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Jean-Paul Gagné

Droit au but

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Analyse de la rédaction

Inondations: mieux prévenir grâce à des mesures durables

Jean-Paul Gagné|Édition de la mi‑mai 2019

CHRONIQUE. Nous venons de subir deux inondations majeures en deux ans. Ayant appris des dégâts énormes causés par celle de 2017, les municipalités et les citoyens étaient beaucoup mieux préparés cette année pour affronter les caprices de Dame Nature. Bravo !

Malheureusement, nos gouvernements supérieurs ont montré à nouveau leur négligence à trouver des solutions durables. Comme en santé, on a préféré guérir plutôt que prévenir. Comble de l’insouciance, le gouvernement fédéral a mis fin, en 1996, au programme de réduction des dommages dus aux inondations, qui permettait de dresser des cartes des zones inondables. Ce programme coûtait entre 40 et 60 millions de dollars par année. Or, son programme d’indemnisation des victimes d’inondations lui a coûté 3,8 milliards de dollars de 1970 à 2014. En 2016, ces indemnisations ont atteint 673 M $ et on peut penser que celles de 2017 et 2019 lui coûteront encore plus cher. Il est évident que l’on aurait dû être plus prévoyant.

N’ayant pas été mises à jour, plusieurs de ces cartes sont devenues inutiles. Selon The Globe and Mail, 7 % des cartes disponibles datent des années 1970, 24 % des années 1980 et 22 % des années 1990. En 2015, Ottawa a débloqué une enveloppe de 200 M $ en cinq ans pour permettre aux provinces de mettre à jour les cartes des zones inondables et élaborer des mesures d’atténuation des catastrophes, mais, selon Le Devoir, les provinces n’ont utilisé jusqu’à maintenant que 77 M $ de ce programme. Il faut le maintenir et, surtout, que les provinces l’utilisent davantage. Étrangement, le gouvernement du Québec, qui a dû gérer une situation très difficile en 2017, ne s’en est pas prévalu. Une négligence qui nous coûte cher aujourd’hui !

Le gouvernement Legault se montre plus attentif et diligent. Il a créé un «groupe d’action ministériel» composé de huit ministres et qui aura deux mandats principaux : voir à indemniser rapidement les citoyens et les municipalités et se préparer pour le printemps 2020. Il importe certes d’indemniser correctement et rapidement les victimes de ce désastre écologique, mais que veut dire «se préparer pour le printemps 2020» ?

De prime abord, on peut penser qu’il s’agira d’optimiser le programme d’indemnisation, de revoir les mesures d’intervention, de mettre en place différents plans d’action pour mieux protéger les immeubles situés dans les zones inondables et d’entreprendre avec les municipalités des discussions pour mieux encadrer l’octroi des permis de construction et de convaincre les citoyens de quitter leur demeure.

On peut prévoir que des maisons devront être rachetées par le gouvernement, que des rues devront peut-être être fermées et que des travaux d’aménagement seront requis pour convertir en espaces verts les milieux abandonnés. On comprend les municipalités et les citoyens de ne pas vouloir se retrouver avec un «quartier plein de trous», selon l’expression de Maxime Pedneaud-Jobin, maire de Gatineau, où une centaine de maisons ont été détruites en 2017. Pour cela, nos décideurs devront faire preuve de leadership et être créatifs pour réaménager de façon intelligente des quartiers et même des centres-villes vulnérables aux inondations.

Les changements climatiques ne sont pas des «faits alternatifs». On en verra les effets désastreux de plus en plus souvent : inondations, ouragans, tornades, incendies de forêt, interruptions d’activité dues à la chaleur extrême (reports de vols aériens comme à Phoenix, l’an dernier, restriction au travail de construction le jour, désertification, assèchement de lacs et de cours d’eau, décès de personnes vulnérables, etc.).

Tulsa, ville modèle

Au lieu de se concentrer sur le règlement des dommages, il faut maintenant travailler davantage en amont et trouver des solutions durables.

Sans créer une commission d’enquête, le groupe d’action du gouvernement Legault devrait aussi consulter des experts et aller voir ce qui se fait ailleurs pour mieux sécuriser les citoyens et protéger les zones habitées. Par exemple, ils pourraient s’inspirer de ce qui a été fait à Tulsa, en Oklahoma, qui a agi avec détermination après avoir été durement éprouvée par des inondations dans les années 1970 et 1980. En 1984, une crue soudaine a causé la mort de 14 personnes, détruit ou endommagé 5 000 bâtiments. Un conseil consultatif a été créé à cet effet. En plus des digues, on a aménagé des réseaux de drainage et des terrains d’activités sportives (soccer, football, etc.), qui peuvent servir de réservoirs lors des inondations. Des frais spéciaux sont imposés aux promoteurs immobiliers.

Grâce aux initiatives de la ville, les propriétaires bénéficient d’une réduction substantielle de leur prime d’assurance pour les dommages causés par l’eau. Cette assurance est obligatoire aux États-Unis pour les propriétés situées dans des zones à risque. Les assureurs sont privés, mais les primes sont contrôlées par une agence fédérale [voir fema.org]. Pourquoi n’aurait-on pas une telle protection au Canada ?

Si on ne veut pas avoir les mêmes résultats, le moment est venu de penser et de faire autrement.

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