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ANALYSE. En plus des multiples d’évaluation élevés, de la remontée de l’inflation et des taux, la possibilité d’une hausse des impôts des entreprises aux États-Unis ajoute un autre obstacle potentiel à la hausse boursière.
De plus en plus de voix s’élèvent pour dire que le meilleur est peut-être passé pour la Bourse tandis que le cours des actions semble avoir fortement devancé la reprise. Il y a des mois que le stratège américain de BofA Securities, Michael Hartnett, prévient que les mesures monétaires et fiscales record ont déjà soulevé les actifs financiers et que Wall Street pourrait souffrir maintenant que les gouvernements concentrent leurs efforts sur Main Street, une métaphore utilisée par les économistes pour parler des petites entreprises.
Chez Morgan Stanley, Michael Wilson est moins fataliste, mais il estime néanmoins que la sévère et courte récession suivie d’une reprise en V raccourcit en quelque sorte le cycle boursier. Son scénario de base voit le S&P 500 fléchir de 4,4 % à 3900 d’ici un an, soit un multiple de 20 fois les bénéfices prévus de 193 $US par action prévus pour le S&P 500, dans 12 mois.
Un scénario plus optimiste qui repose sur des bénéfices de 202 $US porterait cette cible à 4175, soit un gain de 2,3 %. À l’inverse, un troisième scénario «baissier», soit 19,2 fois les bénéfices prévus de 176 $US, ferait baisser le S&P 500 de 17,5 %, à 3375.
Bien que ce stratège continue de privilégier les bénéficiaires de la reprise tels que la finance, les matériaux et les entreprises industrielles, il croit que le moment est venu de revenir aux titres de haute qualité, comme les multinationales de produits de grande consommation ou encore les titans de croissance qui s’échangent à prix raisonnable tels qu’Alphabet (GOOGL, 2 239,03 $US). Devant le tollé suscité chez ses clients par ce pivot jugé trop prématuré, Michael Wilson explique dans une nouvelle note pourquoi il préfère le secteur de la consommation de base à celui de la consommation discrétionnaire malgré l’énorme potentiel des dépenses refoulées pendant la pandémie. En un mot, le premier a déjà amplement bénéficié en Bourse de la pandémie, tandis que le deuxième a plus d’expérience pour naviguer sur la hausse des coûts et des cours des matières premières.
Pour sa part, la Deutsche Bank rappelle que le S&P 500 a historiquement perdu de 6 % à 8 % après une pointe dans les indicateurs d’activité économique ISM, même lorsqu’ils restent élevés. L’indicateur ISM manufacturier américain vient d’atteindre un pic depuis 1984 tandis que celui des services est à un record.
Un frein à la montée des PME ?
En marge de ces nouveaux défis pour la Bourse, les prévisions de bénéfices continuent heureusement d’augmenter pour tous les indices américains et la plupart des industries, se réjouit Joe Abbott, de Yardeni Research. Toutefois, ce stratège quantitatif reconnaît aussi qu’une hausse possible des impôts pourrait contrarier cet élan.
Les titres des petites capitalisations en particulier, qui sont devenus les nouvelles vedettes en Bourse aux côtés des bénéficiaires de la reprise à l’automne 2020, pourraient pâtir des aspects moins favorables du retour à la normale. Les petites entreprises en Bourse sont généralement moins aptes à absorber l’augmentation des coûts, les problèmes d’approvisionnement, ainsi que la hausse des taux et des impôts.
L’indice Russell 2000 a d’ailleurs fléchi de 6 % depuis son sommet du 15 mars.
Bien que l’ambitieux plan d’infrastructures de 2 000 milliards de dollars américains de la Maison-Blanche et les nouveaux impôts qui l’accompagnent aient peu de chance de passer le test du Sénat dans leur forme actuelle, les grandes entreprises commencent déjà à s’y opposer.
Moins de frénésie
Ces nouveaux soucis ont l’avantage de tempérer la ferveur en Bourse. Entre la mi-février et la fin du premier trimestre, plusieurs des placements les plus en vogue se sont dégonflés, signale Martin Roberge, de Canaccord Genuity. Par exemple, le très populaire FNB Ark Innovation (ARKK, 120,82 $US), qui achète les entreprises innovantes qui «révolutionnent»leur industrie, a flanché de 29 %, pendant cette période.
Pour l’instant, la robuste reprise et les liquidités abondantes incitent «les investisseurs à se déplacer d’un secteur à l’autre au lieu de quitter la Bourse», se rassure Martin Roberge. Ce stratège quantitatif vient d’ailleurs de relever ses cibles pour le S&P 500 à 4125 et celle pour le S&P/TSX à 19 600. La réaction des taux à la montée attendue de l’inflation au cours des prochains mois déterminera à quel point la Bourse sera mise à l’épreuve.
Au cours des prochaines semaines, le dévoilement des résultats du premier trimestre aux États-Unis et surtout les commentaires des dirigeants au sujet des coûts et des problèmes d’approvisionnement risquent aussi de donner le ton.