Industrie automobile: la grève pourrait faire l’histoire
Jean-Paul Gagné|Édition de la mi‑octobre 2023Ces importantes grèves pourraient réanimer le syndicalisme américain, dont le taux d’adhésion est passé de 20% en 1983 à 10,1% (6% dans le privé) en 2022. (Photo: Getty Images)
Après la grève des acteurs et des scénaristes de Hollywood, c’est au tour des travailleurs unis de l’automobile des États-Unis (United Auto Workers ou UAW) de recourir à cette stratégie.
C’était la deuxième fois que les acteurs et les scénaristes faisaient la grève en même temps. Ils l’avaient fait en 1960, quand la Screen Actors Guild, alors présidée par Ronald Reagan, s’était jointe à la Writers Guild of America.
C’est la première fois que les UAW déclenchent des grèves en même dans des usines de trois constructeurs américains (GM, Ford et Stellantis). Le syndicat a d’abord bloqué trois usines, mais, devant l’absence de résultat, il a étendu le débrayage à d’autres sites.
Autre première, Joe Biden a été le premier président à se rendre sur une ligne de piquetage des UAW. De son côté, Donald Trump a visité une usine non syndiquée de composants pour affirmer son soutien aux salariés de l’automobile face à la volonté du président Biden d’accélérer la production de voitures électriques. Les UAW, qui craignent que les nouvelles usines fassent perdre des emplois syndiqués, n’auraient aucun membre dans les usines des États du Sud, où se trouvent 30% des emplois de l’industrie et où il existe des lois antisyndicales, dites right-to-work.
Autre facteur aidant, le syndicat des UAW est maintenant dirigé par un président (Shawn Fain) crédible, élu pour la première fois au suffrage universel des membres, qui en avaient assez de la clique qui en avait pris le contrôle. Deux ex-présidents ont déjà été condamnés pour corruption.
Briser les inégalités
Shawn Fain a mobilisé ses troupes autour des inégalités dans la rémunération au sein de l’industrie. Cette disparité est d’autant plus inacceptable que les UAW n’ont jamais rattrapé les pertes de revenu subies par le sauvetage de leurs employeurs en 2008.
Frappés par une explosion des prix du pétrole, qui a fait s’effondrer les ventes de voitures, et par la grande récession, qui a suivi la crise des subprimes (chute de la valeur des crédits adossés à des actifs et à des faillites bancaires), GM, Chrysler, GMAC et d’autres ont alors bénéficié d’une aide gouvernementale de 49,5 milliards de dollars américains (G$US), dont l’État a recouvré 39G$US.
Cependant, deux concessions majeures faites par les UAW n’ont jamais été recouvrées, soit l’abandon de leur régime de retraite à prestations déterminées et la mise en place d’une échelle de salaires inférieurs pour les nouveaux employés d’usine. Selon l’Economic Policy Institute, le résultat de ce double système de traitement a fait en sorte que le salaire moyen des travailleurs des trois grands serait actuellement de 19% inférieur à celui de 2008 en termes réels (après l’inflation).
Or, selon l’Economic Policy Institute, les actionnaires des trois grands sont passés à la caisse, ayant reçu 66G$US en dividendes et en rachats d’actions de 2013 à 2022 sur les 250G$US de profits réalisés au cours de la même période. Et que dire des PDG, dont la rémunération a explosé: 29 millions de dollars américains (M$US) en 2022 pour la PDG de GM, soit 362 fois le salaire du travailleur typique de la société; 25M$US pour le PDG de Stellantis, soit 365 fois le salaire moyen de ses employés; et 21M$US pour celui de Ford, soit 281 fois le salaire de son travailleur moyen?
Les UAW estiment que leur tour est arrivé, d’où leurs demandes: abolition de la deuxième échelle salariale, rétablissement du régime de retraite à prestations déterminées, hausse des salaires de 40% en quatre ans et semaine de 32 heures/4 jours. C’est beaucoup, mais des salariés se sont dits ouverts à des concessions.
Renverser le déclin
Ce conflit de travail a pour trame de fond les inégalités croissantes dans les rémunérations dans l’industrie automobile, mais aussi au sein de la société américaine.
Selon l’Economic Policy Institute, la rémunération moyenne des PDG des 350 plus grandes sociétés américaines inscrites à une Bourse, qui a été de 25,2M$US en 2022, représente 344 fois celle d’un travailleur typique, alors que ce multiple n’était que de 21 fois en 1965. Autre statistique révoltante, la rémunération de ces PDG s’est accrue de 1209% de 1978 à 2022, alors que celle du travailleur ordinaire n’a augmenté que de 15,3%. Cette situation est assez semblable au Canada. Et on se demande pourquoi il y a tant de cynisme dans la population.
On espère que les milieux syndicaux, que ces importantes grèves, si elles donnent des résultats, réaniment le syndicalisme américain, dont le taux d’adhésion est passé de 20% en 1983 à 10,1% (6% dans le privé) en 2022. Plus de 200 000 membres ont adhéré à un syndicat en 2022. Environ 9000 employés de quelque 350 Starbucks se sont syndiqués et un entrepôt d’Amazon l’a été, mais il y a encore très loin de la coupe aux lèvres avant de voir un regain du mouvement syndical.
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Le maire de Québec, Bruno Marchand, a de la vision et de la détermination. En fait foi son plan d’action qui prévoit 80 000 nouveaux logements d’ici 2040, soit le double de l’offre prévue. Ce plan comprend 20 actions structurantes, dont la modification du cadre réglementaire, l’accélération du traitement des demandes de permis, la conversion d’immeubles de bureaux, d’églises, etc., et l’utilisation de réserves foncières et le droit de préemption. La première phase (2023-2026) prévoit des investissements de 147M$ par la Ville, de 348M$ par le gouvernement du Québec et de 110 M$ par le fédéral. Premier défi: casser le carcan bureaucratique !
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Selon La Presse, seulement un projet de logements social et abordable a été mis en chantier sur les 41 projets retenus par le gouvernement du Québec dans le cadre de son nouveau programme d’habitation abordable lancé il y a près d’un an. Celui-ci remplace AccèsLogis, qui a déjà bien fonctionné (1800 logements construits par année de 2005 à 2012). Mais le refus de Québec d’accroître son financement a contribué à son abandon. Le nouveau programme compte surtout sur le privé pour construire des logements, mais seulement cinq projets sur les 41 projets retenus sont venus du privé et aucun n’est lancé. On tourne en rond. Bonne chance, maire Marchand!