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Dominic Gagnon

Innovation entrepreneuriale

Dominic Gagnon

Expert(e) invité(e)

La loi 96 dénoncée

Dominic Gagnon|Publié le 16 juin 2022

BLOGUE INVITÉ. Des chefs d'entreprises du milieu technologique dénoncent la loi 96 concernant le français au travail.

BLOGUE INVITÉ. Cette semaine, j’ai pris la décision de partager ma tribune dans «Les Affaires» pour diffuser la lettre, dont je suis signataire, de l’aile québécoise du Conseil canadien des innovateurs au sujet de la controversée loi 96 du gouvernement du Québec.

Monsieur Legault,

Vous ne pouvez pas avoir une société francophone dynamique si vous n’avez pas une économie prospère pour la soutenir, et dans l’état actuel, la nouvelle loi 96, Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français, menace de causer d’énormes dommages à l’économie de la province.

En tant que fondateurs, PDG et dirigeants des entreprises québécoises à forte croissance, nous sommes très fiers de la culture francophone au Québec. Nous appuyons l’esprit de la loi 96 – qui veut protéger notre identité francophone distincte – mais son application doit être mise sur pause jusqu’à ce que le gouvernement présente tous les outils de francisation qui seront offerts par le nouveau service Francisation Québec. Cela garantira que l’esprit de la loi pourra être appliqué, concrètement, confirmant ainsi son succès sur le terrain.

Si nos meilleurs innovateurs et bâtisseurs d’entreprises quittent vers Toronto, Edmonton, Vancouver et Halifax au lieu de rester à Montréal et à Québec, cela causera des effets dommageables permanents à la santé économique de notre province. Ce phénomène est déjà bien réel, mais il n’est pas trop tard pour en amoindrir l’impact.

Le Québec fait face à une pénurie de main-d’œuvre sans précédent et la pénurie de talents qualifiés est particulièrement marquée dans le secteur des technologies. Les entreprises technologiques prospères du Québec doivent compter sur le recrutement international et l’immigration économique pour alimenter leur croissance. Or, attirer de nouveaux arrivants au Québec est plus difficile en vertu des exigences de la nouvelle loi linguistique.

L’exigence prévue par la loi 96 de connaître suffisamment la langue française sur une période de six mois, pour obtenir des services de l’État québécois, impose un délai irréaliste, car les nouveaux arrivants doivent jongler avec de multiples défis reliés à leur intégration au sein d’une nouvelle culture et à un changement de vie professionnelle.

Pire encore, les employeurs québécois sont prêts à soutenir l’intégration culturelle des immigrants en faisant venir des enseignants de français au bureau, mais ce type de soutien est difficile à obtenir.

Si votre gouvernement veut s’assurer que la connaissance de la langue française au Québec s’améliore, vous devez d’abord soutenir le tutorat et l’accès à des cours de français pour faciliter l’intégration des immigrants en les aidant à adopter la culture de notre province.

Dans la loi, votre gouvernement mentionne qu’il créera le service Francisation Québec pour faciliter la transition, mais il ne sera officiellement disponible que dans une année. Soyons clairs : la loi 96 impose déjà d’apprendre le français sans offrir de soutien additionnel. Au moment où votre gouvernement mettra en place Francisation Québec, la loi aura déjà découragé trop de travailleurs internationaux de choisir le Québec comme nouvel endroit pour construire une vie et fonder une famille. Cela a un impact direct sur la compétitivité et l’attractivité des secteurs les plus critiques et sur les entreprises les plus prometteuses du Québec.

De plus, la grande majorité des entreprises technologiques québécoises sont présentes sur les marchés internationaux et travaillent avec des équipes multidisciplinaires très souvent non francophones. Les exigences légales qui obligent les entreprises à opérer principalement en français imposent un fardeau supplémentaire lorsqu’elles travaillent avec des clients et des partenaires de partout dans le monde.

Monsieur Legault, vous devez suspendre la mise en œuvre du projet de loi 96 et écouter l’ensemble des acteurs du secteur des technologies et de l’innovation. Nous vous demandons de travailler avec les innovateurs du Québec pour proposer un plan mieux adapté pour accroître l’usage du français et faire en sorte que la loi 96 ne finisse pas par causer plus de tort que de bien à notre économie et à notre province.

L’avenir du Québec nous tient à cœur et nous espérons que votre gouvernement sera à l’écoute.