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Dominique Beauchamp

La Sentinelle de la Bourse

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Analyse de la rédaction

La Bourse démarre en lion, trop tôt pour fêter?

Dominique Beauchamp|Publié le 19 janvier 2019

La Bourse démarre en lion, trop tôt pour fêter?

Le S&P/TSX de Toronto gagne presque 7%, son meilleur début d'année depuis 1980. (Source: Bloomberg)

Le rebond éclair de la Bourse américaine, qui connaît son meilleur début d’année depuis 1987, donne raison à ceux qui avaient accusé les algorithmes et les fonds négociés en Bourse d’avoir aggravé la déroute historique de décembre.

Avec un gain de 6,4% en 18 courtes séances, le S&P 500 a déjà récupéré la moitié des pertes de 19,8% essuyées entre le sommet du 20 septembre et le plancher du 24 décembre.

Le S&P 500 est encore 9% sous son sommet de septembre.

L’indice S&P/TSX n’est pas en reste. Son gain de presque 7% en fait le meilleur début d’année depuis 1980.

L’indice de Toronto a aussi rebondi de 11% depuis la veille de Noël.

Découvrez ici les gagnants et les perdants de la semaine

Un tel départ canon ne dit rien sur l’avenir comme on l’a vu au début de 2018.

Après le sommet du 26 janvier, et un gain rapide de 5,1%, les indices américains avaient vite basculé dans une solide correction de 10,2%.

À la toute fin de 2018, dans un climat déjà agité, la grève d’acheteurs en Bourse a certainement amplifié l’impact des ventes fiscales de fin d’année et le remaniement robotique des portefeuilles qui s’opère en fonction de seuils techniques.

«Comme lors de la chute de 22% du Dow Jones le 19 octobre 1987, il semble que décembre 2018 ait connu une série de krachs d’ordre technique», explique l’économiste Ed Yardeni, dans un récent bulletin.

Dans ces circonstances, un rebond réflexe ne surprend personne.

Pas que des robots

Le retournement est encore fragile, mettent bien sûr en garde divers financiers, mais il s’appuie tout de même sur de bonnes nouvelles et de nouveaux espoirs. 

«Les banques centrales ont capitulé, ce qui ravive l’appétit du risque», indique Michael Hartnett stratège de Bank of America Merrill Lynch, dans son dernier billet.

Les souhaits des investisseurs ont été exaucés: plusieurs bonzes de la Fed se disent en faveur d’une pause dans la hausse des taux après neuf tours de vis, depuis la fin de 2015.

Le président de la Banque centrale d’Europe (BCE), Mario Draghi, a aussi réitéré que l’économie européenne a encore besoin de soutien financier, tandis que la Chine multiplie les mesures de relance interne.

L’indice des conditions financières de Goldman Sachs s’est nettement amélioré depuis le 24 décembre. La détente équivaut à deux baisses du taux directeur de la Fed.

En même temps, le bras de fer entre les États-Unis et la Chine, la pire menace aux yeux des financiers, devient moins combatif douze jours avant la visite du vice-président chinois Liu He.

Nombreux sont ceux qui doutent qu’une résolution soit possible avant l’échéance du 1er mars, étant donné l’ampleur des enjeux, mais dans l’intervalle les marchés saluent chaque indice de compromis de parts et d’autres.

La révision des profits bât son plein

La chute de décembre coïncidait aussi avec une révision musclée des prévisions de profits des entreprises, un peu partout dans le monde.

Les analystes revoient encore leurs attentes comme ils le font si souvent en début d’année.

La croissance prévue des bénéfices mondiaux pour 2019 est passée de 10% il y a trois mois à moins de 7%. Cette révision de 3% est inférieure à celles de 2015 et de 2016, précise le stratège Jonathan Golub.

Citigroup s’attend plutôt à ce que les profits mondiaux avancent de 4% en 2019.

En décembre, 71% des titres du S&P 500 avaient baissé de plus de 20% alors que seulement 35% d’entre elles ont vu leurs prévisions de profits abaissés ces denières semaine. C’est moins que le taux de révision aux pires des corrections de 2011 (50%) et 2016 (46%).

«On peut donc espérer que la chute de décembre ait devancé la révision des profits. Si c’est le cas, le risque que la Bourse retourne aux planchers de décembre (comme le prévoit l’habituel test technique) diminuerait considérablement», explique Martin Roberge, stratège quantitatif de Canaccord Genuity. 

Pour sa part, M. Harnett de Bank of America Merrill Lynch surveille les monnaies asiatiques et l’indice coréen Kospi pour prendre le pouls chinois, ainsi que les constructeurs américains de maisons pour voir si le secteur immobilier réagit au récent déclin des taux, ainsi que les fabricants de puces pour établir si la technologie peut retrouver son élan.

Si tous ces indicateurs avançaient dans la bonne direction, le rebond boursier pourrait se propager aux secteurs les plus cycliques du marché, prévoit-il.

Les taux pourraient revenir hanter les Bourses

À très court terme, le shutdown américain ralentit l’économie américaine. La Fed peut donc patienter, ce qui plafonne les taux.

M. Hartnett croit toutefois que les marchés ne sont pas prêts pour trois éventualités: une reprise de l’économie chinoise, un essoufflement des dépenses de consommation américaines ou une accélération à 4% de la hausse des salaires.

Le S&P 500 est très influencé par les prévisions à l’égard des taux de la Fed. (Source: Bloomberg)

Le rebond de 1,1% de la production manufacturière en décembre et l’augmentation de l’utilisation de la capacité de production (à 78,3%) suggèrent aussi que l’économie américaine se porte plutôt bien et que l’inflation pourrait revenir hanter la Bourse, estiment les stratèges de Richard Bernstein Advisors.

Une nouvelle remontée des taux pourrait donc faire obstacle à d’autres gains en Bourse, si l’on se fie à la forte corrélation entre l’évolution du S&P 500 et les taux d’intérêt (voir graphique ci-haut).