Le chômage est au plus bas en 50 ans, mais un indicateur précurseur de l'emploi passe sous zéro. (Source: Richard Bernstein Advisors)
BLOGUE. Des statistiques contradictoires, de nouveaux tarifs sur les produits européens, le cirque entourant la procédure de destitution, et surtout les prochains rendez-vous déterminants, gardent les marchés coincés entre deux feux.
La Bourse américaine recule pour une troisième semaine consécutive, mais le regain de 1,4% de vendredi a limité les pertes hebdomadaires à 0,3% pour le S&P 500 et à 0,9% pour le Dow Jones.
Le Nasdaq a avancé de 0,5%.
À Toronto, l’indice S&P/TSX a perdu 1,5% cette semaine en raison de la rechute de 5,5% du cours du pétrole, entre autres.
La récession, pas pour tout de suite
Les craintes que le ralentissement économique devienne une récession ont monté d’un cran en début de semaine à la suite du deuxième déclin consécutif du secteur manufacturier, en septembre.
La perception du risque augmente, mais le niveau de 47,8 de l’indice ISM manufacturier ne présage pas de récession. Ce niveau correspond plutôt à un taux annuel de croissance économique de 1,5 %.
L’indice ISM manufacturier, populaire auprès des stratèges, était tombé à 48 en décembre 2016, sans qu’une récession ne s’ensuive, rappelle Michael Kramer, de Mott Capital Management.
«Dans le passé, un indice ISM de 43 à 44 a été annonciateur de récession», précise-t-il dans un billet.
L’emploi, le bon et le moins bon
La semaine s’est terminée sur une bonne note grâce à l’annonce de la création de 136 000 emplois en septembre.
Même si ce nombre est inférieur au consensus de 145 000, tous semblent y avoir trouvé leur compte.
Ceux qui avaient prévu seulement 121 000 emplois (le « whisper number« ) sont soulagés.
Le recul inattendu du taux de chômage de 3,7 à 3,5% indique que l’économie américaine résiste encore bien dans l’ensemble à la guerre commerciale, même si l’embauche ralentit dans le secteur plus influent des services.
«Historiquement, le taux de chômage commence à augmenter avant l’arrivée officielle de la récession. Son recul repousse donc son éventualité un peu plus loin dans le temps», a déclaré Josh Wright, économiste en chef de iCIMS, à l’agence Reuters.
Pour sa part, le stratège en chef de Leuthold Group, Jim Paulsen, souligne que la proportion du nombre de travailleurs qui quittent leur emploi volontairement pour un autre a encore augmenté de 12,9 à 14,5% en septembre. Il s’agit de l’un des taux les plus élevés en 50 ans.
« Un travailleur ne quitte pas son emploi de son gré s’il perçoit une récession »
D’autres ont toutefois rappelé que le taux de chômage est un indicateur à la remorque du cycle économique: il faiblit après tous les autres.
L’indicateur précurseur de l’emploi du Conference Board américain par contre vient de passer sous zéro, a indiqué Richard Bernstein Advisors.
Quant à Charlie Bilello de Pensions Partners, l’analyste a rediffusé le tableau qui montre que le rendement futur du S&P 500 est nettement inférieur à la moyenne lorsque le taux de chômage évolue entre 2,5 à 4,4%, et ce sur des périodes de douze mois à sept ans.
Le S&P 500 donne moins de rendement lorsque le taux de chômage est au plus bas. (Source: Pension Partners)
C’est un signe que l’économie a déjà donné le meilleur d’elle-même en quelque sorte.
La police d’assurance de la Fed
La hausse annuelle du salaire horaire, qui s’est modérée de 3,2 à 2,9%, a plu à ceux qui veulent que la Fed abaisse son taux une troisième fois, le 30 octobre.
Les probabilités d’une baisse de 0,25 point de pourcentage à 1,75% sont de 77,5%, mais la décision de la Fed dépendra des prochains pourparlers commerciaux.
Le 15 octobre, la hausse annoncée de 25 à 30% des tarifs américains sur 250 milliards de dollars de biens chinois entre en vigueur. À moins que le 11 octobre les négociateurs annoncent une trêve dans les hostilités, à Washington.
Il est possible que de nouvelles concessions chinoises ouvrent la porte à un accord partiel et au report de cette nouvelle hausse des droits de douane américains, espèrent encore certains commentateurs.
Pour sa part, l’Europe a déjà promis de riposter vigoureusement aux nouveaux tarifs de 10 à 25% imposés sur 7,5 milliards de dollars américains de biens importés dont le vin, le fromage, le whisky et les avions qui entrent en vigueur le 18 octobre.
Deux autres soucis
À part le risque de récession et les négociations commerciales, d’autres facteurs tracassent les stratèges.
L’intervention prolongée de la Fed dans le marché du financement interbancaire fait craindre qu’un assèchement des liquidités dans le système financier se trame en catimini.
Les investisseurs ont encore en mémoire la chute dramatique de décembre 2018 qui avait fait perdre 19,9% à la Bourse américaine, sans crier gare.
Ce genre de spasme provient généralement d’un déséquilibre entre les vendeurs qui sont trop nombreux et surtout des acheteurs en grève.
Savita Subramanian, stratège quantitatif de Bank of America Merrill Lynch, y a fait allusion dans une note cette semaine.
«Les liquidités importent généralement peu, sauf quand elles viennent à manquer», écrit-elle.
Or, dit-elle, la négociation des titres à plus forte capitalisation du S&P 500 est plus que jamais entre les mains d’investisseurs quantitatifs et passifs ou encore des négociateurs-robots, si bien que l’écart entre le prix offert et le prix demandé (« bid-ask« ) des titres du S&P 500 est près d’un record.
Plus fondamentalement, Martin Roberge, de Canaccord Genuity, évoque la possibilité que la Bourse américaine perde ses acheteurs les plus fiables: les entreprises qui rachètent leurs propres actions sur le marché secondaire.
Déjà, la valeur des rachats a diminué de 24% depuis un an, dit-il, un déclin qui reflète le plafonnement de la croissance des profits et des flux de trésorerie.
Puisque les entreprises américaines ne peuvent compter sur les baisses d’impôts de l’an dernier et que leurs bénéfices stagneront au cours des prochains trimestres, la Bourse, et les titres de croissance en particulier, pourraient en souffrir, estime-t-il.