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Jean-Philippe Legault

Entre les lignes, par Jean-Philippe Legault

Jean-Philippe Legault

Expert(e) invité(e)

J’aime les sociétés qui échouent!

Jean-Philippe Legault|Publié le 14 juillet 2023

J’aime les sociétés qui échouent!

L'échec de la Wii U a tout de même permis d’acquérir des connaissances qui ont ensuite servi à développer la Nintendo Switch, aujourd’hui vendue à plus de 125 millions d’unités. (Photo: 123RF)

OPINION. Vous avez bien lu! J’aime les sociétés qui échouent. Plus particulièrement, j’aime les sociétés qui échouent régulièrement.

Attention! Tous les échecs ne sont pas égaux. Ils doivent être intelligents. Le terme « intelligent failure », a été popularisé il y a plusieurs années par le professeur Sim Sitkin de l’Université Duke aux États-Unis.

Selon lui, les échecs intelligents devraient présenter les cinq caractéristiques suivantes:

  1. Résulter d’une planification réfléchie;
  2. Mener à des résultats incertains;
  3. Être de taille modeste;
  4. Être traités rapidement;
  5. Se produire dans des domaines suffisamment familiers pour permettre un apprentissage efficace.

Un investisseur devrait donc évaluer les échecs d’une société en fonction de ces caractéristiques. Si ces dernières sont respectées, on peut présumer que l’échec pourrait être bénéfique à long terme. Voici trois exemples.

 

Le «Fire Phone» d’Amazon

En 2014, Amazon a débuté la commercialisation de son téléphone intelligent, le Fire Phone. Dans sa lettre aux actionnaires de 2021, Jeff Bezos explique que le produit a échoué parce qu’Amazon était probablement arrivée trop tard dans le secteur. Le Fire Phone a été discontinué en 2015. Malgré tout, Jeff Bezos explique qu’Amazon a appris de précieuses leçons de cet échec, en plus d’engager des employés compétents. Ces employés et ces leçons ont ensuite servi à développer les appareils Echo (Alexa) et le FireTV, des produits qui ont connu beaucoup de succès.

 

Le «Apple Newton»

En 1993, Apple a débuté la commercialisation de son assistant personnel, le Apple Newton. Utilisée avec un stylo électronique, cette « tablette » permettait la reconnaissance de l’écriture manuscrite. L’appareil remplaçait ni plus ni moins l’écriture sur une feuille de papier. Entre 1993 et 1998, on estime qu’environ 200 000 appareils ont été vendus. Même si ce produit a été un échec, les leçons apprises ont aidé au développement du iPad et du iPhone, des produits qui font aujourd’hui la renommée d’Apple.

 

La «Nintendo Wii U»

Nintendo avait connu du succès avec sa Nintendo Wii, lancée en 2006. Forte de ce succès, la société a développé et lancé en 2012 la Nintendo Wii U. Contrairement à ses concurrents, Xbox et PlayStation, la Wii U proposait une manette avec un écran tactile. Cette console s’est avérée un échec avec seulement 13,5 millions de consoles vendues entre 2012 et 2017. Toutefois, le développement de la Wii U a permis d’acquérir des connaissances qui ont ensuite servi à développer la Nintendo Switch, aujourd’hui vendue à plus de 125 millions d’unités.

Qu’ont en commun les trois exemples précédents? Ils respectent les cinq caractéristiques d’un échec intelligent. En respectant ces caractéristiques, une équipe de direction peut rapidement corriger le tir lorsque de nouveaux produits ou initiatives échouent, mais surtout, limiter l’impact financier négatif tout en acquérant des connaissances afin de s’améliorer.

À noter que les échecs intelligents ne se retrouvent pas que dans les produits de consommation. Ils peuvent également se produire dans les sociétés qui offrent des services. J’ajouterais d’ailleurs que ces principes s’appliquent parfaitement à l’investisseur autonome lorsqu’il prend la décision d’acheter un nouveau titre.

En résumé, vous devriez vous méfier des sociétés qui ne semblent jamais confrontées à des échecs. Ces dernières auront-elles développé suffisamment de compétences pour innover dans le futur? À l’inverse, méfiez-vous des sociétés qui semblent miser sur des innovations d’envergure. Généralement, ces mégaprojets découlent d’une planification réfléchie, mais pourraient mettre la société en péril.

Ne soyez donc pas déçu si vos sociétés échouent. Réjouissez-vous! Pourvu qu’il s’agisse d’échecs intelligents.

 

Jean-Philippe Legault, CFA

Analyste financier chez COTE 100