Le vieillissement de la population affecte grandement le marché du travail. (Photo: 123RF)
BLOGUE INVITÉ. En 2022 et au fil des dernières années, presque tout entrepreneur ou toute entreprise au Québec a été confronté à un problème de pénurie de main-d’œuvre. Pour pallier cette pénurie, une multitude de solutions sur le court terme sont mises en œuvre, telles que faire travailler les moins de 16 ans, retarder la retraite et augmenter les seuils d’immigration, notamment.
Cela dit, ces solutions sont insuffisantes, car elles n’influencent pas la lourde tendance à la source du problème, soit la dénatalité non seulement québécoise, mais mondiale.
La moitié moins de gens en 2100?
Alors que la population mondiale dépassait les huit milliards d’humains l’an dernier — un nouveau sommet historique —, l’économiste à HSBC, James Pomeroy, lançait un pavé dans la marre en annonçant que la chute actuelle et future des naissances mènerait à un déclin marqué de la population mondiale dès 2040, alors que les Nations Unies anticipaient initialement cette baisse en 2080.
Pomeroy ne s’arrête pas là. D’après l’économiste, la population mondiale pourrait diminuer de moitié d’ici la fin du siècle, passant de huit milliards aujourd’hui à quatre milliards d’individus.
Différentes études envisagent multiples scénarios allant d’un déclin plus marginal et moins drastique de la population mondiale après avoir atteint un nouveau sommet entre neuf et dix milliards d’individus à d’autres, plus pessimistes, comme ce qu’envisage James Pomeroy. Un constat s’impose cependant: c’est la fin de la croissance démographique phénoménale de l’humanité qui a commencé au 19e siècle et le début de son inversement.
Les plus touchés: l’Europe et l’Asie
Si ceci peut paraître difficile à croire, plusieurs pays doivent déjà faire face à une population déclinante. On peut penser à des puissances économiques comme le Japon, la Corée, l’Espagne, l’Italie et à plusieurs pays de l’Europe de l’Est, notamment. Certains estiment que même la chine — pays le plus peuplé au monde — aurait potentiellement déjà observé une baisse de sa population en 2022 alors qu’on anticipe que la population chinoise passera de 1,4 milliard actuellement à approximativement 730 millions d’individus, une chute drastique de près de 50% d’ici la fin du siècle.
D’après Pomeroy, l’Europe pourrait également voir sa population diminuer de moitié, et ce, dès 2070.
Une étude de l’Université de Washington publiée en mai 2022 prévoyait que 151 des 195 pays du monde, soit 77% d’entre eux, devraient gérer une baisse de leur population d’ici 2050, ce qui sera jumelé dans l’immense majorité des cas par une inversion extrême de la pyramide des âges qui accompagne ce processus de déclin de la population causé par une baisse de la natalité.
Seuls les pays de l’Afrique subsaharienne semblent mieux s’en tirer, mais même ceux-ci ne peuvent endiguer la tendance alors que leurs taux de natalité — beaucoup plus élevés que la moyenne mondiale — sont déjà engagés dans une baisse soutenue depuis plusieurs années. Néanmoins, la population du continent africain devrait être une des rares à croître considérablement d’ici 2100 alors que le Nigeria deviendrait le 2e pays le plus peuplé, après l’Inde.
Gérer la décroissance: les défis à venir
Depuis la révolution industrielle du 19e siècle, la croissance économique va de pair avec la croissance démographique, ce qui s’explique par l’accroissement phénoménal de la population fournissant main-d’œuvre et consommateurs, simultanément, tout en garantissant des services et un équilibre fiscal qui permet aux pays de s’occuper de leurs aînés.
On nous propose souvent une augmentation significative des seuils d’immigration au Canada comme remède aux problèmes multiples causés par nos taux de natalité abyssal. Cependant, l’immigration ne permet pas d’enrailler l’inversion de la pyramide des âges et donc le vieillissement tant redouté.
De plus, dans un monde où les individus en âge de travailler et de contribuer à l’économie par leur expertise (et payer des impôts) se font rares, les pays pourraient bien compétitionner férocement entre eux pour attirer les travailleurs les plus compétents, appauvrissant du même coup les pays d’origine de ces travailleurs. L’arrivée d’un travailleur sera un gain pour le pays hôte et une perte correspondante pour son pays d’origine qui est souvent déjà parmi les plus pauvres.
Le manque permanent de la main-d’œuvre indique que le coût élevé de cette main-d’œuvre sera tout aussi permanent alors que le bassin de consommateur potentiel des entreprises se rétrécira, limitant potentiellement les revenus possibles, de quoi freiner les ardeurs de certains entrepreneurs.
Fiscalement, le vieillissement de la population engendre déjà une pression à la hausse sur les coûts liés aux services de santé, notamment, alors que les revenus sont négativement affectés par une population active.
Le secteur de l’immobilier devrait également en prendre un coup alors qu’une baisse de population engendre nécessairement une baisse de la demande de logements, poussant les prix vers le bas surtout au sein des pays subissant des baisses de population les plus prononcées.
Si l’inflation est un problème aujourd’hui, la déflation risque fortement d’être la préoccupation principale des banques centrales occidentales au courant des prochaines décennies.
À l’instar du Japon, qui est en avance sur le reste du monde en ce qui a trait au vieillissement de la population et à la dénatalité, l’investissement pourrait bien s’estomper malgré des taux d’intérêt parfois négatifs alors que les perspectives de croissance de la demande au sein d’une population en déclin resteront nulles et décourageantes pour les investisseurs potentiels.
Une croissance fragilisée
Sans aucun doute, la transition démographique qui est la nôtre représente l’un des plus grands défis économiques de notre époque, au Québec comme ailleurs. Nous vivons très probablement les dernières années et décennies de la croissance économique qu’on croyait permanente, cet objectif ultime de nos gouvernements et sur lequel nous fondons notre modèle économique.
Au-delà de la pénurie de main-d’œuvre, les investisseurs feraient bien d’y porter attention alors que la valeur de différents actifs pourrait bien être affectée pour le pire.
Les gouvernements devront réviser leurs attentes et probablement gérer une baisse de leur PIB dans un contexte où les coûts engendrés par les protections sociales deviendront presque impossibles à financer, faute de production et de travailleurs.
Tout n’est pas que négatif, cependant. Après tout, une baisse de la population mondiale devrait être très largement positive pour l’environnement.
Il est surtout temps que nos élites gouvernementales et d’affaires prennent la pleine mesure du monde qui vient.