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Dominique Beauchamp

La Sentinelle de la Bourse

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Analyse de la rédaction

La Bourse passera-t-elle le test du premier trimestre?

Dominique Beauchamp|Publié le 16 mars 2019

La Bourse passera-t-elle le test du premier trimestre?

Après un gain de 2,9% cette semaine, le S&P 500 n'est plus qu'à 4% du sommet de septembre 2018 (Source: Bloomberg).

Un sain débat divise les divers commentateurs boursiers.

D’un côté, il y a ceux qui sont étonnés par la résilience de la Bourse américaine au moment où les prévisions de bénéfices diminuent encore parce que le ralentissement mondial atteint l’économie américaine.

Le S&P 500 vient de connaître sa meilleure semaine depuis novembre, avec un gain de 2,9%.

L’indice élargi a aussi terminé la séance du 15 mars, au-dessus du plafond technique de 2820 auquel il s’est buté plusieurs fois, indique Bespoke Investment Group.

Le prochain jalon à franchir: le record de 2940 du 20 septembre, ajoute cette firme.

«Nous ne percevons l’élément déclencheur spécifique qui a soulevé les cours cette semaine, à part peut-être des facteurs d’ordre technique», écrit Martin Roberge de Canaccord Genuity.

Le stratège quantitatif cite une vague de rachats d’actions par les entreprises juste avant la période de blocage de la fin du mois qui précède la divulgation des résultats financiers du premier trimestre.

De l’autre côté du ring, il y a ceux qui jugent que l’appréciation de la Bourse américaine est tout à fait rationnelle, car les marchés flairent la réaccélération économique et le retour de la croissance des bénéfices attendus au deuxième semestre de l’année.

«Nous croyons que les marchés vont probablement fermer les yeux sur le ralentissement actuel et se positionner pour une reprise plus tard dans l’année», a dit le stratège Marko Kolanovic de JPMorgan Chase, à Bloomberg.

Deux hypothèses s’imposent pour que ce scénario tienne la route: une entente commerciale prochaine entre les États-Unis et la Chine, ainsi que des banques centrales toujours aussi accommodantes.

Une fois que le risque d’un échec des négociations commerciales sera passé, les capitaux que les investisseurs gardent en réserve depuis le plongeon de décembre reviendront en Bourse, prévoit aussi le stratège.

D’ailleurs, cette semaine, les fonds d’actions ont reçu plus de capitaux de la part des investisseurs (14,2 milliards de dollars américains) depuis 12 mois.

La chute des taux canadiens impressionne

Entre ces deux pôles, il y a ceux qui espèrent le mieux, mais protègent leurs arrières.

Douglas Porter, économiste de BMO Marchés des capitaux, entrevoit une courte période de faiblesse économique qui ralentira la cadence mondiale du rythme de 3,6% qu’elle avait en en 2018 à 3,3%, cette année.

En même temps, le recul des taux à long terme, en particulier au Canada, éveille sa vigilance.

Les taux de dix ans américains ont frôlé le plancher des 12 derniers mois en reculant jusqu’à 2,58% au cours de la semaine écoulée.

Au Canada, le signal du marché obligataire est plus menaçant encore, dit-il. Pour la première fois en dix ans, le taux de 10 ans de 1,73% est inférieur au taux interbancaire d’un jour de la Banque du Canada (1,75%).

Les taux de 5 ans ont aussi fondu de 2,5 à 1,6%, depuis l’automne dernier.

Le marché obligataire canadien accorde une probabilité de presque 50% à la possibilité que la banque centrale canadienne abaisse son taux directeur plus tard en 2019.

Sans rien exclure, M. Porter croit que le Canada frôlera une contraction économique au premier trimestre, mais que le pays s’en tirera avec une croissance modeste de 1,3%, pour l’ensemble de 2019.

Comment s’annonce le premier trimestre?

Les profits de sept industries se contracteront au premier trimestre, deux de plus qu’en 2015 (Source: Bloomberg)

Le dévoilement des résultats du premier trimestre commencera dans un mois, aux États-Unis.

Les analystes prévoient une baisse de 3,4% des bénéfices. Il s’agit du premier recul depuis le deuxième trimestre de 2016, précise FactSet.

Parmi les 103 sociétés ayant fourni un aperçu, 76 ont abaissé les attentes et 27 autres les ont relevées. Ce ratio de 74% se compare à la moyenne de 71% des cinq dernières années.

Les bénéfices de 200 des 500 entreprises du S&P 500 devraient décliner au premier trimestre, selon une autre compilation de Bloomberg. C’est nettement plus que lors de la dernière «récession des profits», il y a trois ans.

Sept industries afficheront un recul de leurs profits, deux de plus qu’en 2015.

À l’époque, le plongeon du pétrole avait été le principal responsable du déclin des bénéfices.

Cette fois, l’effet cumulé du ralentissement mondial, du conflit commercial, du bond des coûts et de l’appréciation du dollar américain noircit le bilan après l’effervescence suscitée par la réforme fiscale en 2018.

«La récession des profits est plus élargie qu’en 2015-16. Tant que nous ne verrons de preuves que les facteurs qui pèsent sur les marges se renversent, le risque de déception est élevé pour les investisseurs et la Bourse», a expliqué Michael Wilson, stratège de Morgan Stanley, à Bloomberg.

De plus, il est assez rare qu’une contraction des bénéfices dure un seul trimestre.

Depuis 1937, un seul trimestre de recul est survenu une fois sur dix, indique S&P Dow Jones Indices.

Lors des 18 épisodes pendant lesquels les bénéfices ont décliné pendant trois trimestres ou plus, la Bourse est tombée dans un marché baissier à 14 reprises, ajoute l’administrateur des indices.

Pourquoi l’épisode de 2015-16 n’est pas un bon repère?

Entre la fin de 2014 et la mi-2016, les profits s‘étaient inclinés pendant sept trimestres consécutifs.

Le S&P 500 s’était tout de même apprécié de 6,5% parce que la dégringolade de 107 à 26$US du cours du pétrole et la chute de 3% à 1,4% des taux américains de 10 ans avaient servi de soupapes à l’économie.

«Ces deux puissants stimuli ne sont pas dans les cartes cette fois-ci», croit Martin Roberge de Canaccord Genuity.

Le rebond de 20% du S&P 500, depuis le creux de la veille de Noël, intègre déjà la pause monétaire par plusieurs banques centrales.

Pour que le marché haussier se prolonge, la Fed devra éventuellement abaisser ses taux à temps pour éviter une récession en 2020, fait valoir le stratège de Montréal qui en doute.

Les probabilités d’une baisse du taux directeur américain en 2019 sont d’environ 22%.

Le comité monétaire de la Fed se réunit à nouveau les 19 et 20 mars. Les négociateurs espèrent en apprendre plus au sujet de la revente des titres que détient la banque centrale, car la normalisation de son bilan influence les taux à long moyen et long terme.