Les installations de Lithium Amérique du Nord, en Abitibi-Témiscamingue, qui est sous la protection de La Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies depuis mai 2019. (Photo: courtoisie)
(Première partie) — Depuis plusieurs années déjà, les instances gouvernementales multiplient les initiatives pour accélérer l’électrification des transports, en harmonie avec des visées environnementales et économiques. Nombre d’opportunités et de défis s’y rattachent, nous vous en présentons aujourd’hui quatre.
L’intention s’appuie sur des atouts incontestables, notamment :
- une énergie électrique disponible, propre et renouvelable à plus de 99 %
- des ressources minérales nécessaires, notamment le lithium et le graphite
- des expertises de haut calibre en recherche de pointe, tant dans les universités que dans le secteur privé
- un précieux savoir-faire industriel en transformation, surtout dans l’aluminium
- des infrastructures robustes en matière de transport maritime, ferroviaire et terrestre, qui permettent le transport de la matière première
Avec la création de Ressources Québec, la nouvelle porte d’entrée d’Investissement Québec pour les entreprises souhaitant investir dans les secteurs des ressources naturelles et de l’énergie, le gouvernement actuel se montre ambitieux.
L’une des intentions de l’organisme consiste à développer une filière du lithium au Québec avec des investisseurs privés. De l’aveu même du ministre des Finances, les sommes à consentir pour la réalisation de ce projet « structurant pour le Québec » atteindraient quelque 7 milliards de dollars, dont 2 G$ de fonds publics.
Cette vision repose sur la présence suffisante de minéraux critiques et la volonté de poursuivre le développement de la chaîne de valeur au-delà de l’extraction et la concentration du minerai.
Le premier dossier concret sur la table à dessin pourrait très bien s’appeler Nemaska Lithium qui connaît une seconde vie depuis quelques semaines, grâce au nouveau groupe d’actionnaires formé par Orion, Investissement Québec et Pallinghurst.
Rappelons que Nemaska Lithium est une entreprise en développement dont les activités seront intégrées verticalement, et ce, de l’extraction minière jusqu’à la transformation en hydroxyde de lithium de haute pureté.
Les défis du développement d’une filière lithium
Nous identifions plusieurs défis, mais aussi certaines opportunités qui attendent les décideurs et les développeurs d’une filière du lithium au Québec.
Certains défis sont surmontables, d’autres posent des problématiques plus complexes. À la lumière de ces opportunités, il faudra faire preuve d’audace pour profiter des fenêtres stratégiques qui se présenteront au cours des prochaines années.
L’annonce récente effectuée, il y a quelques semaines, par les premiers ministres Trudeau et Legault pour la construction d’une usine d’assemblage de batteries pour véhicules électriques de la Compagnie Électrique Lion témoigne de ce désir de faire du Québec un chef de file de cette filière d’avenir.
L’engagement commun des différents paliers de gouvernements s’inscrit dans une volonté plus large d’investir dans des entreprises de mobilité durable, et, de ce fait, participer au développement de la chaîne d’approvisionnement liée au lithium.
Voici une présentation sommaire des défis et opportunités que nous suggère le dossier.
1. Le bon minerai
Depuis 2018, on assiste à la fin de la domination de l’or parmi les cinq premières petites sociétés minières inscrites à la Bourse de croissance TSX, au profit des joueurs qui produisent du lithium, du graphite ou du cobalt.
Le « timing » du lithium semble excellent depuis quelques années.
Le métal jouit d’une bonne notoriété sur les marchés mondiaux puisqu’il est associé à la batterie lithium ion des véhicules électriques. Il fait aussi l’objet de convoitise : il y a peu de fournisseurs de lithium dans le monde… et de plus en plus d’acheteurs !
Devant cette demande, plusieurs nouveaux joueurs tentent de briser l’oligopole (Chine – États-Unis – Chili – Australie) de l’exploitation du lithium. Ces initiatives attirent inévitablement les projecteurs sur ce métal stratégique pour le Québec.
(photo: 123RF)
2. L’approvisionnement suffisant
L’approvisionnement à la matière de base semble assez suffisant au Québec pour dresser des plans. On compte plusieurs projets miniers (au moins six) qui présentent des indices minéralisés en spodumène jugés suffisants pour alimenter une filière robuste. Ils sont situés en Abitibi ou à la Baie James et c’est en soit un avantage.
La région dispose de bonnes infrastructures, d’une main-d’œuvre qualifiée et de services miniers pertinents. Géographiquement, l’endroit demeure accessible aux marchés des États-Unis et de l’Europe.
3. Le temps
Nous estimons qu’il faudra compter entre 10 et 15 ans pour développer une filière de cette importance. Cette réalité influencera sûrement la façon dont les acteurs politiques devront présenter les investissements publics requis pour réaliser l’œuvre.
4. Le financement
Les travaux entourant la création d’une telle filière au Québec exigeront des investissements considérables, pouvant aller jusqu’à 7 milliards de dollars. La chaîne est exigeante et coûteuse. Elle comprend sommairement quatre grandes étapes:
a. l’ouverture et l’exploitation d’une ou de plusieurs mines ;
b. les équipements adjacents de traitement permettant d’atteindre des concentrations de 6 % de lithium ;
c. la construction et l’exploitation d’usines électrochimiques de production d’hydroxyde et/ou de carbonate permettant de faire passer le minerai de 6 à 99 % de concentration de lithium;
d. la construction d’une ou de plusieurs usines de production de cellules de batteries.
On le constate, les défis sont nombreux! Le développement de la filière amène les décideurs et grands joueurs du secteur à évaluer toutes les avenues pour créer le plus de valeur possible pour cette filière.
C’est d’ailleurs le sujet que j’aurai l’occasion de traiter dans le cadre de la prochaine conférence Objectif Nord, présentée par Les Affaires, le 20 mai prochain. Dans le contexte économique actuel, force est de constater que la prudence est de mise mais que c’est le bon moment pour réfléchir à son avenir rempli d’opportunités.
C’est un rendez-vous la semaine prochaine pour la deuxième partie de ce billet.