Justin Trudeau à la tête d’un gouvernement libéral minoritaire
La Presse Canadienne|Publié le 21 septembre 2021Justin Trudeau demeure premier ministre du Canada. (Photo: Getty Images)
Justin Trudeau ne perd pas le pouvoir, mais il perd son pari.
Il a risqué son gouvernement dans l’espoir de gagner une majorité. Le prochain gouvernement sera libéral, mais minoritaire.
Et dans un court discours devant ses militants réunis à Montréal, il a pris acte de ce résultat.
«Je vous ai entendus. Ça ne vous tente plus qu’on parle de politique ou d’élections. Vous voulez qu’on se concentre sur le travail qu’on a à faire pour vous», a déclaré M. Trudeau.
«Je suis prêt à poursuivre le travail», a-t-il promis, faisant taire, pour un temps, ceux qui annonçaient la fin de sa carrière politique s’il n’obtenait pas la majorité qu’il a cherchée.
D’après les résultats qui continuaient à être mis à jour dans la nuit de lundi à mardi, les libéraux ont fait élire 142 députés, les conservateurs 117, les bloquistes 29, les néo-démocrates 23 et les verts, deux.
Quand on additionne les comtés où les différents partis sont en avance, le résultat est presque identique à celui de 2019, à très peu de choses près.
«Tout ça pour ça», a laissé tomber le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, quand il a livré son discours, quelques minutes avant M. Trudeau.
Les libéraux semblent avoir remporté la bataille du Québec ; mais encore là, les résultats sont très semblables à ceux d’il y a à peine deux ans.
On compte 32 élus libéraux, dont Justin Trudeau, et 29 bloquistes, dont Yves-François Blanchet. Les libéraux sont en tête dans deux comtés, les bloquistes dans trois.
Les conservateurs ont réussi à prendre 10 comtés et sont en avance dans un autre. En 2019, Andrew Scheer avait convaincu les électeurs de 10 comtés québécois. Cette fois, le contrat d’Erin O’Toole n’a pas fait beaucoup mieux.
Alexandre Boulerice, seul néo-démocrate québécois à Ottawa depuis deux ans, a été réélu. Jagmeet Singh a cru un instant avoir doublé sa représentation au Québec, Ruth Ellen Brosseau étant déclarée gagnante en fin de soirée. Mais dans la nuit, Mme Brosseau avait perdu son avance et le bloquiste Yves Perron l’avait doublé, avec plus de 1000 voix de majorité.
«Pour les Québécois, peu importe le nombre de nos députés dans notre caucus, on va se battre pour vous», a déclaré le chef néo-démocrate lorsqu’il a pris la parole, dans un rassemblement à Vancouver.
Gaspésie-les-les-de-la-Madeleine, première circonscription québécoise où les votes ont commencé à être comptés, n’a pas fait durer le suspense aussi longtemps qu’on aurait cru.
La libérale sortante, la ministre Diane Lebouthillier, a été la première Québécoise à être déclarée élue, battant pour la deuxième fois le candidat bloquiste Guy Bernatchez.
«On a tout mis ; on a tout donné», disait encore quelques minutes plus tôt, en entrevue téléphonique, le chef bloquiste Yves-François Blanchet, en parlant de toute sa campagne, pas seulement de ce comté où, cependant, il a investi beaucoup de temps et d’énergie pendant les cinq semaines de campagne.
M. Blanchet avait «rêvé» de 40 circonscriptions au Québec. Au déclenchement des élections, ils étaient 35 libéraux et 32 bloquistes dans la province. Après le vote, ils pourraient être, une fois tous les votes comptés, 35 libéraux et 31 bloquistes.
La course est assez chaude dans une poignée de circonscriptions québécoises pour que les résultats se fassent attendre.
C’est le cas pour Trois-Rivières où la lutte se fait à trois et dans Longueuil–Saint-Hubert où la candidate libérale Florence Gagnon tente de déloger le député bloquiste Denis Trudel.
Dans Laurier-Sainte-Marie, la candidate néo-démocrate Nimâ Machouf inquiète le ministre Steven Guilbeault, mais aux petites heures du matin, c’était encore lui qui était en tête.
Beauport-Limoilou, la députée sortante bloquiste Julie Vignola a eu raison du conservateur Alupa Clarke qui tentait un retour.
Résultats en Atlantique
L’Atlantique est resté plutôt rouge, mais le bleu a grugé une partie de la carte des quatre provinces où, au déclenchement des élections, il y avait 27 libéraux, quatre conservateurs et un néo-démocrate.
Lundi soir, le Parti libéral a perdu quatre sièges aux mains des conservateurs, dont celui d’une ministre, celles des Pêches et Océans, Bernadette Jordan. Cependant, il pouvait se consoler en ayant ravi le seul comté néo-démocrate de la région, à Terre-Neuve-et-Labrador.
Les libéraux ont remporté 23 sièges en Atlantique et les conservateurs, huit. Les deux partis continuaient de se disputer le comté de Fredericton où la députée libérale sortante, Jenica Atwin, est une transfuge qui avait été élue sous les couleurs du Parti vert en 2019.
Dans ce comté, le résultat final pourrait bien devoir attendre que les votes postaux soient comptés.
Plus d’un million de Canadiens à travers le pays ont choisi de voter par la poste et leurs bulletins seront dépouillés à partir de mardi.
Résultats ailleurs
Plus de quatre heures après la fermeture des bureaux de scrutin en Ontario, on comptait 70 libéraux, 37 conservateurs et cinq néo-démocrates élus.
Le parti de M. Trudeau menait dans cinq autres comtés ontariens, celui de Jagmeet Singh dans deux circonscriptions, celui d’Erin O’Toole dans une seule. Le Parti vert a réussi à faire élire un candidat, dans Kitchener-Centre, Mike Morrice. La leader du parti, Annamie Paul, elle, est arrivée quatrième dans Toronto-Centre où elle a passé presque toute la campagne électorale.
Sans surprise, les conservateurs ont fait le plein de votes en Alberta et en Saskatchewan. La députée néo-démocrate d’Edmonton-Strathcona, Heather McPherson, a cependant résisté à la vague bleue encore une fois. Un autre néo-démocrate, Blake Desjarlais, a aussi réussi à se faire élire, aussi dans un comté d’Edmonton. Les libéraux ont également remporté un siège dans Calgary.
En Colombie-Britannique, 12 libéraux avaient été élus, 13 conservateurs, 12 néo-démocrates et la députée du Parti vert Elizabeth May. La situation dans les quelques circonscriptions où on comptait encore les votes annonce un résultat presque nul dans cette province pour les trois principaux partis. Chacun aura entre 13 et 15 sièges.
Discours de chef
Saskatoon, Maxime Bernier battu dans sa propre circonscription de Beauce, où le député conservateur Richard Lehoux a été réélu, s’est présenté devant ses militants qui scandaient «liberté».
«Mes amis, aujourd’hui, nous avons fait l’histoire (sic)», s’est vanté M. Bernier. «La politique canadienne ne sera plus jamais pareille», a-t-il prédit.
Le Parti populaire du Canada n’a fait élire aucun député lundi.
La leader du Parti vert a remercié ses bénévoles. «Nous sommes un petit parti dans un système qui est créé pour les grands partis», a dit Mme Paul. Dans son discours, elle n’a rien dit de son avenir dans ce parti où elle a dû se débattre pour garder son poste de chef, à l’aube du déclenchement de la campagne électorale.
Troisième à prendre la parole, le chef conservateur a assuré qu’il est là pour rester.
Si M. Trudeau veut déclencher de nouvelles élections dans 18 mois, a dit M. O’Toole, «le Parti conservateur sera prêt». «Et je serai prêt à conduire le Parti conservateur du Canada vers la victoire», a-t-il promis, suscitant les applaudissements de ses militants réunis à Oshawa.
Le chef bloquiste qui s’est présenté à son tour devant ses militants à Montréal a partagé sa déception. «Nous avons le devoir de faire plus, le devoir de faire mieux», a-t-il lancé aux militants bloquistes.
Le chef néo-démocrate, lui, a repris son discours de campagne, promettant de se battre pour les gens.
Pour cette 44e élection, les Canadiens élisaient 338 députés qui siégeront à la Chambre des communes, 78 d’entre eux pour y représenter le Québec.
Lundi soir, les libéraux avaient 155 députés à perdre, les conservateurs 119, les bloquistes 32, les néo-démocrates 24 et les verts, deux. Des six autres sièges, cinq étaient occupés par des indépendants et le sixième était vide.
Le chef libéral a déclenché ces élections, espérant en ressortir avec une majorité, comme en 2015, lui qui a dû composer avec un mandat minoritaire après l’élection d’octobre 2019.
Au Canada, 27 366 297 personnes étaient inscrites pour voter lundi. De ce nombre, 6 495 755 votaient au Québec.