qui fait bondir Ken Thompson, 66 ans, qui a voté Harris et son colistier Tim Walz.
Certes, reconnaît-il, «les emplois industriels ont disparu à Érié» et «c’est un gros problème», mais Donald «Trump n’a en rien aidé» quand il était au pouvoir entre 2017 et 2021.
«Kamala [Harris] va aider les jeunes pour le logement», croit ce sexagénaire coiffé d’une traditionnelle casquette de baseball ornée de la bannière étoilée.
Également âgée de 66 ans, l’institutrice de Pennsylvanie Candyce Sandusky reconnaît que Donald Trump «est un dur», mais c’est pour que «le monde sache ce qu’il veut dire».
Le milliardaire de l’immobilier new-yorkais, qui a bouleversé la démocratie américaine et les relations internationales, a multiplié durant la campagne des déclarations incendiaires contre des «ennemis de l’intérieur», mais aussi contre les partenaires traditionnels des États-Unis.
Alors, Whytne Stevens, urbaniste de 28 ans d’Atlanta, l’immense métropole de Géorgie «espère que les choses changent sur l’inflation et l’emploi, mais [est] aussi inquiet de questions plus existentielles sur l’avenir du pays».
À 27 ans, Ludwidg Louizaire, ancienne Miss Géorgie, est elle aussi très consciente de ce qui se joue mardi aux États-Unis: «l’Histoire est en marche», souffle-t-elle.
Par Greg Walton en Pennsylvanie, Anuj Chopra en Géorgie