La gestion du patrimoine, un outil de cohésion dans les familles
Sylvie Huard|Publié le 11 novembre 2020(Illustrations: Karine Lequy et Florence Lemay)
BLOGUE INVITÉ. Lorsqu’une famille en affaires a identifié le bon repreneur, plusieurs questions peuvent surgir dans l’esprit des enfants et de la famille en ce qui a trait au maintien de la valeur de l’entreprise, qui s’avère une partie importante du patrimoine de la famille en affaires.
Ces questions sont légitimes et, de façon générale, il est pertinent de se questionner sur la place de l’entreprise familiale dans le patrimoine de la famille en affaires.
Questionnements et craintes
Dans un processus de transfert, les cédants sont, trop souvent, aux prises avec un casse-tête de taille. Comment, en effet, diviser le capital dans une famille en affaires si tous les enfants ne jouent pas un rôle au sein de l’entreprise ? Comment s’assurer d’être équitable envers tout le monde ?
Et comment distribuer le pourcentage d’actions ? De façon égale ou de façon équitable ? Si c’est de façon équitable, on se base sur quoi ? Le leadership, la scolarité, le montant investi, le nombre d’heures investies dans l’entreprise, etc.?
À ces questionnements s’ajoutent souvent, dans la tête du cédant, différentes craintes liées au transfert d’entreprise.
Vais-je avoir assez d’argent pour bien vivre pendant la retraite? Mes enfants vont-ils devenir complètement indépendants financièrement? Auront-ils encore besoin de moi? Quel rôle vais-je pouvoir jouer auprès d’eux? Sauront-ils comment gérer tout cet argent? Dépenseront-ils inutilement?
Cliquez sur le dessin pour le voir en grand format. (Illustrations: Karine Lequy et Florence Lemay)
Tous ces questionnements sont souvent une source de stress pour les cédants. Ces derniers ne veulent surtout pas mettre trop de pression sur les épaules de leurs enfants. Résultat : ils gardent leurs questionnements pour eux.
Comment mettre la table
Un autre problème empêche souvent les cédants d’ouvrir la discussion concernant la gestion du patrimoine avec leurs enfants: un manque d’informations.
En effet, comment discuter efficacement de la gestion de ce patrimoine si l’on ne sait pas exactement de quoi il est constitué?
La première étape consiste donc à brosser un portrait réaliste de la situation actuelle.
Le patrimoine de la famille en affaires se compose souvent de plusieurs types d’actifs monnayables à court, moyen ou long terme (comptes bancaires, obligations, dettes, prêts, actions, biens immobiliers, terres, investissements, etc.). C’est la multitude d’actifs qui empêche le cédant, bien souvent, d’avoir une vision globale.
C’est en ayant ce bilan en main que le cédant pourra commencer un processus de planification d’indépendance financière afin de répondre à trois questions essentielles :
– Quel pourcentage de ce patrimoine ou quelle valeur en dollars a-t-il besoin pour sa retraite?
– Quels pourcentage ou montant va-t-il léguer à sa relève ou aux membres de la famille qui ne sont pas impliqués dans l’entreprise?
– Quels pourcentage ou valeur sont déjà actuellement en trop dans son patrimoine? Donc, qui bénéficiera de la valeur additionnelle créée, ou pour qui travaillent réellement les membres de la famille.
C’est à cette étape, habituellement, que les cédants réalisent que le patrimoine familial se porte bien, qu’il possède déjà un excédent important lui permettant de répondre amplement à ses besoins pendant la retraite et qu’il pourra léguer, de son vivant, une partie de ce patrimoine à sa relève. Cette prise de conscience contribuera ainsi à réduire son stress.
En ayant une vision globale du patrimoine familial et en étant capable de mettre un chiffre sur le montant requis pour son indépendance financière, le cédant sera plus enclin à ouvrir la discussion avec ses enfants. Comment, en effet, aurait-il pu aborder un sujet avec ses enfants quand aucune piste de solution ne s’offrait encore à lui? Comment pouvait-il ouvrir le dialogue en ne connaissant pas l’information essentielle à toute prise de décision (l’argent dont il dispose)?
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Éducation financière familiale
Une fois la planification d’indépendance financière du cédant complétée, ce dernier pourra amorcer un processus d’éducation financière avec les enfants. C’est à cette étape que le cédant aura tout intérêt à impliquer toutes les personnes concernées afin d’instaurer une communication saine et efficace au sein de sa famille en affaires.
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S’ensuivra un processus de planification intergénérationnelle qui intégrera la relève dans la gestion du surplus du patrimoine de la famille. Cette discussion pourra amener les membres de la famille à réfléchir sur leurs besoins financiers individuels, familiaux et entrepreneuriaux. Les membres de la famille pourront également prendre la mesure des impacts financiers à long terme de choix qu’ils pourraient faire. C’est également grâce à cette collaboration que la famille en affaires pourra prendre des décisions éclairées tout en assurant une saine gestion des risques concernant leur patrimoine.
En somme, la peur de créer des conflits en abordant un sujet aussi délicat que l’argent ne devrait pas pour autant freiner le processus de gestion du patrimoine. En établissant un portrait clair des actifs qui constituent ce patrimoine et en clarifiant le pourcentage de ces actifs dédié, respectivement, au cédant et à la relève, la discussion devient soudainement plus accessible. C’est également en incluant toutes les personnes concernées que l’équilibre sera préservé au sein de la famille.
Cet équilibre instaurera un climat de confiance qui, lui, assurera la cohésion à long terme de la famille et permettra à tous d’avoir l’esprit tranquille lorsque d’importantes décisions (parfois risquées) devront être prises.
Dans le prochain article, nous vous partagerons un outil fort utile pour ouvrir le dialogue avec les enfants et faciliter le processus décisionnel.
L’entrepreneur Miguel Yargeau œuvre depuis près de 20 ans auprès d’une clientèle principalement composée de propriétaires d’entreprises. Son intérêt sur les questions de planification intergénérationnelle et le lien avec celle-ci sur la gestion des investissements, la sélection des classes d’actifs optimales, combinés avec son expérience en planification financière l’amènent régulièrement en conférence et à être consulté comme expert. Pour les clients qui se trouvent dans cette situation, principalement les familles en affaires, Miguel Yargeau combine son expertise et ses compétences, avec celles de Jean-Raymond Castelli, qui a œuvré à titre d’avocat en droit des affaires durant 10 ans, notamment en planification successorale, et œuvre maintenant dans le domaine financier depuis plusieurs années. Ceux-ci sont tous deux associés au cabinet BGY services financiers intégrés.