(Photo: Lightfieldstudios pour 123RF)
EXPERT INVITÉ. Je ne crois pas que ce soit un gros coming-out que d’annoncer publiquement que je déteste virer des gens. Je pense que très peu de personnes apprécient cette partie du travail et pour celles dont c’est le cas, je m’inquiète sérieusement pour elles. Toutefois, laisser aller des personnes fait partie intégrale du travail. C’est nécessaire si vous souhaitez garder vos «A» motivés. Ne pas le faire aura des répercussions majeures sur votre entreprise.
Dans mon cas, au début de ma carrière en tant qu’entrepreneur, j’ai très longtemps repoussé à plus tard la majorité des mises à pied qui étaient pourtant nécessaires. En fait, j’ai déjà vomi juste avant de virer quelqu’un. Je le redoutais. J’ai évité ce sentiment en essayant très souvent de me convaincre que ce n’était pas nécessaire de laisser aller telle ou telle personne, mais c’était une grave erreur!
Le bien de l’équipe avant tout!
Aujourd’hui, bien que je ne trouve pas cela plus facile, j’ai fini par comprendre que dans le cas d’une équipe sportive, comme dans le cas d’une entreprise performante, il est nécessaire de penser aux joueurs restants et mettre en avant ce qui est le mieux pour la majorité. L’entreprise est plus grande et plus importante que n’importe quel individu, même si celui-ci est très performant.
J’ai surtout réalisé cela après une discussion avec mon mentor il y a quelques années où je devais effectuer un redressement dans une entreprise en difficulté. Le mandat était brutal: je devais licencier près de 70% des effectifs quelques jours après mon arrivée et ça me semblait moralement impossible. Pourtant, ce n’était pas moi qui avais embauché ses gens et je savais que c’était nécessaire.
Il me posa simplement une question: si tu ne laisses aller personne, tu es conscient que tout le monde perdra son emploi dans quelques semaines. Est-ce mieux? En effet, en laissant aller 70% des effectifs, cela a permis de conserver une dizaine d’emplois et par la suite, de reprendre l’embauche. Plusieurs de ses personnes travaillent toujours dans cette organisation!
Dire au revoir à des gens qu’on apprécie
Mais le plus difficile est de loin de devoir dire au revoir à des gens honnêtes pour des raisons qui n’ont peut-être rien à voir avec elles, sauf peut-être parce qu’elles se trouvent au mauvais endroit au mauvais moment.
Il y a plusieurs raisons pour lesquelles vous pouvez vous retrouver dans cette situation:
Le pivot. Dans la vie d’une entreprise, surtout à ses débuts, il est fort probable que l’orientation initiale dévie vers quelque chose d’autre, c’est qu’on appelle «le pivot». En effet, guider une entreprise vers un modèle économique reproductible et évolutif nécessite de l’expérimentation, de la flexibilité et de nombreux changements de rôle. Par conséquent, il n’est pas rare qu’un employé indispensable en décembre ne soit plus pertinent en janvier. Par exemple, chez Connect&GO, nous avons débuté l’entreprise dans le milieu de l’événementiel. L’équipe était alors majoritairement composée de gens extrêmement travaillant et ingénieux toujours à la recherche d’une solution rapide pour régler un problème. Logique: pas le temps d’y réfléchir des semaines lorsque le festival dure trois jours et que votre système est au cœur de ses opérations! Tout est toujours urgent.
Mais lorsque nous avons débuté notre pivot vers les installations permanentes, nous avons rapidement réalisé que ce n’était pas le même type de compétences qui étaient nécessaires. Nous devions échanger la créativité et la réactivité pour de la solidité et de la planification. Même si nous étions convaincus qu’une majorité de notre équipe serait en mesure de performer dans les deux modèles, le constat final fut que presque personne n’a été en mesure de piloter ce changement. Si c’est le cas dans votre organisation, vous devez commencer rapidement les discussions et aider vos gens à se trouver un meilleur emploi ailleurs!
Vous serez aussi surpris, mais souvent, cela va libérer la personne. Il n’y a pas de mauvais employés, il y a simplement des employés dans la mauvaise chaise. Par exemple, au bout d’un an, la plupart des employés licenciés durant cette période se sont retrouvés dans une meilleure situation qu’avant dans des organisations adaptées à leurs désirs et leurs compétences.
Passez dans les ligues majeures. Les entreprises, comme les gens, évoluent. Dans cette évolution, les compétences requises ne sont plus les mêmes. Au départ, vous avez une grande idée et pas grand-chose d’autre. Vous embauchez le meilleur que vous pouvez. En général, vous allez chercher des gens qui sont bons dans tout, car il est impossible de vous permettre des spécialistes pour pourvoir chaque chaise dans l’organisation. Mais si les choses se passent bien, que vous obtenez une certaine traction et que tout d’un coup vous commencez à avoir des moyens financiers supérieurs, vous risquez de constater qu’une partie importante de votre équipe actuelle n’est pas prête pour la prochaine étape.
C’est à ce moment-là qu’il devient clair que la personne que vous aviez persuadée d’être votre vice-président du marketing lorsque vous aviez 6 employés et que vous travailliez dans votre chambre d’amis n’est peut-être pas la bonne personne pour diriger le marketing maintenant que vous êtes 100 employés et que vous avez un véritable budget marketing.
L’erreur de presque tous les entrepreneurs que j’ai accompagnés comme mentor est de tenter par tous les moyens de garder ces personnes dans l’organisation et même de les promouvoir à des postes supérieurs en sachant très bien qu’ils ne vont pas réussir. Faire cela risque fortement de vous faire revenir dans les lignes mineures et de tuer votre croissance.
Une culture de performance. Presque toutes les organisations disent vouloir «embaucher juste les meilleurs» ou avoir une «équipe de A», mais la plupart des gens n’ont pas le courage de faire ce qu’il faut pour y parvenir. La dure vérité est qu’avoir une équipe composée de gens supérieurs à la moyenne n’est pas seulement une question de bon recrutement, mais aussi de savoir faire face à ses erreurs rapidement. Si vous vous retrouvez avec un joueur C, la meilleure façon de résoudre ce problème est de déplacer le C afin de pouvoir effectuer une autre passe en essayant de décrocher un A. Cela ne veut pas dire que le C n’est pas quelqu’un de génial et agréable, mais, si vous le gardez trop longtemps, il risque d’entrainer d’autres gens vers un bas niveau de productivité.
Laisser aller quelqu’un dans l’une de ces circonstances est brutal, quelle que soit votre position, mais pour un PDG de start-up, cela peut être encore plus atroce, car dans de nombreux cas, vous dites au revoir à quelqu’un que vous avez passé des mois à convaincre de tout abandonner et de partir avec vous, quelqu’un qui a travaillé sans relâche pour vous aider à réaliser votre rêve et qui a même quitté son emploi bien payé pour vous suivre.
C’est alors que vous savez que vous êtes vraiment un PDG. Quand vous prenez votre courage à deux mains pour vous asseoir avec celui que vous considérez comme un ami pour lui expliquer que ses compétences, aussi formidables soient-elles, ne sont plus à la hauteur ou les bonnes pour ce poste. Ou encore que vous deviez leur annoncer que vous faites appel à quelqu’un de l’extérieur pour devenir leur patron. Parfois, il arrive que vous ne puissiez tout simplement plus maintenir son emploi pour des raisons économiques.
En tant que fondateur, notre instinct nous pousse souvent à chercher des solutions pour conserver chaque membre de notre équipe même lorsque leurs performances laissent à désirer.
Cependant, nous avons une responsabilité plus profonde, qui consiste à réfléchir à ce qui est le mieux pour les nombreuses autres parties prenantes de cette entreprise — dont beaucoup ont fait des actes de foi équivalents avec leur temps, leur talent ou leur argent — et s’attende de vous que vous fassiez tout ce qui est en votre pouvoir pour constituer la meilleure équipe!
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