Photo : Andreea Avramescu pour Unsplash.com
Sébastien* est le directeur général d’une entreprise familiale depuis plus de 15 ans. Même s’il n’est pas actionnaire, il entretient un lien privilégié avec la propriétaire, Monique. Et voilà qu’un jour, le rêve de Monique devient réalité : son fils, Frédéric s’apprête à faire son entrée dans l’entreprise en tant que directeur des opérations. Je vous jure que le hamster qui tourne dans la tête de Sébastien court pas mal vite.
Dans la tête du dirigeant non apparenté
Imaginez-vous à la place de Sébastien, un dirigeant non apparenté. D’un côté, il est très heureux pour Monique qui réalise son rêve et pour Frédéric, qu’il connaît depuis qu’il est tout petit, qui intègre l’entreprise familiale.
D’un autre côté, les appréhensions fusent de partout :
– Est-ce que Frédéric détient les compétences nécessaires pour occuper le poste?
– Qu’est-ce qui va arriver si j’ai un différend avec lui?
– Et si la mère et le fils ont un différend, est-ce que je vais me retrouver entre l’arbre et l’écorce?
Même si Sébastien est un dirigeant aguerri et qu’il savait depuis longtemps que ce jour arriverait, il se demande pourquoi l’arrivée de Frédéric le chamboule autant. Suis-je un lâche? J’ai peur de quoi? Est-ce que je manque de confiance en moi? Pourquoi je ressens ce malaise?
La réponse à ces questions est simple : Sébastien est inquiet parce que ce jeune va possiblement devenir son patron ou un des propriétaires un jour.
Utiliser le processus d’embauche standard
Lorsque j’interviens comme harmonisatrice dans une famille en affaires, je suis toujours surprise du silence qui suit la question suivante : «Avez-vous utilisé le même processus d’embauche que pour un employé non apparenté?» Ah, le malaise lorsque les gens se demandent pourquoi ils n’y ont pas pensé eux-mêmes.
Puis, à bien y penser, il y a plusieurs raisons. Parce que…
– C’est un membre de la famille;
– Il travaille dans l’entreprise depuis plusieurs années;
– Ce sera lui qui prendra la tête de l’organisation un jour.
Définir les rôles et responsabilités du poste
C’est la base, me direz-vous. Mais croyez-en mon expérience : bien des entreprises oublient cet élément essentiel. En tant que gestionnaire, vous devez vous assurer que les rôles et responsabilités du nouveau venu sont clairs. Vous devez également confirmer auprès du principal intéressé s’il détient les compétences, l’expérience et les aptitudes pour occuper son poste.
Dans le cas de l’arrivée de Frédéric, celui-ci doit pourvoir un poste vacant ou occuper un nouveau poste créé sur mesure en fonction de ses talents. C’est essentiel que le membre de la famille qui intègre l’entreprise le fasse pour combler un réel besoin… pas pour « ploguer » le fils à maman ou à papa.
Les propriétaires décident de créer un nouveau poste? C’est ben correct. Alors, vous devrez prendre le temps de définir le mandat de votre nouvel employé, qui est aussi un membre de la famille, de même que les attentes que vous aurez envers lui. Pas seulement les grandes lignes. De façon très précise, avec des objectifs à atteindre pis toute la patente. Et le tout devra être approuvé par les propriétaires de l’entreprise familiale ainsi que par le principal intéressé.
Ce n’est pas seulement une façon de faciliter votre rôle de gestionnaire. C’est aussi pour protéger le nouveau membre de votre équipe qui sera observé à la loupe par tous les autres employés. Parce que ne nous voilons pas la face : certains n’attendent que le premier faux pas pour discréditer le nouveau venu.
Le gérer comme les autres employés
Pas mal plus facile à dire qu’à faire. C’est presque impossible de gérer son futur patron de la même façon que tous les autres employés.
Mais pour que tout se passe pour le mieux, je vous conseille de miser sur une communication bienveillante et authentique. Vous avez des appréhensions? Exprimez-les auprès des propriétaires. Un différend survient? Trouvez des compromis satisfaisants pour tout le monde. Vous vous retrouvez dans un cul-de-sac? Engagez un spécialiste qui vous aidera à sortir de cette impasse.
En posant toutes ces actions, vous mettez toutes les chances de votre côté pour développer une belle relation avec votre nouvel employé qui est aussi un membre de la famille des propriétaires. Vous créez aussi les fondations pour qu’il s’épanouisse, se fasse accepter des autres membres de l’organisation, performe dans son rôle et obtienne du succès.
« Oh non! Je suis foutu! »
Mais noooooon! Il n’est jamais trop tard pour bien faire et vous reprendre. Le mot d’ordre à retenir dans votre cas : douceur. Allez-y de façon progressive :
– Remettez les rencontres annuelles à l’ordre du jour, en y incluant les valeurs de l’entreprise;
– Définissez le poste, avec ses rôles et responsabilités, et vos attentes;
– Précisez les mandats que vous souhaitez que la personne réalise au cours de la prochaine année;
– Réalisez un suivi mensuel;
– Prenez les décisions qui s’imposent et apportez des ajustements au poste, au besoin.
Gérer un employé non apparenté ne sera jamais comme gérer n’importe quel autre employé, mais ce n’est pas obligé d’être compliqué et de virer au conflit. Et pour que tout se passe pour le mieux pour tout le monde, vous devez assumer votre posture de leader bienveillant et maintenir une bonne communication avec les propriétaires et le futur repreneur que vous devez gérer avant qu’il prenne la tête de l’entreprise. Qu’en dites-vous?
*Tous les prénoms dans cet article sont fictifs