Il est encore temps d’atteindre nos objectifs environnementaux
Éliane Brisebois|Publié le 23 février 2022Les changements climatiques coûteront cher à l’économie canadienne. (Photo: 123RF)
BLOGUE INVITÉ. Est-il trop tard pour lutter contre les changements climatiques? Une proportion non négligeable de la population québécoise, soit 29 % selon un sondage Léger pour La Presse canadienne et 17% selon le Baromètre de l’action climatique 2021, croit que oui. Quoi qu’en pensent les pessimistes, les données scientifiques nous prouvent cependant qu’il est encore temps d’agir.
Le dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) l’a montré: le seuil maximal de réchauffement climatique visé par l’Accord de Paris de 1,5 oC pourrait être atteint dès 2030. Il y a toutefois un peu d’espoir en perspective, alors que la matérialisation de l’un des deux scénarios basés sur les plus fortes réductions d’émissions de gaz à effet de serre (GES) — c’est-à-dire l’atteinte de la carboneutralité en 2050 ou quelques années plus tard — pourrait permettre d’éviter de dépasser un réchauffement de 2 oC à l’horizon de 2100. Le scénario dans lequel les politiques actuelles semblent nous mener, soit une baisse des émissions de CO2 uniquement vers le milieu du siècle, entraînerait une hausse moyenne des températures de 2,7 oC en 2100.
Les changements climatiques coûteront cher à l’économie canadienne. Une étude de la firme internationale d’assurance et de réassurance Swiss Re a dévoilé l’an dernier que le scénario actuel pourrait engendrer une baisse de 10% du produit intérieur brut (PIB) de l’économie mondiale dans les 30 prochaines années. Cette baisse serait d’environ 7% au Canada, soit une chute encore plus importante que celle occasionnée par la pandémie de COVID-19 qui a fait descendre le PIB de 5,4%. «L’inaction n’est pas une option», écrivait la firme au moment de la publication de son rapport en avril 2021.
À mon sens, c’est un euphémisme quand on sait que 2050 arrive à grands pas et que les émissions de GES, au Canada seulement, ont augmenté de plus de 21% dans les 30 dernières années. Ce chemin — pavé d’embûches — vers une société carboneutre, c’est la nécessaire transition dont on parle de plus en plus. Plus qu’un ensemble d’actions pour lutter contre les changements climatiques, la transition socioécologique englobe toute lutte contre les perturbations environnementales. Car la perte de biodiversité sur la Terre coûte cher aussi, entraînant chaque année des pertes de centaines de milliards de dollars, d’après un rapport de l’OCDE.
À la base de tous les changements économiques, techniques, technologiques, de l’aménagement du territoire et de la gouvernance qu’elle implique, la transition socioécologique nécessite surtout des changements normatifs dans les structures qui régissent nos sociétés — lire ici: comme dans le système capitaliste. Ce sont ces transformations, et les multiples enjeux qui leur sont inhérents, que j’aborderai mensuellement dans ce blogue.
Pour reprendre les mots de la feuille de route Québec Zéro émission nette du Front commun pour la transition énergétique, il faut cesser notre «fuite en avant en comptant sur des “solutions miracles”» basées principalement sur l’ingénierie et les technologies. La responsabilité d’agir est partagée et le fardeau des transformations ne doit pas seulement reposer sur les épaules des individus. Citoyens, entreprises, gouvernements et collectivités ont tous leurs rôles à y jouer. La transition doit être juste, c’est-à-dire qu’elle doit tenir compte des travailleurs qui perdront leur emploi au cours des transformations vers la carboneutralité. Elle doit aussi être motivée par la justice sociale afin que les changements n’exacerbent pas les inégalités sociales dont les populations les plus vulnérables et marginalisées font déjà les frais.
Bien sûr, ces changements vont entraîner des perturbations importantes pour l’économie et les marchés canadiens, comme le note la Banque du Canada dans un rapport sur l’évaluation des risques de la transition pour la finance canadienne. L’analyse de différents scénarios de transition démontre cependant qu’attendre avant d’agir n’est pas la bonne voie, car une intervention différée menée à partir de 2030 à l’échelle mondiale «nécessitera une transition plus brusque et aura des impacts macroéconomiques plus forts» pour l’économie canadienne.
Il faut y aller maintenant. Il n’est pas trop tard.