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La COVID-19, une leçon d’adaptation

Karl Moore|Publié le 03 février 2021

La COVID-19, une leçon d’adaptation

(Photo: 123RF)

Avec Joshua Pardo Blumen

BLOGUE INVITÉ. Je suis convaincu que la pandémie de COVID-19 a été l’une des plus importantes perturbations commerciales dont j’ai été témoin au cours de ma vie. Au cours du second semestre de 2020, j’ai invité plus de 40 PDG et autres dirigeants à notre cours « CEO Insights » à l’université McGill pour en apprendre plus sur leurs expériences de terrain face à la pandémie.

D’Ola Källenius, président du conseil d’administration de Mercedes-Benz, à David Bensadoun, PDG du Groupe Aldo, en passant par Tabatha Bull, PDG du Conseil canadien pour le commerce autochtone, chacun a partagé son point de vue sur le moment décisif que nous vivons tous. Alors que nous débutons le deuxième mois de 2021, j’ai pensé que ce serait un bon moment pour partager les leçons que mes invités ont tirées de cette période difficile.

La compétence la plus indispensable aux dirigeants dans ce contexte est l’adaptabilité. Au début de la pandémie et au fur et à mesure de sa progression, les dirigeants ont dû modifier leurs procédures de fonctionnement normales afin de survivre à une crise qui pourrait entraîner la fermeture permanente de 225 000 entreprises au Canada.

Toutefois, l’adaptation en elle-même ne suffit pas ; le changement doit être mis en œuvre rapidement. Antonio Park, propriétaire des restaurants Park et Kampai Garden, a raconté qu’il s’était orienté vers un modèle de vente à emporter et de livraison dès que possible afin de pouvoir continuer à percevoir des revenus. Ne pas avoir réagi aussi promptement aurait pu coûter à Park ses restaurants.

« C’est simple : si nous n’étions pas passés rapidement à un format de plats à emporter, nos clients se seraient tournés vers d’autres restaurants, explique-t-il. »

Un événement perturbateur comme une pandémie peut également permettre aux dirigeants de saisir des opportunités qui n’existeraient pas autrement. Le PDG de Lightspeed, Dax Dasilva, a expliqué que le fournisseur de logiciels de point de vente a élargi son portefeuille et a profité d’ouvertures qui se multiplient pendant cette période où les entreprises poussent leurs capacités numériques et que le commerce électronique est en plein essor. Son nouveau réseau de fournisseurs, qui vise à aider les détaillants à réapprovisionner leurs stocks plus efficacement en les mettant en relation avec des fournisseurs indépendants, est un exemple d’une nouvelle fonctionnalité issue de cette situation unique.

De même, les sociétés de capital-risque et de capital-investissement ont bénéficié de la possibilité d’élargir leur portefeuille. Les sociétés de capital-risque peuvent investir dans des start-up qui augmentent leur valeur maintenant que la numérisation est devenue plus importante que jamais, tandis que les sociétés de capital-investissement sont en mesure d’acquérir les entreprises qui ont été touchées par la pandémie. Par exemple, en 2020, Paul Desmarais III, président et directeur général de Sagard Holdings, un gestionnaire d’actifs alternatifs multi-stratégies, a lancé une plateforme de capital-investissement qui cible le marché intermédiaire au Canada.

La pandémie a donné aux entreprises la possibilité de prendre du recul et de repenser leurs activités, ou alors de dynamiser les initiatives en cours qui progressaient à un rythme modéré. Aldo a profité de l’arrêt des achats non essentiels en personne pour accélérer le rythme d’un projet de transformation en cours. Lorsque le monde s’est arrêté en mars dernier, le groupe canadien était en train de passer d’un modèle commercial traditionnel basé sur une expérience en magasin à un modèle largement numérique. Son PDG, David Bensadoun, a déclaré qu’au cours des premières semaines suivant le début de la pandémie, le détaillant de chaussures et d’accessoires avait fermé environ 40 % de ses magasins et renforcé sa plateforme de commerce électronique avec des ventes en ligne de 77 % supérieures à celles de 2019.

Conrad Sauvé, président et directeur général de la Croix-Rouge canadienne, a déclaré que la pandémie de COVID-19 a mis en lumière une orientation stratégique cruciale pour l’organisation : le besoin de financement pour une plus grande force de réserve. En réponse à ce besoin, l’organisation a créé une réserve civile pour soutenir les établissements de soins de longue durée au début de la pandémie. Bien que, dans le cas de ces deux organisations, ces mesures auraient probablement été mises en œuvre dans quelques années, leur adoption a été accélérée par la pandémie actuelle, ce qui prouve que certaines organisations sortiront de la pandémie plus fortes qu’auparavant.

D’après les informations fournies par les PDGs qui ont visité la classe, les entreprises qui ont misé sur la diversification avant la pandémie, vont certainement traverser cette tempête avec moins de difficultés. Le portefeuille de Claridge Investment comprend des entreprises de divers secteurs tels que les énergies renouvelables, l’hôtellerie et l’immobilier. Stephen Bronfman, président exécutif de la société d’investissement privée basée à Montréal, a expliqué que dans le brouillard de la perturbation intersectorielle, il a pu équilibrer les vents contraires dans le secteur du spectacle vivant et les vents favorables dans le domaine de la technologie.

À l’avenir, il semble que le maintien de la culture d’une organisation et la transmission de cette culture aux nouveaux employés deviendront des défis à long terme. La plupart des PDG reconnaissent que la pandémie a révélé les défauts du bureau traditionnel et beaucoup ont déclaré qu’ils prévoient adopter une approche plus flexible quant au lieu de travail de leurs employés. Néanmoins, presque tous nos invités ont également convenu qu’un grand degré de créativité était nécessaire pour faire fonctionner un espace de travail entièrement distant ou même hybride, en l’absence de contact entre les employés. Phillip Crawley, PDG du Globe and Mail, a fait part de certaines de ses idées pour faciliter les réunions tout en respectant les mesures de sécurité, notamment la convocation de petits groupes dans des espaces à forte capacité qui leur permettraient de s’éloigner.

La dernière année a été marquée par des changements historiques, mais aussi par un apprentissage vital pour les entreprises. La pandémie a rappelé aux dirigeants que la capacité à s’adapter et à anticiper est essentielle pour traverser toute crise.

 

Karl Moore et Joshua Pardo Blumen. Karl est professeur associé à la Faculté de gestion Desautels et Joshua complète son MBA, tous deux à l’Université McGill.