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La limite du tout-faire-soi-même

Daniel Germain|Publié le 21 août 2019

La limite du tout-faire-soi-même

Il est plus simple d’acheter un barbecue que de magasiner des produits et des services financiers. Voilà le constat auquel s’est récemment buté Sébastien.

Avant de se présenter à la quincaillerie, notre lecteur a profondément étudié ses options. Il a lu de nombreux articles, des «milliers», exagère-t-il. Ce n’est seulement qu’une fois son choix arrêté qu’il se pointe en magasin pour conclure son achat.

Il n’a pas confiance au commis du centre de rénovation, probablement un étudiant en poste pour l’été dont les connaissances en matière de BTU sont superficielles en comparaison de la science qu’il a lui-même acquise au fil des lectures. Il se dit aussi studieux pour tous ses gros achats, comme lorsqu’il lorgne une voiture. Il est de cette génération-là, qui s’informe sur le net jusqu’à devenir spécialiste.

Pour ce qui est des finances, il se dit toutefois un peu perdu. «Tout est abstrait et personne ne se mouille», dit Sébastien. Le monde de la finance peut sembler complexe, la distinction entre un CELI et un REER paraît en effet plus difficile à cerner que la différence entre le barbecue au gaz et l’autre à côté qui carbure à la briquette (quoique…)

Cela n’a pas arrêté Sébastien. Tenez, par exemple, il a lu ce classique de la finance personnelle, Le Barbier Riche. Il a vu la lumière. Comme tant d’autres, il est ressorti de la vingtaine passablement endetté. Pour utiliser son image, il a réalisé la gravité de sa situation quand «la boule de neige» avait atteint le bas de la pente, bien grosse et lourde. Il s’est attaqué à ses dettes qu’il a réglées en quelques années pour se retrouver sur l’autre versant, celui de l’accumulation. Il en est bien fier, il a raison.

Il explique être arrivé à une nouvelle étape dans sa prise de conscience financière.

«[…] je commence à peine à m’intéresser au complexe monde des finances et de ses termes étranges, j’ai un sentiment d’urgence par rapport à ma retraite.»

Je crois comprendre que la lecture d’un article l’a particulièrement secoué, il s’agit d’un document publié par Fidelity maintes fois cité dans lequel on dit qu’à 35 ans, l’âge de notre lecteur, il faut avoir épargné une cagnotte représentant deux fois son revenu pour être sur la bonne voie en vue de la retraite.

L’article, il est vrai, a de quoi donner des complexes (il affirme que je devrais bientôt avoir accumulé l’équivalent six fois mon salaire annuel). Toutefois, il ne faut pas trop se fier à ces règles empiriques qui s’adressent à un public américain dont le contexte est différent du nôtre.

Cette lecture aura néanmoins suffisamment saisi notre ami pour qu’il redouble d’efforts. Il a augmenté sa contribution au REER collectif de son employeur, il cotise depuis 200$ toutes les deux semaines à un REER du Fonds de solidarité (maximum 5000$ par année pour profiter pleinement des crédits d’impôt) et, à la même fréquence, il verse 150$ dans un fonds de placement Desjardins placé à l’intérieur du CELI.

En fin de compte, Sébastien épargne désormais 15 000$ par année, soit plus du quart de son salaire net. En plus, des virements automatiques sont programmés vers des comptes spécifiques, dont un dédié aux imprévus et un autre aux vacances.

Il aimerait maintenant savoir si sa «stratégie est potable pour un néophyte». Son niveau d’épargne est plus que respectable. Si on inclut la part de son employeur (3%), sa contribution au REER (collectif et Fonds de solidarité) atteint 13,5% de son revenu avant impôt (environ 80 000$). Pour atteindre le plafond (18% du revenu), il lui faudrait cotiser 3600 $ supplémentaires par année, sans parler des droits de cotisation inutilisés.

Sébastien détient 70 000$ dans son REER collectif, il commence à peine à contribuer à son REER individuel et son CELI contient lui aussi des sommes négligeables, les dernières années, rappelons-le, ont surtout été consacrées au remboursement de ses dettes.

Il ne fait pas mention d’enfant ni de projet imminent de famille. Il n’a pas non plus évoqué la propriété d’un condo ni une transaction prochaine. Je présume que ses responsabilités financières restent encore limitées. Si tel est le cas, il n’y a pas de meilleure fenêtre pour se donner à fond dans l’épargne, d’autant que sa capacité est relativement grande. Je ne vois pas là de difficulté. Sébastien a acquis l’essentiel, la discipline.

Il me bombarde de questions. Faut-il privilégier le CELI ou le REER? Quel type de portefeuille faut-il envisager pour chacun et comment doit être réparti le portefeuille?

«Je sais que cela dépend de l’âge et du but visé, mais disons que le commun des mortels a le même but… avoir un revenu respectable à la retraite…» C’est effectivement le but commun du mortel moyen, seulement cela dépend toujours du mortel dont on parle. 

Cela lui déplaira sans doute de l’entendre, mais à sa place, je consulterais un planificateur financier, ne serait-ce que pour définir avec lui ce que représente un «revenu de retraite respectable» et des efforts nécessaires pour s’en assurer un. Je demanderais à mon institution financière, ça n’engage à rien.

Il existe aussi des cabinets indépendants de services financiers, souvent moins chiches sur les conseils que les grandes institutions, notamment pour ceux qui ne détiennent pas d’importants actifs. C’est une option.

Surtout, je continuerais de m’informer. Sur l’investissement.

Je lirais The Millionnaire Next door, un autre classique, et pourquoi pas le dérivé qu’en a fait Nicolas Bérubé, Les millionnaires ne sont pas ceux que vous croyez. Je recommande toujours la lecture de Le petit livre qui bat le marché, de Joël Greenblatt.

Pour tout ce qui est de la poutine REER-CELI-Machin, bah, il y a les archives de cette chronique, dont voici quelques morceaux choisis pour notre lecteur. 

Comment s’enrichir à 25, 35, 45 et 55 ans

La vie «ennuyeuse» des vrais millionnaires

Où est le bon conseiller financier?

Des vendeurs déguisés en conseillers

Cotiser au REER pour sauver de l’impôt, quelle mauvaise idée!

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