ANALYSE. Les investisseurs sont-ils trop sévères envers iA Groupe Financier (IAG, 57,89 $) ? C’est du moins ce que semblent croire presque tous les analystes qui suivent le titre de l’assureur mieux connu sous le nom de l’Industrielle Alliance.
Sur les neuf analystes qui suivent le titre, un seul n’en recommande pas l’achat, selon Refinitiv. Encore là, la tiédeur de Darko Mihelic, de RBC Marchés des capitaux, s’approche davantage du chaud que du froid. Encouragé par les plus récents résultats, l’analyste veut attendre un autre trimestre avant de bonifier sa recommandation. La porte est manifestement ouverte.
Ce fort appui n’est pas attribuable au récent engouement pour le facteur valeur, dont profiteraient les sociétés d’assurance-vie. Le consensus est plus mitigé pour les autres grands assureurs canadiens.
Les investisseurs, pour leur part, ne sont pas aussi magnanimes quand ils évaluent l’assureur de Québec. Son titre a été plus malmené que ses concurrents par la pandémie, avec un rendement total négatif de 14,9 % depuis le début de l’année (en date du premier décembre). La société s’échange aussi à un multiple inférieur aux sociétés comparables, que ce soit pour le ratio cours/bénéfice des 12 prochains mois (8,69 fois) ou pour le ratio prix/valeur comptable (0,98 fois).
Parmi les irritants, bien des investisseurs se demandent si la filiale américaine, IAS Holding, dont l’acquisition a été terminée en mai dernier, devra déprécier ses actifs. iA Groupe Financier a également un ratio de solvabilité inférieur aux entreprises comparables. La pandémie soulève aussi des inquiétudes à savoir si la hausse de la mortalité provoquée par la COVID-19 aura un impact plus grand que prévu sur les polices d’assurance-vie.
La thèse optimiste
Pour sa part, Meny Grauman, de Banque Scotia, croit que les bons résultats du troisième trimestre viennent confirmer que les inquiétudes du marché sont exagérées. La société s’est montrée résiliente depuis le début de la pandémie et a démontré qu’elle ne méritait pas de s’échanger à une valeur inférieure à sa valeur comptable. « Ce n’est pas comme si la COVID-19 n’avait pas eu d’impact sur les résultats, admet l’analyste. Elle en a eu et la société sera capable d’augmenter son bénéfice par action, malgré ces défis. »
Selon lui, la crainte d’une dépréciation d’actif à IAS Holding «n’a pas lieu d’être». Il critique, lui aussi, la direction, qui ne serait « pas aussi transparente qu’elle le pourrait » au sujet de la rentabilité de la transaction. Il note cependant que les activités d’assurance automobile aux États-Unis sont en forte croissance, ce qui vient démentir les inquiétudes d’une dépréciation. « Les critiques voient l’arbre, mais pas la forêt, défend-il.
Paul Holden, de Marchés mondiaux CIBC, est aussi optimiste quant aux activités d’assurance automobile aux États-Unis. Les ventes d’automobiles semblent connaître une reprise en V. Ce sursaut est une bonne nouvelle, car les conditions du marché de l’assurance automobile sont liées au volume de ventes de voitures, explique-t-il. La diversification dans ce secteur a été un élément favorable durant la pandémie.
Il souligne également que le segment de l’assurance individuelle connaît une croissance. Il attribue ce succès à la stratégie de distribution, aux outils numériques et aux nouveaux produits.
Ratio décortiqué
À 125 %, le ratio de solvabilité d’iA Groupe financier est plus bas que celui de ses semblables (moyenne de 140 %). L’écart n’est toutefois pas aussi grand qu’il paraît, nuance Scott Chan, de Canaccord Genuity. L’analyste note que la société utilise une méthode comptable différente. Cela a pour effet de donner un ratio plus bas, mais moins volatile. S’il adoptait la méthode de calcul des concurrents, son ratio serait plutôt de 132 %.
Scott Chan prévoit que la direction augmentera ses réserves tant que la période d’incertitude se poursuivra. Une fois la pandémie derrière nous, la société pourrait recommencer à considérer des projets d’acquisitions ou utiliser une partie de ses réserves pour racheter des actions et augmenter son dividende. À 125 %, le ratio de solvabilité est déjà au-dessus des objectifs de la direction, qui visent une fourchette de 110 % à 116 %, ajoute Meny Grauman.
Le verdict du marché et des analystes est donc bien différent. C’est compréhensible. Dans le passé, plusieurs gestionnaires de portefeuille m’ont expliqué en entrevue que les sociétés d’assurance-vie sont des entreprises particulièrement difficiles à évaluer. Leur rentabilité future dépend d’hypothèses sur les risques et les rendements à long terme. Malgré de savants calculs actuariels, ces entreprises ne sont pas à l’abri d’erreurs difficiles à anticiper.
À un moment où plusieurs investisseurs sont prêts à reconsidérer un investissement dans certaines actions malmenées par la pandémie, ce désaccord est digne d’intérêt.