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Pierre Graff

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Expert(e) invité(e)

Gain en capital: être né pour un petit pain

Pierre Graff|Mis à jour le 18 juin 2024

Gain en capital: être né pour un petit pain

Selon le PDG de l'Institut économique de Montréal, la hausse du taux d’inclusion des gains en capital présentée par Chrystia Freeland lors du dernier budget va coûter plus cher que ce qu'elle va rapporter. (Photo: Getty Images)

EXPERT INVITÉ. Ce n’est pas une grande nouvelle qu’une hausse de taxe a mauvaise presse!

On sait aussi qu’il est normal, dans une social-démocratie, que chacun participe équitablement.

En revanche, l’augmentation de la tranche imposable sur le gain en capital présentée dans le budget fédéral de la ministre Freeland le 16 avril –  d’ailleurs rapidement imitée par le ministre des Finances du Québec Eric Girard –  constitue un cas particulier que nous allons regarder de plus près.

 

Lire aussi – Budget fédéral 2024: Ottawa pige 19,4G$ dans les poches des ultrariches et des entreprises

Un historique pas nécessairement favorable

Cette mesure a déjà été appliquée dans les années 1990 avec un taux d’inclusion allant jusqu’à 75%, qui a été révisé en 2000. Durant cette période, le produit intérieur brut du Canada avait connu une évolution en dents de scie pour vraiment décoller après… l’an 2000.

Évidemment, on ne peut pas lier exclusivement les deux phénomènes. Toutefois, il n’y a pas de consensus parmi les experts à savoir si les effets étaient exclusivement négatifs sur l’économie à ce moment-là.

Le contexte actuel comprend la même incertitude économique avec une croissance au ralenti. L’économie canadienne est toutefois fortement différente d’il y a 30 ans.

L’impact économique d’une telle mesure

On peut d’ores et déjà entrevoir certains effets néfastes pour l’économie.

Premièrement, dans un contexte de ralentissement déjà important des investissements et alors que la création d’emplois dans le privé est très faible depuis février, il est évidemment contre-intuitif d’introduire une nouvelle taxe. Cela ne permettra clairement pas de créer un effet d’entraînement pour renverser cette tendance lourde.

Deuxièmement, les propriétaires d’entreprises qui pensent enfin à leur retraite et qui ont basé leurs belles années là-dessus seront très désavantagés. D’ailleurs, il y avait une opportunité de faciliter les transferts d’entreprise sans pénaliser les cédants quitte à retarder l’entrée en vigueur du taux d’inclusion plus élevé et résoudre en partie l’enjeu économique majeur lié au manque de relève. C’est raté.

Et qui dit économie au ralenti, dit moins de recettes fiscales et moins de capacité à financer les programmes. Ce sont donc des déficits probablement plus importants qui se profilent.

L’impact sur les finances publiques

L’appât du gain à court terme pour le gouvernement est toujours tentant. Surtout lorsque la croissance n’est pas au rendez-vous.

Il y a toutefois plusieurs problèmes ici. D’une part, le coût administratif d’une telle mesure sera plus élevé que prévu, car il s’agit d’une mesure hautement technique qui nécessitera plus de fonctionnaires.

Aussi, il est probable que le gouvernement retourne à un taux d’inclusion inférieur à moyen terme. Or, le coût lié à l’accroissement de l’appareil gouvernemental, jumelé à l’avalanche de nouveaux programmes dont les coûts iront croissant, rendra l’équilibre encore plus complexe.

D’autre part, les stratégies d’optimisation fiscale ou pire, d’évitement fiscal, qui sont toujours plus tentantes lorsque le taux d’imposition augmente, risquent d’impacter les recettes des deux ordres gouvernementaux. Nous aurons un bon moyen de voir si nous avons atteint le sommet de la courbe de Laffer.

L’impact social d’une telle mesure

Un enjeu plus difficilement quantifiable réside dans l’impact social d’une telle mesure. Le fait de parler de mesure visant les «ultras riches» crée une étiquette péjorative et nourrit un ressentiment chez une certaine frange de la population qui pourrait se sentir lésée.

En plus, c’est faux, car cette mesure viendra aussi toucher monsieur et madame Tout-le-Monde qui ont investi leurs économies, dans un plex par exemple, pour bonifier leur retraite. Les fameuses exclusions présentées, qui feront bien une différence pour certains propriétaires, ne font par contre clairement pas en sorte que la mesure touchera uniquement 0,1% des contribuables.

De plus, cela crée en quelque sorte une sanction de la réussite. Ce qui aura inéluctablement un impact sur le tissu entrepreneurial et la prise de risque. Il y aura clairement moins d’incitatifs à la recherche du gain marginal en affaires. Or, la création de richesse collective passe par ce mécanisme.

Avec des programmes gouvernementaux dont les coûts pèseront toujours plus sur les générations futures, des investisseurs sanctionnés pour leur réussite et un impact social négatif, on a connu mieux comme mesure au niveau de l’équité intergénérationnelle!

Bref, l’adage selon lequel le Québec est né pour un petit pain semble avoir de belles années devant lui.

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