Le FNB BMO S&P TSX Equal Weight Banks, qui accorde une pondération égale à chacune des banques, a cédé 20 % depuis le 8 février. (Photo:123RF)
ANALYSE. Comme c’est le cas pour les Bourses nord-américaines, les titres bancaires ont déjà beaucoup souffert du relèvement important des taux d’intérêt et du risque élevé de récession. Il faut dire que ce sombre scénario pimente les manchettes depuis des mois.
Les institutions financières sont au confluent des marchés financiers et de l’économie. Les obligations qu’elles possèdent perdent en valeur lorsque les taux grimpent tandis que les clients stressés financièrement, tant les particuliers que les entreprises, auront besoin d’accommodements pour faire face à la musique.
Sans compter que la chute des marchés financiers fait fondre les financements par action et par dette et réduit les revenus provenant de frais de commissions et d’honoraires.
Il n’est pas étonnant dans ces circonstances que le fonds négocié en Bourse (FNB) SPDR S&P Bank (KBE, 47,14 $US) ait déjà flanché de 22% depuis son sommet atteint à la mi-janvier, lui qui représente les titres bancaires américains.
Au Canada, le fonds iShares S&P/TSX Capped Financials (XFN, 44,60 $) a aussi reculé de 19 % depuis son sommet de février 2022. Le FNB BMO S&P TSX Equal Weight Banks (ZEB, 34,28 $), qui accorde une pondération égale à chacune des banques, a pour sa part cédé 20 % depuis le 8 février.
Évaluation attirante qui peut encore baisser
Maintenant qu’une récession semble inévitable, le moment est-il venu de reprendre une bouchée de ce secteur boudé, alors que les évaluations redeviennent attrayantes ?
Aux États-Unis, les banques se négocient à des multiples de 8,8 fois les bénéfices prévus des 12 prochains mois et de 1,1 fois leur valeur comptable. Ces deux mesures d’évaluation intègrent déjà une bonne part des dommages potentiels de la récession, croit Martin Roberge, stratège quantitatif à Canaccord Genuity.
Les cours bancaires réagissent à la détérioration rapide des perspectives fondamentales pour les prêts. Le marché immobilier résidentiel commence à piquer du nez après douze ans d’appréciation. Les emprunts par carte de crédit explosent tandis que le taux d’épargne fond. Ce «cocktail toxique pourrait entraîner une hausse des défaillances au cours des prochains trimestres», explique le stratège.
La demande de prêts de la part des entreprises risque aussi de pâtir du déclin des achats de biens, des surplus d’inventaires et de la rechute des cours des ressources naturelles, ajoute-t-il. Ce portrait se reflète d’ailleurs dans l’indice bancaire des contrats de protection financière de cinq ans (credit default swaps), dont l’objectif est de protéger l’acheteur du risque de défaillance. Il s’approche du niveau qu’il avait atteint au pire des peurs pandémiques en 2020 et lors des turbulences de 2007, 2011 et 2016.
Le stratège n’est pas encore prêt à sauter dans l’arène bancaire parce que l’évaluation des titres se comprime encore plus pendant les récessions. Il maintient donc la répartition neutre qu’il accordait au secteur dans son portefeuille.
La même réflexion s’applique aux banques canadiennes. Leurs titres s’échangent encore à un multiple de 9 fois les bénéfices et de 1,6 fois la valeur comptable. En récession, ces mesures d’évaluation tombent respectivement à 7 fois les bénéfices et à 1 fois la valeur comptable, précise le financier. «Nous attendons que les titres deviennent encore moins chers ou que les analystes abaissent leurs prévisions encore trop élevées de bénéfices pour les douze prochains mois avant de revenir aux banques canadiennes», avait-il évoqué dans son document de stratégie publié pour la rentrée de septembre.
Les analystes prévoient encore une hausse de 4,9 % des profits des banques canadiennes dans 12 mois. Cette prévision devra au minimum basculer dans le rouge, selon lui.
Pour leur part, dans une note récente, trois analystes de BofA Global Research sont étonnés de la confiance manifestée par les hauts dirigeants des banques canadiennes lors d’une conférence. Ils minimisent l’effet de la hausse des taux sur les emprunteurs hypothécaires. La Banque Royale (RY, 128,15$) s’y est décrit comme une forteresse bien capitalisée, disciplinée et flexible pour faire face à la conjoncture.
Les prix des maisons au Canada sont encore 42 % plus élevés qu’avant la pandémie et une dépréciation de 35 % ramènerait ces prix au niveau de 2019, font-ils valoir. Quant aux prêts aux entreprises, les banquiers canadiens s’attendent encore à ce que la demande ralentisse au lieu de diminuer.
Les analystes de ce courtier ne se prononcent pas sur l’ensemble des banques canadiennes, mais ils laissent entendre que cette confiance semble détachée de la réalité.