Huawei Canada et la 5G: «imposez une norme, qu’on la respecte»
Alain McKenna|Publié le 25 avril 2019Une antenne 5G de Huawei. (Image: courtoisie)
Maintenant que le Royaume-Uni et l’Allemagne ont décidé que la technologie de Huawei ne présente aucune menace «impossible à gérer», c’est au tour du Canada de rendre son verdict. Entre temps, la filiale canadienne de l’équipementier chinois, qui a des installations un peu partout au pays, dont un centre de R-D en banlieue d’Ottawa qui se veut, en fait, son centre d’expertise mondiale en technologies 5G, tente de redorer son blason.
Car Huawei Canada sent l’urgence d’agir. «Que la 5G arrive plus ou moins vite n’aura pas un gros impact du côté des consommateurs. On peut déjà regarder Netflix sur un sans-fil sans souci. Mais dans plusieurs industries, ça risque de pénaliser le Canada si d’autres pays investissent plus rapidement», débute Chris Pereira, directeur des affaires publiques pour Huawei Canada, de passage à Montréal au retour du weekend de Pâques pour dresser un état des lieux dans la 5G au pays.
Un enjeu pressant
«Au Canada, l’intérêt de la 5G tourne autour de l’importance de connecter les régions rurales ou plus éloignées. Il y a des enjeux stratégiques jusqu’en Arctique.»
Les exemples plus près de nous abondent. En voici un très simple : les agriculteurs se tiennent généralement loin des grands centres, mais les fermes sont de plus en plus automatisées. Dans un contexte où le secteur agricole canadien subit de nouvelles pressions de tous les côtés, la productivité est un enjeu crucial. Mine de rien, un accès au réseau Internet permettrait d’exploiter des outils d’automatisation et de traitement des données qui peut accroître de plusieurs dizaines de pour cent leur efficacité.
Une infrastructure 5G bien déployée est une solution. Et l’équipementier le plus avancé dans les antennes, les modems, et tout ce qui permet de donner vie à cette infrastructure, c’est Huawei.
Pas surprenant, dans ce contexte, que Huawei Canada adopte une attitude conciliante, sans manquer de décocher quelques flèches au président américain Donald Trump. «On a confiance en notre technologie. Ce qu’on souhaite, c’est que le Canada et les autres pays créent une norme globale pour la sécurité de leurs réseaux, et on la respectera, tout simplement. Peu importe ce qui arrive, nous ne quitterons pas le Canada, mais ça prend des règles pour rendre le jeu prévisible. Décider sur un coup de tête de taxer l’acier ou le bois ou la technologie en alléguant des questions de sécurité nationale, ça, c’est moins juste», illustre le porte-parole de Huawei.
La Chine vous espionne
Dans toute cette histoire, les États-Unis n’ont toujours pas révélé publiquement la nature de leurs craintes de sécurité, alléguant que la proximité de Huawei avec le gouvernement chinois rend sa technologie suspecte, pouvant être utilisée à tout moment pour de l’espionnage. «Il est impossible de prouver un fait négatif», ironise Chris Pereira, mais Huawei risquerait trop d’agir de la sorte, étant donné le potentiel commercial énorme du marché de la 5G.
Chris Pereira ajoute : «Nous respectons le principe de légalité et sommes responsables devant l’État. Pour nous, le marché mondial de la 5G est beaucoup plus important que le marché domestique chinois.»
Parlant de respect, Huawei est aujourd’hui une des 20 entreprises dans le monde qui investissent le plus dans la R-D. Au Canada, l’entreprise finance plusieurs centres universitaires de recherche, en plus d’avoir ses propres installations à Kanata, pas loin de la capitale fédérale. L’équipe de chercheurs sur place a une expertise unique en matière de 5G.
L’an dernier, des critiques ont été soulevées quant au fait que toute cette recherche sur la 5G faite en sol canadien bénéficiait plus à la Chine qu’au Canada, en fin de compte. Huawei a donc promis, plus tôt ce printemps, que toute R-D faite ici appuyée par un financement public (en d’autres mots, la recherche universitaire) demeurerait propriété des institutions canadiennes où elle a été faite.
(Alain McKenna et Martin Dufort se sont penchés sur la question de Huawei dans le troisième épisode de la deuxième saison du balado #UneTasseDeTech.)
Bell et Telus sur les lignes de côté
Au début de l’année, il a été suggéré que Bell et Telus, qui comptent Huawei parmi leurs fournisseurs, risquaient de perdre plus d’un milliard de dollars si Ottawa interdisait le recours à la technologie chinoise dans les réseaux 5G.
Ailleurs dans le monde, Nokia, qui ne vend peut-être plus beaucoup de téléphones, mais qui compte sur la 5G pour reprendre du tonus du côté de l’infrastructure, a déjà commencé à titiller les fournisseurs pour prendre la place de Huawei. Rien n’indique que ça a été le cas au Canada, mais ça explique sans doute ce besoin d’accélérer la prise de décision à l’égard du futur du sans-fil canadien.
Huawei Canada aimerait bien que d’autres acteurs des télécoms canadiennes appuient la déclaration faite par Ericsson en Europe, incitant justement à la mise en place d’un cadre légal fixant les normes de sécurité minimales, après quoi tout le monde aurait les coudées franches. Ça aiderait peut-être Ottawa à trancher, qui sait.
Mais une chose semble certaine : la 5G s’en vient, et elle s’en vient vite. Reste à savoir d’où, plus exactement, elle viendra…
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