La société ne semble pas avoir convaincu tous les investisseurs que le regain de ses revenus et l’amélioration de ses marges pourront résister à l’humeur moins dépensière des entreprises. (Photo: 123RF)
ANALYSE. De meilleurs résultats que prévu et des cours cibles relevés n’ont pas réussi à insuffler un nouvel élan au Groupe CGI (GIB-A.TO, 109,13 $).
Après l’appréciation de presque 4% le 27 juillet, lors du dévoilement du troisième trimestre, le titre du groupe de services-conseils en technologie s’est figé. C’est un signe que la société n’a pas convaincu tous les investisseurs que le regain de ses revenus et l’amélioration de ses marges pourront résister à l’humeur moins dépensière des entreprises si le ralentissement économique se détériorait davantage.
En même temps, le recul consécutif de l’activité économique américaine aux premier et deuxième trimestres a fait reculer les taux d’intérêt américain repères de 10 ans, ce qui a redonné du lest aux titres de croissance du secteur de la technologie. Dans cette dynamique boursière un peu tordue, la valeur de refuge de CGI perd un peu de son attrait relatif.
Il faut dire que l’action de CGI s’est relevée de 14% depuis le récent creux de juin et de 56% depuis le plancher pandémique de mars 2020.
Les nouveaux cours cibles de certains analystes reposent aussi sur une réévaluation à la hausse du titre qui s’échange déjà à un multiple supérieur à sa propre moyenne et à celui de ses semblables en Bourse.
Ainsi, Paul Treiber de RBC Marchés des capitaux fait passer son évaluation de 12 à 13 fois le bénéfice d’exploitation prévu en 2023 et son cours cible de 120 à 130 $ parce que les plus récents repères de performance de CGI solidifient les perspectives de croissance à court terme, une «visibilité» que les investisseurs devraient apprécier dans la conjoncture incertaine.
Dans un rapport intitulé «La défense est la nouvelle stratégie d’attaque» («Defense is the New Offense»), l’analyste de RBC soutient que le modèle d’affaires de CGI a démontré toute sa résilience au troisième trimestre alors que la société a accéléré la croissance de ses revenus à 7,7%, sans l’effet des changes et des acquisitions.
« La somme du taux de croissance des revenus au troisième trimestre de 2021 et de 2022, soit 11%, est aussi la plus élevée depuis le premier trimestre de 2009 »
À ses yeux, l’ajout de 10 500 employés aux effectifs depuis un an, par l’embauche et les acquisitions, est le meilleur gage de la demande à venir pour les services en TI, étant donné la prudence habituelle des dirigeants de CGI.
«Un rythme plus rapide d’acquisitions, une croissance interne soutenue, une amélioration continue des marges et des flux de trésorerie résilients devraient améliorer la perception des investisseurs à l’égard des actions de CGI», espère l’analyste de RBC.
Son collègue Richard Tse de la Financière Banque Nationale salue aussi «l’exécution fiable» de CGI et prévoit que la société bénéficiera de la reprise de projets de transformation numérique repoussés pendant la pandémie.
Le titre offre un bon rapport risque-rendement au cours actuel, dit-il, surtout quand on tient compte de ses attributs défensifs tels que les flux de trésorerie récurrents et les contrats à long terme, renchérit-il.
L’inflation et la délocalisation
Stephanie Price de CIBC Marchés mondiaux avance que le contexte économique inhabituel, marqué par la pénurie de main-d’œuvre et par la hausse des salaires, améliore la demande pour les services de consultation et d’impartition de la part des entreprises qui n’ont pas les ressources humaines pour effectuer certaines tâches ou qui cherchent tout simplement des économies.
De plus, CGI peut refiler la hausse de certains de ses propres coûts aux clients lors du renouvellement de contrats qui incluent une clause d’indexation, explique-t-elle. La société peut aussi majorer les tarifs de nouveaux contrats, notamment pour les solutions à propriété intellectuelle.
L’entreprise fait aussi appel à de jeunes employés, en Inde notamment, pour rester concurrentielle sur les prix tout en protégeant ses marges, ajoute l’analyste de CIBC.
Thanos Moschopoulos, de BMO Marchés des capitaux, fait aussi référence au nouvel effort d’embauche en Inde où CGI compte 22% de ses effectifs. L’automne dernier, lors de la rencontre annuelle des investisseurs, les dirigeants avaient révélé qu’ils prévoyaient augmenter les effectifs indiens à un rythme annuel composé de 15% sur trois ans.
«La moins grande présence de CGI en Inde par rapport à ses rivaux (tels que Accenture et Cap Gemini) a freiné sa croissance au cours des derniers trimestres et la haute direction y remédie», écrit l’analyste de BMO.
À plus long terme, CGI peut améliorer davantage ses marges puisqu’une plus grande part de ses revenus proviendra des services TI en mode délégué et des solutions en propriété intellectuelle», avance aussi Stephanie Price.
L’autre étincelle: des achats bien ciblés à bon prix
Le potentiel d’acquisitions est l’autre corde à l’arc de CGI, s’accordent pour dire tous les analystes, d’autant que CGI semble en tirer un meilleur rendement financier qu’auparavant.
CGI a déjà réalisé 664 millions de dollars du milliard promis pour 2022, rapporte l’analyste de BMO. CGI est en voie de compléter l’achat du fournisseur français de solutions de données, de services numériques et de solutions de métier Umanis SA au coût de 420 M$.
Les dirigeants disent observer un plus grand niveau d’activité et aussi une baisse des prix demandés de la part de vendeurs qui désirent notamment «monétiser» leurs solutions en propriété intellectuelle. Ces deux facteurs augmentent les chances de transactions.
Le bassin de candidates a augmenté en quantité et en qualité, ont aussi évoqué les dirigeants lors de la téléconférence trimestrielle.
Des achats de petite et moyenne taille sont le plus probables, mais les analystes n’écartent pas la possibilité d’une acquisition plus transformationnelle.
CGI a accès à des sources de financement totalisant 2,26 milliards de dollars, indique le plus récent rapport de gestion.
Pour que CGI s’apprécie davantage, la société devra répondre aux nouvelles attentes que son optimisme au sujet des contrats et des acquisitions potentiels suscite. Son sommet annuel de 116,87 $ remonte à septembre 2021.
Les analystes ont notamment à l’œil les nouveaux contrats signés (en baisse de 6% depuis un an) ainsi que le ratio qui compare les nouveaux contrats aux revenus déjà facturés (de 104,9% au troisième trimestre). Ces deux repères ont laissé les investisseurs sur leur faim le 27 juillet.