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Interdire les cryptos n’est pas efficace… selon le FMI

François Remy|Publié le 26 juin 2023

Interdire les cryptos n’est pas efficace… selon le FMI

Reprenant les statistiques de la société américaine spécialisée Chainanalysis, les économistes du FMI rappellent par exemple que le Brésil, l’Argentine, la Colombie et l’Équateur apparaissent dans le Top 20 international en termes d’adoption. (Photo: 123RF)

EXPERT INVITÉ. Le Fonds monétaire international (FMI) se joindrait-il étonnamment à la défense du bitcoin? Loin de là. Mais les économistes de l’institution internationale mettent en exergue les bénéfices des actifs numériques.

«Bien que quelques pays aient complètement interdit les cryptoactifs en raison des risques qu’ils présentent, cette approche pourrait s’avérer inefficace à long terme», affirment conjointement Rina Bhattacharya, Dmitry Vasilyev, économistes du FMI, et Mauricio Villafuerte, chef de département du Fonds, dans une récente analyse sur l’évolution des cryptomonnaies et des monnaies numériques de banques centrales (MNBC).

Prononcé dans un langage policé en conclusion de leur court article économique, cet apparent aveu de faiblesse a ravi plus d’un ardent partisan du bitcoin. Surtout que, forts de souligner l’improductivité d’un bannissement des cryptos, lesdits économistes du FMI exhortent à se concentrer sur les facteurs de la demande, concédant l’importance de «besoins non satisfaits chez les citoyens en matière de paiement numérique».

Une adoption sensée

Loin d’un plaidoyer spontané en faveur des cryptos, ce document de travail du FMI s’intéresse en fait à un phénomène bien particulier : une adoption du «cash numérique» dans les régions d’Amérique latine et des Caraïbes à ce point soutenue qu’elle offre de «précieux enseignements au reste du monde», notent les auteurs.

Reprenant les statistiques de la société américaine spécialisée Chainanalysis, les économistes du FMI rappellent par exemple que le Brésil, l’Argentine, la Colombie et l’Équateur apparaissent dans le Top 20 international en termes d’adoption. Et ce pour mieux illustrer la recherche par les utilisateurs des avantages que «les actifs numériques sont censés offrir» : la protection contre des conditions macroéconomiques nationales incertaines, l’amélioration de l’inclusion financière pour les populations non bancarisées, des paiements moins chers et plus rapides, ou encore une concurrence plus forte.

D’ailleurs, douze des dix-neuf juridictions de la région Amérique Latine/Caraïbes interrogées par le Fonds dans le cadre d’une étude à la mi-2022 disposaient déjà d’un cadre réglementaire spécial pour les cryptoactifs, ou étaient en train d’en élaborer un. «Pour que les cryptoactifs puissent continuer à faire partie du système de paiement en toute sécurité, ils doivent être réglementés», estiment bon de préciser les économistes du FMI.

Des risques à mitiger

Les compliments des économistes s’apparentent à des roses, après les pétales suivent inévitablement les épines. Les auteurs épinglent dès lors le fait que l’adoption des cryptoactifs présente également de nombreux défis et risques. «En particulier pour les pays vulnérables de l’Amérique latine qui ont un passé d’instabilité macroéconomique, une faible crédibilité institutionnelle, des flux de capitaux importants, de la corruption et des secteurs informels étendus», insistent-ils.

En tout cas, même si la réglementation a rapidement progressé sous ces latitudes ensoleillées, l’encadrement des cryptoactifs y reste sensiblement variable. Avec des extrêmes tels que le Salvador, qui a fait du bitcoin un moyen de paiement légal, ou d’autres pays comme l’Argentine et la République dominicaine, qui ont interdit l’utilisation des cryptos. «En raison de préoccupations concernant leur impact sur la stabilité financière, la substitution de devises et des actifs, l’évasion fiscale, le blanchiment d’argent», énumère l’analyse du FMI.

Bref, peut-être convient-il de retenir seulement que le Fonds monétaire international reconnaît diplomatiquement «les avantages potentiels de l’innovation technologique associée aux cryptoactifs». Des avantages qui demandent une réponse politique appropriée. Et le FMI ne peut s’empêcher de préférer une solution institutionnelle, promouvant les monnaies numériques de banques centrales qui «si elles sont bien conçues, peuvent renforcer la facilité d’utilisation, la résilience et l’efficacité des systèmes de paiement et accroître l’inclusion financière».