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Helix, Vidéotron… et un éventuel Amazon québécois

Alain McKenna|Publié le 27 août 2019

Helix, Vidéotron… et un éventuel Amazon québécois

Pierre-Karl Péladeau, PDG de Québecor, présentant le service Helix de Vidéotron. (Photo: Alain McKenna/Les Affaires)

Historiquement, Vidéotron a toujours aimé se positionner en leader de l’innovation dans la distribution télévisuelle. À une autre époque, Videoway était un précurseur de la vidéo interactive. La téléphonie par câble a ensuite permis au câblodistributeur montréalais d’aller chercher des clients chez Bell, son éternel rival. Puis, Illico a pavé la voie vers la vidéo sur demande, le contenu en différé et même à distance, sur mobile ou ailleurs.

À partir d’aujourd’hui, tout ça prend un nouveau nom : Helix. Pas exactement la même innovation que dans le temps, puisque le câblodistributeur utilise sous licence une technologie créée par son homologue américain Comcast, et déjà reprise par Shaw et Rogers, ailleurs au Canada. Vidéotron ne pèse pas lourd dans le développement de cette technologie, mais Jean-François Pruneau, son président, ne s’en fait pas trop avec ça. «La dépendance envers Comcast ne m’inquiète pas. C’est le plus gros câblo aux États-Unis, et il est à la même place que nous dans son marché», dit-il.

Une place de moins en moins confortable, d’où le besoin de se transformer un peu. À mi-chemin entre la télé traditionnelle, les applications vidéo telles Netflix et la très attendue Disney+, et tous ces autres services qui mènent de plus en plus de téléspectateurs à se débrancher, phénomène connu sous le nom de «cord-cutting», en anglais, ça commence à être serré.

Avec son interface simplifiée, agrégeant le contenu vidéo tiré de diverses sources, dont le catalogue Illico, les chaînes de télé traditionnelle, et les applis comme Netflix, Helix pourrait ralentir ce mouvement, au Québec, et peut-être même aider à en raccrocher quelques-uns, espère M. Pruneau. «On souhaite devenir l’endroit centralisé pour tout le divertissement numérique des consommateurs. On a donc créé une plateforme qui se veut agnostique en termes d’origine de ce contenu, mais qui facilite sa recherche et son écoute», ajoute-t-il.

Une quincaillerie toute nouvelle… pour Vidéotron

Techniquement, Helix prend la forme d’un modem-routeur proposant une connexion WiFi, auquel se connecte des relais WiFi additionnels, au besoin, et jusqu’à six terminaux télé en simultané. Ceux-ci passent également par les ondes sans fil, ayant un canal une bande passante réservés pour assurer que la diffusion télé n’est pas affectée par l’usage concurrent d’Internet sur le même réseau.

Pour un client de Vidéotron, c’est donc du nouveau. Et même mieux, ça fait passer l’offre du fournisseur au 21e siècle, puisque c’en est fini du câble coaxial qui se faufile partout dans la maison pour relier divers récepteurs télé. Bertrand Hébert, directeur du marketing pour Vidéotron, faisait aussi remarquer que les clients actuels abonnés à Illico pourraient se retrouver à payer moins cher en migrant vers un forfait similaire sur Helix. Chose certaine, cette nouvelle marque fait disparaître les limites mensuelles de données téléchargeables, ce qui est déjà un gain appréciable.

Cela dit, cette quincaillerie n’est pas exactement nouvelle, puisqu’elle est en réalité fournie par le câblo américain Comcast, qui propose la même offre chez l’Oncle Sam depuis plusieurs mois, sous le nom de Xfinity X1.

Des limites sont rapidement apparentes : le modem est livré avec un routeur limité à deux sorties Ethernet, son réseau WiFi n’est pas prêt pour le WiFi 6 (qui sera rapidement essentiel pour gérer tous les gadgets donnant vie à la maison connectée), et pour regarder la télé, au moins deux appareils (le routeur et le récepteur) sont nécessaires. On peut par contre s’abonner uniquement à Internet et n’avoir ainsi besoin que du routeur. Et aucun choix: on doit acheter ce dernier, d’un coup, ou sur une période de 36 mois. Mais il n’est pas si cher…

Ceux qui ont déjà un super routeur haut de gamme à huit antennes devront soit s’en défaire, soit y brancher le routeur Helix, ce qui est quand même un peu redondant. Les gens qui rêvaient d’une offre de contenu signée Vidéotron ou TVA ou Québecor intégrée directement à l’interface de l’Apple TV ou d’un récepteur Roku devront aller chercher ailleurs.

En revanche, Helix permet de visionner ou enregistrer jusqu’à six émissions à la fois, et de les stocker en nuage pour un visionnement ultérieur à l’extérieur de la maison, sur mobile ou tablette. De là, il sera probablement possible de transmettre ce contenu à un plus grand écran via les protocoles intégrés aux systèmes Android et iOS. Éventuellement, à peu près la même chose sera proposée pour les objets connectés de la maison : on pourra les commander à même l’interface web de Helix, à partir de n’importe où sur la planète.

Mais ça, c’est plus tard. Entre temps, cette interface simplifie tout de même grandement la gestion des connexions à Internet, notamment celle des enfants, une facette de Helix qui surclasse les contrôles parentaux offerts par les tiers (d’Asus à TP-Link, en passant par Google WiFi…).

De Vidéotron à Amazon, il n’y a qu’une voix…

Tout ça, c’est dans l’arrière-boutique. À l’avant-scène, c’est l’interface vocale intégrée à la télécommande Helix qui sera la grande vedette. Vidéotron a travaillé conjointement avec Comcast et, surtout, Nuance Communication, qui fournit la partie «émergée» de cette interface. Conjointement, Videotron et Nuance ont utilisé par moins de 2,4 millions d’échantillons de voix pour s’assurer que tout le monde au Québec, même les enfants, peuvent être compris adéquatement.

Il faudra voir à l’usage. Mais cette interface est ce qui distingue Helix de Fibe Télé de Bell, son concurrent le plus immédiat. Elle pourrait aussi s’avérer la clé de voûte du Videotron de demain, puisqu’elle fait entrer le fournisseur montréalais dans le merveilleux monde de la collecte de données d’utilisation, et allons même plus loin, elle pourrait le faire passer d’un distributeur de télé et d’Internet à un fournisseur de plateforme numérique ajoutant le contenu audio, et pourquoi pas, du commerce électronique.

MM. Péladeau et Pruneau n’ont pas manqué de mentionner le potentiel de ces mégadonnées et même de l’IA qui pourrait les utiliser pour améliorer l’expérience client, mais personne n’a vu le potentiel de cette interface pour ouvrir de nouveaux horizons d’affaires chez Vidéotron.

Imaginez : une enceinte connectée Helix (à commande vocale) jouant le contenu de Qub Radio ou de Stingray, et capable de passer des commandes auprès des sites de vente en ligne pour des clients qui n’auront qu’à en faire la demande avec leur voix. De son propre aveu, la direction de Vidéotron n’a pas vu cette possibilité de devenir une sorte de petit Amazon québécois. En tout cas pas avant qu’on leur en parle.

Mais si Pierre-Karl Péladeau, qui aime se plaindre de son rapport de force désavantageux face aux technos américaines, et son conglomérat, souhaitent réellement leur tenir tête, peut-être que déplacer le champ de bataille sur leur territoire n’est pas une si mauvaise idée que ça…

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