La Caisse d’économie solidaire se distingue puisque sa ristourne est collective et non individuelle. (Photo: Facebook / Caisse d’économie solidaire)
BLOGUE. Il est relativement facile de jeter les bases d’un système de gouvernance.
On écrit la mission de l’organisation. C’est sa raison d’être. Elle doit être exprimée clairement, de façon à être bien comprise par toutes les parties prenantes, soit les employés, les membres, les clients, les fournisseurs, les partenaires et la communauté en général.
On formule ensuite une vision. C’est l’état idéalisé de ce que l’on est ou de ce que l’on veut devenir. Elle doit tenir en quelques mots.
Si l’on a besoin d’un conseil d’administration (CA), comme c’est le cas pour les organismes sans but lucratif (OSBL) et les sociétés en Bourse, il faut nommer des administrateurs. C’est beaucoup plus compliqué qu’il n’y paraît. Il faut viser la complémentarité, rechercher des compétences (notamment en gestion), des connaissances propres au secteur d’activité, de l’expérience en gouvernance, du savoir-être et, ce qui est très important, s’assurer de l’engagement pour la cause de l’organisation.
Un CA doit développer une façon de travailler qui est harmonieuse, respectueuse et productive. Il faut une présidente ou un président qui rassemble, qui inspire et qui est capable de faire avancer les travaux du conseil. Il faut donc procéder avec prudence. La chimie au sein d’un CA peut faire toute la différence sur le plan de l’efficience et de l’exécution de la mission de l’organisation.
Alors que la gestion courante de l’organisation est du ressort de la directrice ou du directeur général et de son équipe, la réalisation de la mission, sa protection, sa réputation et sa pérennité sont la responsabilité des administrateurs, qui doivent comprendre qu’ils en sont les fiduciaires et les ultimes responsables.
Le défi de l’exécution
C’est souvent dans l’exploitation de l’organisation que les choses se corsent. Il faut de la discipline et de la rigueur. Il faut avoir les idées claires, ne pas se laisser distraire par les mille et une propositions ou idées qui arrivent de partout, bref, il faut garder la mission comme premier objectif.
La Caisse d’économie solidaire Desjardins me semble être un bon exemple de saine gouvernance et de bonne exécution de la mission d’une organisation.
Cette caisse n’est vraiment pas comme les autres. Une synthèse de sa mission figure sur le couvert de son 49e rapport annuel: «Fabriquer de la richesse collective».
Forte de plus de 15 000 membres et d’un actif de 1,1 G$, cette caisse détient un portefeuille de 655 M$ de prêts consentis à 14 921 organismes communautaires, associations, entreprises d’économie sociale et autres OSBL, situés dans toutes régions du Québec. C’est le logement social et communautaire qui représente son plus important volume de prêts, qui totalisent 428 M$ répartis dans 765 organismes d’habitation possédant 15 000 logements abordables et décents.
En comparaison, les prêts faits à ses citoyens membres s’élèvent à 188 M$. La Caisse compte aussi 365 entreprises à but lucratif membres, mais l’encours de leurs prêts n’est que de 7 M$, ce qui indique bien que le monde capitaliste ne fait pas partie de son ADN. (Tous ces chiffres sont en date du 31 décembre 2019.)
La répartition du portefeuille de prêts (77 % à des OSBL, 22 % à des particuliers, 1 % à d’autres membres) démontre bien que cette caisse est une sorte de « banque sociale », ce qui correspond bien à la philosophie de partage et de solidarité d’Alphonse Desjardins. Malheureusement, c’est une mission que certaines caisses Desjardins peinent à faire vivre.
Pourtant, les caisses sont des coopératives au service de leurs membres, qui ont la mainmise sur la totalité de leur excédent d’exploitation. Une fois que l’on en a réservé une part pour assurer la capitalisation de la caisse, le reste est partagé en ristournes versées aux membres, en aide au développement du milieu ou encore comme réserves de stabilisation et de ristournes éventuelles.
Ristourne collective
La Caisse d’économie solidaire se distingue à cet égard puisque sa ristourne est collective et non individuelle. Cette ristourne, qui s’est élevée l’an dernier à 809 341 $, a permis de financer 127 projets présentés par des OSBL, somme qui s’ajoute aux 201 997 $ versés en dons et commandites au bénéfice de 168 projets de coopératives et d’organismes communautaires. C’est donc plus de 1 M$ qui ont été retournés pour financer plus de 300 projets d’OSBL. Aucune autre caisse n’en fait autant.
Pour accroître son impact, la Caisse a aussi tiré profit du fonds spécial de 100 M$ créé il y a quelques années à l’initiative de Guy Cormier, président du Mouvement Desjardins, pour soutenir des projets structurants dans les communautés. En 2019, la Caisse a contribué à obtenir de ce fonds spécial 3,77 M$ pour financer 16 projets, alors qu’elle a avancé elle-même 110 000 $ pour appuyer ces mêmes projets. Elle est probablement la caisse qui a su le mieux profiter de ce fonds, ce qui, encore une fois, est parfaitement aligné sur sa mission.
Autre distinction propre à cette caisse, ses 15 administrateurs renoncent aux jetons de présence auxquels ils auraient droit en vertu de la politique de rémunération du Mouvement Desjardins. Cet acte de générosité a permis à la caisse d’économiser l’an dernier 113 420 $, qui ont servi à alimenter la ristourne collective.
Bien entendu, le CA de cette caisse exemplaire est composé de membres engagés dans la poursuite de sa mission, provenant surtout de milieux communautaires et de syndicats et qui partagent des valeurs de coopération, de solidarité et d’inclusion, à l’instar de Léopold Beaulieu, qui en fut un cofondateur et le premier directeur général, et de Gérald Larose, qui a présidé son conseil de 2005 à 2020. C’est grâce à l’engagement indéfectible de ces leaders et de ses dirigeants actuels que cette coopérative n’a jamais dévié de sa mission de créer de la richesse au bénéfice de la collectivité.
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* Jean-Paul Gagné est co-auteur, avec Daniel Lapointe, de l’ouvrage «Améliorez la gouvernance de votre OSBL : un guide pratique» (Les Éditions Transcontinental, 2019, 282 pages)