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Inclure le fer pour la planète, plaide l’industrie

Karl Rettino-Parazelli|Édition de la mi‑mai 2023

Inclure le fer pour la planète, plaide l’industrie

Josée Méthot, PDG de l'Association minière du Québec (Photo: courtoisie)

INDUSTRIE MINIÈRE. Au moment où tous les yeux sont tournés vers le lithium, le cobalt ou le nickel, l’Association minière du Québec (AMQ) milite pour que le fer fasse aussi partie de la liste des minéraux critiques et stratégiques (MCS). La planète s’en portera mieux, plaide-t-elle.

« Nous savons que nous aurons besoin de beaucoup d’acier pour réussir la transition énergétique mondiale. Et dans l’acier, il y a du fer, affirme la PDG de l’AMQ, Josée Méthot. Le minerai de fer à haute pureté qu’on retrouve principalement dans la fosse du Labrador, une formation géologique qui longe la frontière entre le Québec et Terre-Neuve-et-Labrador, « a sa place » dans la courte liste des MCS parce qu’il permettrait aux aciéries qui modernisent leurs installations de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, dit-elle. 

L’AMQ s’était déjà montrée déçue de voir le fer exclu de la Stratégie canadienne sur les minéraux critiques dévoilée par Ottawa en décembre dernier. Le président et chef de la direction d’ArcelorMittal Mines infrastructure Canada, Mapi Mobwano, avait également fait valoir publiquement que la pureté du fer québécois — qui contient moins de silice qu’à d’autres endroits sur la planète —permettrait notamment d’alimenter les industries de l’automobile et de la construction en « acier vert », dont le bilan carbone est meilleur que celui de l’acier conventionnel. 

Pour l’industrie minière, cette inclusion du fer dans la liste des MCS aurait d’importantes répercussions financières, puisque les projets d’extraction de 100 millions de dollars (M$) et plus deviendraient admissibles au congé fiscal pour les grands projets d’investissement annoncé dans le budget provincial 2023. Cette mesure permet de couvrir jusqu’à 25 % des investissements admissibles. Les entreprises minières à la recherche de fer pourraient également réclamer le crédit d’impôt fédéral de 30 % pour l’exploration de minéraux critiques annoncé dans le budget 2022. Les dépenses liées aux travaux d’exploration et de mise en valeur du minerai de fer au Québec se sont élevées à 94 M$ en 2021 (les plus récentes données disponibles), soit environ 10 % des dépenses de l’ensemble du secteur minier de la province. 

L’AMQ fait cependant face à des vents contraires. D’un côté, des constructeurs automobiles, comme Tesla et Ford, ont déjà annoncé leur intention de miser sur des batteries lithium-fer-phosphate, pour réduire leur dépendance au nickel et au cobalt, qui composent les batteries nickel-manganèse-cobalt. Les nouvelles Tesla Model 3 et Y ont déjà ces batteries contenant du fer sous le capot.

De l’autre, les projections contenues dans le Plan québécois pour la valorisation des minéraux critiques et stratégiques 2020-2025 montrent que l’augmentation prévue de la demande en minéraux entre 2018 et 2050 pour développer des technologies à faibles émissions de GES est de seulement 1 % pour le fer, comparativement à 488 % pour le lithium et à 494 % pour le graphite.

 

Processus accéléré

Que le fer en fasse partie ou non, l’AMQ souhaite que les projets miniers liés aux MCS puissent se mettre en branle plus rapidement grâce à un processus d’évaluation harmonisé entre le fédéral et le provincial. Ottawa a déjà annoncé vouloir travailler en ce sens dans sa stratégie sur les minéraux critiques.

« Si on avait une seule consultation, une seule étude d’impact pour les deux ordres de gouvernement, ça irait plus vite pour le développement des projets, dit Josée Méthot. Nous ne sommes pas en train de dire qu’il faut réduire l’encadrement ou les normes environnementales. Nous pensons que le processus peut être encore plus efficace, afin de réduire les délais d’autorisation. » Sans quoi, dit-elle, le Québec et le Canada perdront la course aux MCS dans laquelle ils sont engagés. « Si on veut se positionner, il faut développer nos projets rapidement. » 

« C’est vrai que pour tirer son épingle du jeu, il faut aller vite, acquiesce Jean-François Boulanger, professeur en métallurgie extractive des éléments critiques et stratégiques à l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue. Mais en même temps, j’aime bien l’approche qui consiste à respecter les normes environnementales et à donner les moyens et les ressources aux gouvernements pour faire les vérifications dans des temps plus raisonnables.»

Pour une entreprise minière qui a emprunté des millions, voire des milliards de dollars pour lancer son projet, une approbation qui traîne en longueur et qui fait gonfler le montant des intérêts à payer peut être fatale, explique-t-il. « Dans le secteur minier, on parle de gros investissements, avec des marges de profits qui peuvent être très bonnes. Mais il ne faut pas penser que ce sont tous les projets qui ont un succès retentissant. Ça ne prend pas grand-chose pour que le train déraille.»