Les marchés n’ont pas fini de donner des sueurs aux investisseurs si l’on se fie au portrait à mi-année. (Photo: Getty Images)
La Bourse américaine se dirige vers le pire début d’année depuis 1970, avec un recul à ce jour de 20% pour le S&P 500, à moins d’un revirement inattendu au cours des cinq prochaines séances.
Les marchés n’ont pas fini de donner des sueurs aux investisseurs si l’on se fie au portrait à mi-année.
Après tout, la Fed américaine admet désormais qu’il lui sera difficile d’éviter une récession si elle veut enrayer la pire inflation en 40 ans, même si le marché du travail est en meilleure posture qu’auparavant pour encaisser le coup.
Même combat au Canada où l’inflation atteint un pic depuis 1983 et pourrait franchir le cap de 8% cet été avant de perdre de la vigueur.
Certains économistes estiment d’ailleurs que la récession américaine s’est déjà amorcée et que les statistiques de juin le confirmeront.
Ensuite, en juillet suivront les résultats financiers du deuxième trimestre des entreprises qui révèleront comment ces dernières naviguent une demande moins forte et des coûts persistants.
De nombreux observateurs appréhendent cette période de confessions parce que les analystes reverront alors à la baisse leurs attentes encore élevées. Cet ajustement pourrait servir un autre choc aux marchés après ceux de la guerre en Ukraine en février, de l’inflation américaine galopante en mai et de la hausse musclée du taux directeur américain ce mois-ci.
La techno moins boudée, les cycliques moins populaires
Dans un chassé-croisé, les marchés reflètent d’ailleurs la nature changeante des risques. La rechute des taux phares de dix ans aux États-Unis, qui sont passés de presque 3,5% à 2,82% entre le 14 juin et le 6 juillet, indique que la principale crainte passe de la trop forte inflation à celle d’une récession. Depuis 1995, la Bourse américaine a perdu 29,5% et les profits ont flanché de 21%, en moyenne, lors de récessions, rappelle Martin Roberge de Canaccord Genuity.
Le recul des taux redonne un peu de tonus au secteur de la technologie tant ravagé par la dévalorisation de leurs profits que provoque la hausse dramatique des taux américains , depuis le début de l’année.
Pendant que certains gestionnaires se réfugient encore dans les secteurs jugés plus stables de la consommation de base, de la santé et des services aux collectivités pour traverser la tempête, d’autres rachètent un peu des «blue chips» de la technologie, avec un horizon plus lointain.
À l’inverse, les secteurs plus tributaires de l’économie mondiale, qui en théorie profitent le plus de la poussée des cours des matières premières, cassent à leur tour.
Une foule de matières premières, du cuivre au bois d’œuvre, en passant par le cobalt et les engrais, sont en forte chute par rapport à leur sommet respectif. Même le secteur américain de l’énergie passe au collimateur et connaît son propre mouvement baissier de 25%.
Les marchés émergents, avec des devises dépréciées, importent moins de matières premières. En même temps, le ratio qui compare les expéditions aux stocks indique que les manufacturiers, grossistes et détaillants américains ont des inventaires de produits suffisants sur leurs tablettes et commandent moins des fabricants qui à leur tour produisent moins et achètent moins de matières premières, explique le stratège.
Un plancher ultime de 3100 pour le S&P 500 cet automne?
À Toronto, l’indice S&P/TSX, qui a pourtant bonne réputation pendant les périodes inflationnistes, a reperdu 16% depuis son sommet annuel atteint au début d’avril. Les banques canadiennes se sont affaissées de 20% depuis leur sommet de février.
Ce chassé-croisé fait en sorte que les titres «de croissance» et les titres de «valeur», deux étiquettes que les pros affectionnent, sont tous deux tombés en deçà de leur évaluation historique.
«Le marché dans son ensemble incorpore une récession, mais les prévisions de profits n’ont pas encore cassé. La collision pourrait survenir cet automne et entraîner le marché baissier du S&P 500 jusqu’à 3100», scénarise Martin Roberge.
Ce niveau de 3100 équivaut aux multiples de 15 à 17 qui prévalent lorsque les taux de 10 ans se situent entre 2 et 4% en période de récession, précise le stratège.
Source d’espoir: la contraction de 40% du multiple du S&P 500 à 17 fois depuis le sommet de janvier 2022 est déjà l’une des pires historiquement.
Voici comment le S&P 500 et les profits réagissent en temps de récession. (Source: Canaccord Genuity)
Cette fois, la chute des profits ne devrait pas atteindre la moyenne de 21% observées lors de récessions non plus, avance aussi Martin Roberge. Son modèle table sur un recul de 5 à 20% des bénéfices réalisés du S&P 500 par rapport à leur zénith récent de 222$US.
Premièrement, l’économie américaine peut mieux encaisser le choc de l’énergie que dans le passé, car elle est proportionnellement moins énergivore qu’avant (mesuré par la consommation du carburant pour chaque dollar de PIB).
Deuxièmement, les banques disposent de solides capitaux propres ce qui leur donne une marge de manoeuvre avant d’avoir à restreindre les prêts.
Troisièmement, la meilleure productivité des entreprises, mesurée en divisant les revenus des sociétés du S&P 500 par le nombre d’employés, protège les marges de façon structurelle.
Enfin, l’emploi pourrait moins se dégrader que dans le passé étant donné l’écart encore important entre le nombre d’offres d’emplois et celui des candidats.
Le stratège conclut de cette analyse que les investisseurs peuvent commencer à racheter des actions lorsque le S&P 500 tourne autour de 3600, et surpondérer les actions en portefeuille lorsque l’indice touche 3100. «Cette tactique repose sur l’hypothèse que l’évaluation redeviendra assez attrayante pour que les investisseurs puissent déployer leur capital avant que la Fed ne signale que le resserrement monétaire tire à sa fin», met-il en contexte.