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La finance climatique au coeur de la COP26

Robert Dutton|Édition de la mi‑octobre 2021

La finance climatique au coeur de la COP26

(Photo: Mika Baumeister pour Unsplash)

CHRONIQUE. La conférence COP26 se tenait cette année à Glasgow du 31 octobre au 12 novembre prochain. À mesure que le temps passe, que le dérèglement climatique devient plus concret et plus palpable, chacune de ces conférences est plus critique que la précédente. Le temps va très bientôt nous manquer pour que la Terre soit aussi hospitalière pour nos enfants qu’elle l’a été pour nous. 

Sans doute, à Glasgow, on prendra acte des progrès accomplis depuis la COP21 de Paris en 2015. Retards sur les objectifs de l’Accord de Paris, progrès trop lents, mais progrès tout de même, soulignera-t-on probablement. Et sans doute, les États et gouvernements participants renouvelleront leurs vœux de décarbonation. Il s’en trouvera même pour hausser leurs objectifs. Certains de ces vœux, souhaitons-le, se traduiront rapidement en actions efficaces. D’autres connaîtront le même sort que tant de vœux passés en matière de climat, notamment au Canada : ils seront reportés, dilués, excusés, oubliés, voire contredits par les actions. Souhaitons néanmoins que la COP26 reflète l’urgence réelle de la situation. 

En revanche, la COP26 aura ceci de particulier qu’elle accordera une place centrale à la finance. Pourquoi la finance, et pas des industries plus émettrices de gaz à effet de serre (GES) ? Parce que la finance est, et doit être, au cœur de l’atteinte d’une économie carboneutre d’ici 30 ans. 

 

Un défi de 150 000 000 000 000 $

La décarbonation de l’économie mondiale demande plus que des vœux pieux. Selon l’économiste canadien Mark Carney, ex-banquier central devenu envoyé spécial des Nations unies pour le financement de l’action climatique, la transition vers la carboneutralité demandera d’investir entre 100 et 150 billions (milliers de milliards) de dollars américains au cours des 30 prochaines années. Certains de ces investissements, par exemple en infrastructures, seront publics. Mais la majorité incombera au secteur privé qui devra, rapidement et à grande échelle, remplacer des actifs et des procédés émetteurs de GES par des actifs et des procédés carboneutres pour atteindre la carboneutralité en 2050. La finance est donc le nerf de la guerre au dérèglement climatique. 

Premier ministre hôte de la COP26, Boris Johnson a nommé Mark Carney conseiller spécial en matière de finance à la COP26 de Glasgow. C’est à ce titre que M. Carney a suscité la création de l’Alliance financière de Glasgow pour la carboneutralité (Glasgow Financial Alliance for Net Zero, ou GFANZ). 

 

GFANZ

Lancée le 21 avril 2021, GFANZ regroupait, le 15 octobre dernier, plus de 250 entreprises du secteur financier mondial. Il s’agit de banques, d’assureurs, de gestionnaires de portefeuille, de caisses de retraite et de fonds d’investissement dont l’actif total atteint presque 100 billions de dollars. 

Des noms de banques ? Santander, BNP Paribas, HSBC, Citi, Bank of America, J. P. Morgan, Credit Suisse, Deutsche Bank… Les six grandes banques canadiennes ont annoncé le 15 octobre qu’elles se joignaient au groupe. Des gestionnaires de fonds ? BlackRock, BMO Gestion mondiale d’actifs, UBS, Vanguard, Fiera Capital, Brookfield… Des assureurs ? Zurich, AXA, Swiss Re… Des investisseurs institutionnels ? notre Caisse de dépôt, membre fondateur du PRI (principes pour l’investissement responsable) sous Henri-Paul Rousseau, CalPERS, la Caisse des dépôts et consignations, la caisse de retraite des employés de l’ONU… Il faut s’attendre à de nouvelles adhésions avant et pendant la COP26.

Même si ces entreprises ne sont pas elles-mêmes les plus grandes émettrices de GES, elles exercent une influence immense sur les investissements qui se font… ou ne se font pas. Par leurs politiques de crédit, d’investissement et de gestion des risques, elles pèsent très lourd dans l’orientation des décisions d’investissement des entreprises industrielles. 

Les membres de GFANZ s’engagent à mobiliser et à canaliser des milliers de milliards dans le financement de la transition vers la carboneutralité en 2050. Bien sûr, toutes les institutions financières ne poursuivront pas des stratégies identiques. Selon qu’il s’agit de banques ou d’assureurs, toutes ne disposent pas de mêmes leviers d’intervention. Mais l’objectif est que l’impact climatique soit pris en considération dans toute décision d’affaires — les leurs, et celles de leurs clients. Bien sûr, il faut s’attendre à des controverses quant à ce qui constitue de véritables stratégies de décarbonation, par rapport à du simple écoblanchiment. Et je ne suis pas naïf : bien sûr, GFANZ comportera un certain nombre de passagers clandestins écoblanchisseurs.

 

Objectifs quinquennaux

GFANZ me donne cependant espoir : à la différence de certains gouvernements, les signataires de GFANZ acceptent de se fixer des objectifs intermédiaires et de rendre compte de leur progrès sur une base quinquennale. Dès la COP26, nous devrions savoir où ils en sont, où ils s’en vont. D’ici 18 mois, ils doivent présenter des plans quinquennaux de décarbonation, assortis d’objectifs mesurables, basés sur la science et compatibles avec les objectifs de l’Accord de Paris. Essentiellement, ces plans quinquennaux doivent aboutir à des portefeuilles carboneutres en 2050 au plus tard. GFANZ propose aux membres des démarches destinées à aligner leurs portefeuilles sur les objectifs de décarbonation. 

GFANZ est-elle suffisante pour atteindre les objectifs COP21 ? Assurément, non. Est-elle nécessaire ? Sous cette forme ou sous une autre, je crois que oui. L’urgence climatique est mondiale. Notre réponse doit être mondiale. L’industrie financière est mondiale. Elle dispose de leviers qui échappent aux gouvernements nationaux. Il faut se réjouir de sa détermination et souhaiter qu’elle soit authentique.

 

La conférence COP26 se tient cette année à Glasgow du 31 octobre au 12 novembre prochain. À mesure que le temps passe, que le dérèglement climatique devient plus concret et plus palpable, chacune de ces conférences est plus critique que la précédente. Le temps va très bientôt nous manquer pour que la Terre soit aussi hospitalière pour nos enfants qu’elle l’a été pour nous. 
Sans doute, à Glasgow, on prendra acte des progrès accomplis depuis la COP21 de Paris en 2015. Retards sur les objectifs de l’Accord de Paris, progrès trop lents, mais progrès tout de même, soulignera-t-on probablement. Et sans doute, les États et gouvernements participants renouvelleront leurs vœux de décarbonation. Il s’en trouvera même pour hausser leurs objectifs. Certains de ces vœux, souhaitons-le, se traduiront rapidement en actions efficaces. D’autres connaîtront le même sort que tant de vœux passés en matière de climat, notamment au Canada : ils seront reportés, dilués, excusés, oubliés, voire contredits par les actions. Souhaitons néanmoins que la COP26 reflète l’urgence réelle de la situation. 
En revanche, la COP26 aura ceci de particulier qu’elle accordera une place centrale à la finance. Pourquoi la finance, et pas des industries plus émettrices de gaz à effet de serre (GES) ? Parce que la finance est, et doit être, au cœur de l’atteinte d’une économie carboneutre d’ici 30 ans. 
Un défi de 150 000 000 000 000 $
La décarbonation de l’économie mondiale demande plus que des vœux pieux. Selon l’économiste canadien Mark Carney, ex-banquier central devenu envoyé spécial des Nations unies pour le financement de l’action climatique, la transition vers la carboneutralité demandera d’investir entre 100 et 150 billions (milliers de milliards) de dollars américains au cours des 30 prochaines années. Certains de ces investissements, par exemple en infrastructures, seront publics. Mais la majorité incombera au secteur privé qui devra, rapidement et à grande échelle, remplacer des actifs et des procédés émetteurs de GES par des actifs et des procédés carboneutres pour atteindre la carboneutralité en 2050. La finance est donc le nerf de la guerre au dérèglement climatique. 
Premier ministre hôte de la COP26, Boris Johnson a nommé Mark Carney conseiller spécial en matière de finance à la COP26 de Glasgow. C’est à ce titre que M. Carney a suscité la création de l’Alliance financière de Glasgow pour la carboneutralité (Glasgow Financial Alliance for Net Zero, ou GFANZ). 
GFANZ
Lancée le 21 avril 2021, GFANZ regroupait, le 15 octobre dernier, plus de 250 entreprises du secteur financier mondial. Il s’agit de banques, d’assureurs, de gestionnaires de portefeuille, de caisses de retraite et de fonds d’investissement dont l’actif total atteint presque 100 billions de dollars. 
Des noms de banques ? Santander, BNP Paribas, HSBC, Citi, Bank of America, J. P. Morgan, Credit Suisse, Deutsche Bank… Les six grandes banques canadiennes ont annoncé le 15 octobre qu’elles se joignaient au groupe. Des gestionnaires de fonds ? BlackRock, BMO Gestion mondiale d’actifs, UBS, Vanguard, Fiera Capital, Brookfield… Des assureurs ? Zurich, AXA, Swiss Re… Des investisseurs institutionnels ? notre Caisse de dépôt, membre fondateur du PRI (principes pour l’investissement responsable) sous Henri-Paul Rousseau, CalPERS, la Caisse des dépôts et consignations, la caisse de retraite des employés de l’ONU… Il faut s’attendre à de nouvelles adhésions avant et pendant la COP26.
Même si ces entreprises ne sont pas elles-mêmes les plus grandes émettrices de GES, elles exercent une influence immense sur les investissements qui se font… ou ne se font pas. Par leurs politiques de crédit, d’investissement et de gestion des risques, elles pèsent très lourd dans l’orientation des décisions d’investissement des entreprises industrielles. 
Les membres de GFANZ s’engagent à mobiliser et à canaliser des milliers de milliards dans le financement de la transition vers la carboneutralité en 2050. Bien sûr, toutes les institutions financières ne poursuivront pas des stratégies identiques. Selon qu’il s’agit de banques ou d’assureurs, toutes ne disposent pas de mêmes leviers d’intervention. Mais l’objectif est que l’impact climatique soit pris en considération dans toute décision d’affaires — les leurs, et celles de leurs clients. Bien sûr, il faut s’attendre à des controverses quant à ce qui constitue de véritables stratégies de décarbonation, par rapport à du simple écoblanchiment. Et je ne suis pas naïf : bien sûr, GFANZ comportera un certain nombre de passagers clandestins écoblanchisseurs.
Objectifs quinquennaux
GFANZ me donne cependant espoir : à la différence de certains gouvernements, les signataires de GFANZ acceptent de se fixer des objectifs intermédiaires et de rendre compte de leur progrès sur une base quinquennale. Dès la COP26, nous devrions savoir où ils en sont, où ils s’en vont. D’ici 18 mois, ils doivent présenter des plans quinquennaux de décarbonation, assortis d’objectifs mesurables, basés sur la science et compatibles avec les objectifs de l’Accord de Paris. Essentiellement, ces plans quinquennaux doivent aboutir à des portefeuilles carboneutres en 2050 au plus tard. GFANZ propose aux membres des démarches destinées à aligner leurs portefeuilles sur les objectifs de décarbonation. 
GFANZ est-elle suffisante pour atteindre les objectifs COP21 ? Assurément, non. Est-elle nécessaire ? Sous cette forme ou sous une autre, je crois que oui. L’urgence climatique est mondiale. Notre réponse doit être mondiale. L’industrie financière est mondiale. Elle dispose de leviers qui échappent aux gouvernements nationaux. Il faut se réjouir de sa détermination et souhaiter qu’elle soit authentique.