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La chaîne de blocs a causé une crise organisationnelle

François Remy|Mis à jour le 13 juin 2024

La chaîne de blocs a causé une crise organisationnelle

Tout indiquerait que l'écosystème des cryptomonnaies fait face à une crise de gouvernance. (Photo: 123RF)

LES CLÉS DE LA CRYPTO est une rubrique qui décode patiemment l’univers de la cryptomonnaie et ses secousses boursières, industrielles et médiatiques. François Remy se donne pour mission d’identifier les entrepreneurs prometteurs, de décoder les progrès techniques et d’anticiper les impacts industriel et sociétal de cette monnaie numérique.

(Illustration: Camille Charbonneau)

LES CLÉS DE LA CRYPTO. À l’heure actuelle, il n’existe pas de modèle officiel et standardisé pour les décisions touchant à l’implémentation ou au fonctionnement de la technologie des chaînes de blocs. «C’est une crise de gouvernance, l’écosystème des chaînes de blocs est devenu un patchwork de réponses conflictuelles et inconsistantes», estime-t-on au Washington College of Law.

«La technologie la plus transformatrice depuis la création du Web ». Depuis cette envolée lyrique de l’OCDE en 2018, la chaîne de blocs a connu un battage médiatique intense et une campagne de réappropriation tout aussi soutenue dans tous les secteurs de l’économie moderne, de l’identification des patients dans les soins de santé à la protection des marques dans l’industrie de la mode.

La conception technique de ces fameux grands registres décentralisés pouvant prendre différentes formes, les systèmes de gouvernance qui les ont accompagnés ont dès lors eux aussi fortement varié, jusqu’aux déconcertantes chaînes privées «permissionnées» sous contrôle absolu d’une entreprise.

Cette atomisation des approches aurait dès lors créé une sorte de confusion et une inertie généralisée au sein des organisations. Même pour les chaînes publiques libres d’accès à l’instar de la plus célèbre, celle de Bitcoin, dont le mécanisme de consensus entend remplacer les intermédiaires et parties tierces par une confiance mathématique et une démocratie décentralisée immuable.

«En pratique, les tiers interfèrent avec le logiciel, parfois par nécessité, pour mener des mises à jour, assurer la maintenance et combattre les piratages, mais également pour répondre aux préférences d’acteurs humains, aux idéologies politiques ou environnements légaux », développe dans un long article académique Maxwell Short, de l’American University Washington College of Law. «Actuellement, il n’existe pas d’approche globale, officielle et homogène de gouvernance pour ces situations et décisions critiques qui sont prises arbitrairement off-chain et en-dehors des règles du code.»

Qui décide des changements? Quels critères pour quelles décisions? Quels mécanismes pour implémenter les décisions? Comment prévenir les conflits intérêts, la fraude, les acteurs malveillants? Autant d’interrogations, non exhaustives, qui traduisent une crise de la gouvernance, selon l’auteur. Les parallèles conceptuels entre les entreprises et les chaînes de blocs ressortent flagrants. Reste à savoir comment il conviendrait de gouverner au travers de ces solutions technologiques.

La vision du (groupe) créateur de Bitcoin consistait à court-circuiter les problèmes des preneurs de décisions centralisés et a introduit un passage sans précédent du modèle basé sur la confiance à l’absence systémique de confiance. «Toutefois, cette tentative audacieuse de remplacer les humains par les mathématiques a mal calculé l’incalculable: la prédisposition de l’humanité à s’immiscer dans le processus, à le modifier, à le spolier, à le manipuler et à s’y immiscer», nuance Maxwell Short.

Les promesses de cette technologie automatisée ont été ombragées par des coalitions, qui utilisent leur expertise et leur pouvoir pour recentraliser effectivement le pouvoir dans un nouveau groupe d’acteurs. Plusieurs chercheurs ont déjà proposé des solutions à cette crise, notamment l’imposition d’obligations aux développeurs de logiciels de base pour encourager une prise de décision plus prudente.

«Il est prouvé que les implications pratiques du traitement des développeurs principaux en tant que mandataires dépassent de loin ses avantages ; cette approche freine l’innovation, n’exploite pas le potentiel d’harmonisation mondiale et sape la liberté fondamentale du développement de logiciels libres», affirme l’auteur.

Si d’épineuses questions restent en suspens et appellent d’autres explorations, l’article académique apporte en tout cas des idées et recommandations pratiques pour les parties prenantes de l’industrie, les régulateurs et les dirigeants organisationnels, visant à renforcer la résilience des chaînes de blocs face aux défis de la gouvernance.

 

 

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