CHRONIQUE. Au moment où ces lignes étaient écrites, Statistique Canada venait de publier le plus récent taux d’inflation au Canada, soit 4,1 % pour les 12 derniers mois. Un niveau qui n’avait pas été atteint depuis mars 2003, il y a plus de 18 ans!
Ce chiffre peut paraître spectaculaire et inquiétant. Il dépasse largement la cible supérieure de la Banque du Canada, dont l’un des mandats principaux depuis 1991 est de maintenir l’inflation entre 1 % et 3 %. Toutefois, ce taux d’inflation de 4,1 % au mois d’août 2021 est en bonne partie le reflet d’anomalies temporaires liées à la pandémie. Sur le graphique ci-après, on constate bien la ligne en rouge qui explose au cours des derniers mois et qui dépasse la cible supérieure de 3 %.
Si l’on prend un peu de recul et que l’on calcule l’inflation annuelle sur une période de 24 mois (ligne bleue sur le graphique) au lieu des 12 derniers mois, l’interprétation des plus récents résultats change radicalement. Ainsi, sur 24 mois, l’inflation annuelle est actuellement de 2,1 %, en plein milieu de la cible de la Banque du Canada. On se rend aussi compte que la cible a été très bien contrôlée au cours des 20 dernières années, malgré les soubresauts de l’économie.
Bien que l’inflation semble encore sous contrôle et que la Banque du Canada s’attend à ce que la hausse récente soit temporaire, plusieurs facteurs laissent croire que cette tendance à la hausse pourrait se poursuivre. Le facteur le plus important est sans aucun doute l’intervention sans précédent de la Banque du Canada dans l’économie canadienne.
Le principal soutien de la Banque du Canada, soit l’achat d’obligations gouvernementales, se poursuit encore à ce jour et totalise plus de 330 milliards de dollars depuis le début de la pandémie. En rachetant massivement les obligations émises par le gouvernement canadien, la Banque du Canada crée de l’argent, tout simplement, et finance le déficit fédéral record. Cette intervention permet de soutenir les taux d’intérêt même sur les obligations à plus long terme du gouvernement.
En maintenant également un taux directeur à un niveau plancher, la Banque du Canada continue de stimuler agressivement l’économie malgré une hausse importante des prix dans plusieurs industries, une bulle immobilière pancanadienne, des marchés boursiers qui battent des records, des problèmes mondiaux d’approvisionnement et une pénurie de main-d’œuvre généralisée. Ça semble un cocktail parfait pour que l’inflation continue d’augmenter plus rapidement que prévu. Espérons que la Banque du Canada a bien les deux mains sur le volant.
On pourrait débattre longtemps du bien-fondé de toutes les mesures d’urgence qui ont eu pour effet de sauver des emplois, des entreprises et de gonfler la valeur des actifs. Pour l’instant, les Canadiens, surtout les plus fortunés, s’en sortent plutôt bien. Il reste à voir comment l’économie et les marchés financiers réagiront à long terme à ces stimuli record.
Si l’inflation est effectivement bien contrôlée par la Banque du Canada au cours des prochaines années, les rendements des différents actifs financiers (actions, obligations, immobilier) seront beaucoup plus faibles que ceux des dernières années, voire des dernières décennies. Une bonne diversification de portefeuille est donc encore essentielle afin de ne pas être surpris par les multiples scénarios possibles quant aux rendements offerts par les différentes catégories d’actifs dans les années à venir.