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Jouer à la loterie pour assurer sa retraite

Daniel Germain|Publié le 10 mai 2019

Jouer à la loterie pour assurer sa retraite

Je n’ai pas tenté de retrouver les résultats de ce sondage sur la retraite, mais je me souviens d’avoir lu quelque part qu’une frange de la population comptait sur d’éventuels gains de loterie pour financer leurs vieux jours. Ça nous avait bien fait rigoler.

Ils ne représentaient qu’une faible portion de l’échantillon, j’ai cru un moment que ce pouvait être l’œuvre de quelques loustics qui voulaient se payer la tête du sondeur. Quand on y pense bien, il y a sûrement des personnes qui n’ont d’autres choix que de remettre leur «planification» de retraite entre les mains du hasard, c’est tout ce que leur permettent leurs moyens, ou plutôt l’absence de moyens.

Ce n’était pas le cas de mon père, un notable qui était bien ancré dans le moment présent, si je puis dire. Pour lui, le temps se découpait en deux phases, maintenant et l’instant de la mort, sans rien entre les deux, pour vous dire que prévoir n’était pas sa force. À la question du sondeur, il aurait sans doute été de ceux qui ont répondu «Gagner à la loto», feignant la rigolade pour confondre son interlocuteur. Pourtant, son plan d’avenir semblait consister réellement à tirer la combinaison gagnante. «C’est cette semaine qu’on gagne le gros lot», lâchait-il fébrile, les jours du tirage. C’était du sérieux, les billets étaient rangés dans un étui de similicuir qui ressemblait à un porte-chèque. La validation des numéros de 6/49 s’inscrivait dans les repères de la semaine, au même titre que la commande d’épicerie, la tonte de la pelouse et la mesure du pH de l’eau de la piscine.

Il n’aura jamais été un fin gestionnaire des finances familiales mon père, mais quel contribuable il a pu être! Je n’ose même pas imaginer tout ce qu’il a déboursé de taxes volontaires par l’intermédiaire de Loto-Québec, sans compter les pénalités et les intérêts sur ses arriérés d’impôts. Il aurait mérité qu’on baptise un viaduc en son nom pour son apport supplémentaire au trésor public. Quant à sa retraite, elle a été moins glorieuse il faut dire.

Je vous raconte cette histoire, car je reçois des courriels de lecteurs qui évoquent cette désinvolture paternelle. Ils ont bien gagné leur vie et maintenant qu’ils approchent de la retraite sans épargne, ils espèrent un miracle. Ils m’implorent comme si j’étais la Sainte Vierge.

À moins de gagner à la loterie, il n’y a pas de miracle possible. Les revenus de retraite, si on exclut les prestations publiques et les «fonds de pension», dépendent de deux facteurs: l’épargne et le rendement. Les deux sont déterminants, mais il n’y en a qu’un sur lequel on a le plein contrôle, celui malheureusement qui exige quelques sacrifices, l’épargne. On peut ensuite investir dans le but d’obtenir un meilleur rendement, mais de ça on n’est jamais sûr.

Je ne veux pas généraliser, mais j’ai remarqué que moins les gens en mettent de côté, sans égard aux revenus, plus ils cherchent à compenser par la quête de rendements élevés. Le jeu est dangereux. Le risque est un luxe qu’on ne peut se permettre que lorsqu’on a beaucoup de temps devant soi ou beaucoup d’argent dans les poches, c’est comme ça. Quand on réclame un miracle, c’est qu’on n’a aucun des deux.

C’est ce qu’a appris le lecteur Richard. Il m’a écrit la semaine dernière, je n’ai pas accusé réception, je ne sais pas quoi répondre, sinon que je ne suis pas spécialiste des causes perdues. Voici ce qu’il dit, je n’invente pas :

«J’ai investi tout ce que j’avais dans Nemaska (NMX), 175 000 $, alors que l’action se négociait à 1$, dans l’espoir de m’assurer une certaine retraite. Je suis prêt à conserver les actions durant trois ans. J’ai 56 ans, je prévois travailler encore cinq ou six ans. Devrais-je retirer mes billes de Nemaska dont l’action ne vaut plus que 0,35$ ? Que faire selon vous ?»

L’appel à l’aide date de mercredi de la semaine dernière. Le titre de Nemaska Lithium a depuis poursuivi sa descente, il touchait les 0,30$ au moment d’écrire ces lignes. Notre lecteur constitue un cas d’école, il a commis les pires gaffes d’investissement en concentrant tout ce qu’il a dans un seul titre spéculatif à quelques années de tirer sa révérence, «dans l’espoir de s’assurer une certaine retraite».

Remarquez le choix des mots, et l’ordre dans lequel ils arrivent dans la phrase. Lorsqu’il s’agit d’atteindre une certaine retraite, mieux vaut assurer d’abord et espérer ensuite. Épargner c’est assurer, viser des rendements c’est espérer. Moins on a assuré, plus on espère.

Quand il n’y a plus que l’espoir, on achète des billets de loterie.

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