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Kolegz: quelle pénurie de main-d’oeuvre?

Dominique Talbot|Publié le 08 novembre 2023

Kolegz: quelle pénurie de main-d’oeuvre?

«Souvent on essaie d’attirer les gens avec les choses qui nous attirent. Alors que ce n’est pas ça que les candidats recherchent. Il faut leur demander ce qu’ils veulent», explique Marianne Lemay, à la tête de Kolegz. (Photo: courtoisie)

Pour tout l’automne, Les Affaires vous présente SOLUTION START-UP, une rubrique dédiée aux jeunes entreprises innovantes du Québec. Vous découvrirez des entreprises qui ont franchi l’étape de l’«accélération». C’est un rendez-vous chaque semaine, tous les mercredis à 12h.

SOLUTION START-UP. Marianne Lemay reçoit beaucoup de curriculum vitae de personnes qui souhaitent travailler dans son entreprise Kolegz. Et pour cela, elle ne fait rien. Même que pour le moment, elle n’embauche pas. Par contre, elle aide les entreprises à recevoir plusieurs, voire des dizaines de CV (dans certains cas des centaines), pour des postes qu’elles pensaient impossibles à combler. 

Son secret? Il faudra attendre un peu. Car avant de parler de la manière dont elle réinvente à sa façon les ressources humaines, impossible de ne pas parler de la naissance même de Kolegz. 

«Après cinq ans, je commence à m’habituer.» Une phrase toute simple, mais qui est pour le moins déconcertante lorsqu’elle est prononcée en ricanant par Marianne Lemay. Il n’est pas ici question de sa vie d’entrepreneure, quoiqu’elle semble très bien s’y faire, mais plutôt de maladie. Plus précisément d’une leucémie myéloïde chronique. 

C’est qu’après avoir reçu ce diagnostic coup de poing en août 2018, que la jeune femme d’affaires, mère d’un jeune enfant à l’époque, apprend aussi que pour survivre, elle sera sous chimiothérapie. À vie.

«C’était le petit coup de pied dont j’avais besoin pour me lancer en affaires.» Bien sûr, la première année après le diagnostic, elle était «maganée». Beaucoup de rendez-vous, de visites à l’urgence. Beaucoup de bas, et même des hauts. Mais un an après la nouvelle, elle qui se voyait déjà comme une intrapreneure dans les boîtes où elle avait travaillé (elle avait déjà monté deux départements de ressources humaines et un de marketing), fait le grand saut dans le vide. 

«On dirait que j’avais peur de me lancer. Quand j’ai fait face à la mort de très très proche, je me suis dit qu’il n’y a plus rien qui me faisait peur. Ç’a été un moteur pour moi.»

«Quand ma situation s’est stabilisée, c’était beaucoup plus facile. En fait, ce que ç’a changé, c’est que j’ai dû traiter mes rendez-vous médicaux comme s’ils étaient un client. C’est-à-dire de faire de la place dans mon horaire.» 

«Au début, j’étais du genre à répondre à un client à partir de l’hôpital, poursuit-elle. Là, je me suis dit qu’il faudrait que je m’engage une équipe un jour. […] Je suis très engagée envers mes clients.» Difficile de la contredire.

 

Renouveau des «RH», par la techno

Et donc, qu’est-ce que Kolegz? «Nous sommes une firme de créativité en ressources humaines qui aident les employeurs à réduire leurs défis de pénurie de main-d’œuvre en utilisant les techniques du marketing et de la technologie pour repenser les processus traditionnels en ressources humaines», répond simplement Marianne Lemay. 

Une start-up qui a le vent dans les voiles depuis ses débuts, et qui compte des clients comme Moment Factory, avec qui elle a développé un mur interactif de développement des compétences, des municipalités, la SAQ, l’École de technologie supérieure, des compagnies d’assurances. Et bien d’autres. 

«Nous n’avons jamais fait de démarches pour aller chercher des clients. Ce sont les gens qui viennent vers nous.» Cela, grâce à une stratégie marketing où elle prend beaucoup d’initiatives pour se faire voir et donner envie aux entreprises de se tourner vers Kolegz. 

«Après trois mois, affirme Marianne Lemay, je pouvais vivre de mon entreprise. Après six mois, je louais mon local de 1600 pi2. Après trois ans, nous dépassions le million de dollars de services rendus.»

Cela dit, ce n’est pas la croissance à tout prix que vise la femme d’affaires. De ses propres mots, elle préfère avoir moins de clients, mais mieux les servir. Ce qui l’anime, c’est d’aider ses clients à combler leurs besoins de main-d’œuvre, de recruter de nouveaux talents et surtout, de les garder. «Et de faire du Québec un meilleur endroit où travailler.»

Pour y arriver, son coffre à outils est bien garni. Il était question plus tôt d’un mur interactif, mais Kolegz produit aussi, entre autres, des guides virtuels pour gestionnaires sur les bonnes pratiques de gestion, ainsi que des parcours de formation, encore là, virtuels et interactifs. 

«La technologie est vraiment au cœur de nos pratiques», dit simplement Marianne Lemay. «Parfois, des entreprises pensent avoir des défis de pénurie de main-d’œuvre, mais avec des actions toutes simples, elles n’en auront plus. Et c’est ce que nous faisons», poursuit-elle. 

«Il faut se décoller le nez et se dire que nous ne sommes pas la personne que nous recrutons, analyse-t-elle. Souvent on essaie d’attirer les gens avec les choses qui nous attirent. Alors que ce n’est pas ça que les candidats recherchent. Il faut leur demander ce qu’ils veulent.»

 

Montrer l’exemple

D’ailleurs, une des choses qui l’a convaincu de se lancer en affaires est justement de moderniser les pratiques en ressources humaines, qui, dit-elle, sont encore parfois désuètes. Et elle trouvait aussi qu’il y avait encore beaucoup d’entreprises qui ne prenaient pas soin de leurs employés. Elles éprouvaient ainsi des problèmes de pénuries de main-d’œuvre. «Dans le fond, elles ont des moyens pour agir, mais elles ne les connaissent pas.»

Et pour Marianne Lemay, ça commence par monter l’exemple. C’est pourquoi elle a choisi d’offrir sept semaines de vacances par année à ses employés. 

«J’ai fait ce choix, car justement, avec la maladie, ça m’a appris que le temps est important, et qu’on a juste une vie. Et qu’il faut prendre le temps de se reposer pour arriver frais et dispo au travail.»

«Je veux qu’elles [les employées] aient un équilibre de vie. C’est ce que nous vendons à nos clients, et c’est ce que nous vivons à l’intérieur de l’entreprise. Il faut être cohérent. C’est important pour moi. J’ai fait le choix qu’on prenne le temps de vivre. Ça donne le ton pour l’équipe.»