Des secteurs entiers sont exsangues : hôtels au taux d’occupation famélique, bars, restaurants, théâtres, cinémas et musées fermés. (Photo: Phil Desforges pour Unsplash)
CHRONIQUE. Partout dans le monde, le coût de la crise de la COVID-19 est énorme pour la collectivité. Au Québec, le PIB du deuxième trimestre 2020 a reculé par rapport à l’an dernier. À cela s’ajoutent d’immenses coûts sociaux : problèmes de santé mentale, report de soins de santé non liés à la COVID-19, violence domestique, etc. Sans compter les coûts à long terme, qu’on commence à peine à appréhender : des carrières brisées, des retraites amputées, des étudiants privés de cours normaux, des secteurs économiques entiers potentiellement déstructurés.
On sait tout cela. Cependant, on parle rarement du fait que ces coûts sont répartis inéquitablement.
Côté pile, la pandémie a été une occasion en or pour les détaillants en alimentation, en quincaillerie et rénovation, les plateformes de commerce en ligne ou de téléconférence, les entreprises de loisir à la maison (numériques ou non), les fabricants et les distributeurs de mobilier et de matériel de bureau, sans oublier les fabricants d’équipement de protection personnelle. Ces secteurs profitent de la pandémie, souvent de façon spectaculaire. On a même rapporté que des pseudo-entrepreneurs, cadres du réseau de la santé, ont créé des agences de placement de personnel de la santé. Ils auraient fait de petites fortunes en exploitant des travailleurs étrangers, voire en débauchant des employés du réseau public pour ensuite lui louer leurs services à prix d’or.
Côté face, des secteurs sont exsangues : hôtels au taux d’occupation famélique, bars, restaurants, théâtres, cinémas, musées fermés ; transporteurs aériens volant à vide avec, dans leur sillage, toute la filière aéronautique. Entre les deux, des milliers d’entreprises qui supportent un coût plus ou moins élevé d’adaptation aux directives de la Santé publique. Cette iniquité ne découle pas de la pandémie elle-même, mais bien des directives de la Santé publique.
Qui ferme, qui reste ouvert, quel comportement du citoyen est interdit, toléré, permis, encouragé, rien de tout cela n’est un « fait de Dieu ». Tout cela résulte de décisions prises de concert par des experts en santé publique et des dirigeants politiques.
Je ne conteste pas ces choix. Ils s’appuient sur la science et cherchent l’intérêt collectif, je n’en doute pas. Si justifiés soient-ils, ce sont ces choix qui dopent des secteurs et en étouffent d’autres. À bénéfice collectif, responsabilité collective : il m’apparaîtrait normal que la collectivité corrige l’iniquité qu’elle engendre. Adéquatement.
Je m’explique donc difficilement les réticences des gouvernements quand vient le temps d’aider des secteurs précis qui supportent une part disproportionnée du coût de la stratégie de santé publique. Oui, il y a des programmes. Mais que des entreprises aient à quémander l’aide du gouvernement ; que, dans les faits, l’aide tarde à venir pour l’industrie aérienne, pour les hôtels, restaurants et bars, pour les spectacles et le divertissement hors foyer en général ; que l’aide qui leur est offerte prenne en bonne partie la forme de prêts qui hypothéqueront l’avenir de secteurs entiers ; qu’elle soit plafonnée, alors qu’ils ne sont en rien responsables de ce qui leur arrive. Je m’explique encore plus mal que des gérants d’estrade trouvent que les gouvernements en font déjà trop. Il est choquant d’accepter le sacrifice d’entreprises à l’autel des impératifs du bien collectif.
L’enjeu est certes économique. Les Québé- cois réclament de la solidarité. Il y a urgence d’y voir.