Malgré la distance virtuelle qui existe entre les parties, les impacts sur les victimes sont bien réels. (Photo: 123RF)
Voici le premier blogue de Geneviève Desmarais, avocate en droit du travail depuis 20 ans et CRHA. Passionnée pour l’harmonie en milieu de travail et motivée par son désir de faire le bien autour d’elle, Geneviève a fait le saut comme entrepreneure en 2020 en fondant Resolys. Ce blogue est né de son désir de partager son expérience et ses stratégies pour maintenir et encourager de saines relations en milieu de travail.
BLOGUE INVITÉ. Avril 2021 : 13 mois depuis le début de cette pandémie qui nous a forcés à revoir nos méthodes de travail. Plusieurs employeurs et employés jusqu’à présent réfractaires ont dû accepter ce qu’ils jugeaient inefficace, voire inconcevable : le télétravail.
Pour certains, c’est le pur bonheur. Pour d’autres, nous sommes bien loin de la panacée. Ajouté à tout le stress engendré par les mesures sanitaires, la peur ou la maladie, les bambins à la maison, l’école en virtuel, le conjoint mis à pied, le contexte économique difficile pour bien des organisations, le partage forcé du nouvel espace travail-vie 24 heures sur 24 et la pression accrue pour performer et démontrer une « présence » virtuelle, la tension monte. Et les situations de harcèlement n’ont pas disparu en raison de la distance créée par les écrans.
En contexte de télétravail, le harcèlement sera beaucoup plus subtil et insidieux. À titre d’exemple :
• Contrôle excessif du temps de connexion (ce que je surnomme le syndrome de la pastille verte) ;
• Courriels ou textos irrespectueux ou sans formule de politesse ;
• « Oublis » fréquents d’inviter un employé aux réunions ou envoi de la « mauvaise » invitation rendant impossible la connexion ;
• Absence totale de réponse aux courriels ou textos d’un employé ;
• Envois à toute heure du jour et de la nuit, même le weekend ;
• Attentes grandissantes et souvent non nécessaires d’obtenir des réponses presque instantanées ;
• Conversations téléphoniques exigées en dehors des heures régulières sans réelle urgence.
Les manifestations possibles sont multiples et répétées. Et malgré la distance virtuelle qui existe entre les parties, les impacts sur celui ou celle qui en est victime sont bien réels.
L’Ordre des CRHA révélait l’automne dernier une augmentation des situations de harcèlement au travail depuis 2016.
De plus, un sondage de l’Ordre réalisé quelques mois seulement après le début de la pandémie démontrait qu’un professionnel RH sur cinq estime que le risque de harcèlement augmente en contexte de télétravail. Près du tiers des répondants craint de ne pas être en mesure de détecter ou de prévenir efficacement le harcèlement dans un tel contexte.
Après 13 mois de pandémie et de télétravail forcé, quels seraient les résultats d’un tel sondage aujourd’hui ? Il est donc primordial d’être encore plus vigilants et de redoubler d’efforts pour détecter et prévenir le harcèlement.
Appelez votre équipe
Soyons à l’écoute de nos employés et de nos collègues. Au début de la pandémie, les 5 à 7 virtuels et réunions Zoom se sont multipliés. Au fil des mois, ces réunions sociales se sont espacées ou ont même disparu.
Ces moments plus légers permettaient pourtant aux gestionnaires de rester près de leur équipe, de détecter celui ou celle qui ne semble pas dans son assiette, qui n’active jamais sa caméra ou qui se permet des commentaires désobligeants ou déplacés.
À quand remonte votre dernière réunion d’équipe ? Il est peut-être temps, tout comme il est peut-être plus que temps pour un sondage !
Donnez du lest
Il est aussi impératif pour les employeurs d’alléger la pression associée au télétravail :
• Recadrez les heures normales de travail et accordez des moments de déconnexion ;
• Encouragez vos employés à prendre le temps de manger « déconnectés », de faire du sport et de prendre soin d’eux ;
À (ré)écouter: Activité physique en entreprise: l’inertie n’est plus un alibi
• Instaurez ou rappelez les balises pour des communications respectueuses ;
• Privilégiez des modes de communications qui évitent l’interprétation quant au ton ou à l’intention, les courriels et les textos étant rarement des outils très efficaces en ce sens ;
• Plus que jamais, soyez flexibles et attentifs aux besoins de vos employés ; le contexte de télétravail de chacun est différent, leurs besoins tout aussi importants.
Soyez proactif
Finalement, le sondage de l’Ordre des CRHA mentionne que près de 30 % des employés ne seraient pas à l’aise de porter plainte à distance en contexte de télétravail.
Il est important pour tout employeur de rappeler à son équipe quels sont les moyens et les ressources disponibles, tels que le processus de signalement, le Programme d’aide aux employés et à la famille (PAEF), le service de télémédecine ou de soutien psychologique en ligne, les politiques de télétravail, d’utilisation des outils technologiques ou de prévention du harcèlement.
La dernière année ne nous a pas épargnés et nous ignorons tous ce que nous réservent les prochains mois. Plus que jamais, soyons vigilants et bienveillants !