(Photo: 123RF)
GROSSE DÉPENSE. De toutes les activités sportives hivernales, la motoneige est celle qui malmène le plus le portefeuille. Pourtant, jamais le Québec n’a compté autant d’adeptes passionnés par ce loisir.
Foi des dernières statistiques de la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ), la province compte aujourd’hui plus de 220 000 motoneigistes. Le double d’il y a 20 ans. Faire de la motoneige son loisir de prédilection coûte cependant un peu cher. «Très cher!» affirment sans retenue la plupart des disciples qui enfourchent leur engin à chenilles dès qu’une première bordée de neige se pointe au sol quelque part au Québec.
Combien ça coûte? Les équipements, les vêtements, les assurances, l’essence, les nuitées à l’hôtel, les repas, alouette… une saison de motoneige peut aisément représenter l’équivalent d’une dizaine de séjours d’une semaine dans un tout-inclus cinq étoiles sous les tropiques. Et la plupart des motoneigistes n’auront même pas quitté le Québec.
Des passionnés qui raffolent de l’hiver
Quelle est la principale motivation de vouloir franchir des centaines de kilomètres par jour à-20 oC ? «Pour le privilège de contempler des paysages spectaculaires que je n’aurais jamais eu la chance de voir autrement», soutient sans hésitation Claudine F., accro de cette activité motorisée depuis six ans.
Les monts Valins, Les Escoumins, la Haute-Mauricie… cette jeune quinquagénaire des Basses-Laurentides parcourt plus de 5000 km de sentiers chaque hiver en compagnie de son conjoint.
De janvier à mars, presque tous les vendredis, samedis et dimanches, ce couple carbure aux longues randonnées quotidiennes d’au moins 300 km. Pendant la semaine de relâche, le couple file même systématiquement au coeur de la Gaspésie pour vivre l’activité à plein régime. Coût de la facture ? Minimum 500$ par séjour, concède Claudine, tout en précisant que ce n’est pas toujours le grand luxe à chaque sortie. Un bon lit et une douche chaude suffisent pour reprendre des forces entre les randonnées.
Ils ne sont pas les seuls à consacrer une solide partie de leur budget vacances à la motoneige. Gilles et Line, qui vivent en Outaouais, avouent engloutir, à eux deux, pas moins de 500$ chaque jour qu’ils passent au volant de leur bolide. L’essence (du véhicule et celle des motoneiges), l’hébergement, les repas… le couple claque aisément entre 1000$ et 1500$ l’instant d’un week-end à sillonner les sentiers de la province. Une sortie qu’il répète au moins deux fois par mois, si ce n’est pas trois lorsque la température le permet. «Du pur bonheur», soulève Line qui, à 53 ans, soutient n’avoir jamais autant apprécié l’hiver depuis qu’elle a découvert ce sport motorisé il y a trois ans.
L’équipement
Jusqu’ici, il n’a été question que de frais de voyage. Abordons maintenant la portion mécanique, l’engin en soi. «Il faut calculer entre 11 000$ et 23 000$ pour acquérir une motoneige neuve», indique Carl Dussault, conseiller chez Dion Sports, à Saint-Raymond. En général, dit-il, les trois quarts de la clientèle investissent entre 15 000$ et 17 000$, un montant largement suffisant pour se doter d’une machine propulsée par un moteur quatre temps, trois cylindres. Le consommateur qui veut à tout prix chevaucher une puissante monture munie d’un moteur turbo devra, quant à lui, allonger plus de 20 000 $, avise cet expert.
Parce que les modèles sont, depuis une dizaine d’années, plus faciles à manoeuvrer et beaucoup mieux équipés (écran numérique, suspension électronique, poignées chauffantes), la motoneige séduit de plus en plus la clientèle féminine. Claudine, Line et bien d’autres dames ne veulent plus se contenter d’un simple rôle de passagère. Il faut donc budgéter l’achat de deux bolides.
Afin de transporter les véhicules récréatifs d’une destination à l’autre, les motoneigistes excursionnistes doivent aussi s’équiper d’une remorque. Une dépense qui s’élève à environ 2000$ pour une simple plateforme et jusqu’à 8 000$ pour une remorque entièrement fermée. Il faut aussi prévoir l’achat ou la location du véhicule routier qui sera en mesure de tracter l’ensemble de l’arsenal pouvant peser plus de 775 kg (1700 lb).
Rareté des stocks
En raison de la pandémie qui a ralenti les productions de motoneiges en usine, plusieurs concessionnaires sont actuellement en rupture de stock, et ce, en plein mois de décembre, alors que s’amorce la saison. «Chez nous, les quelque 500 modèles que nous avions à vendre pour la présente saison sont déjà vendus… depuis avril dernier. Ça ne s’était jamais vu depuis que la boutique a ouvert ses portes il y a plus de 50 ans», souligne Carl Dussault.
Cette rareté de véhicules neufs a pour effet de stimuler le marché des motoneiges d’occasion. «Les chasseurs d’aubaine doivent toutefois composer avec des surenchères historiques. Le prix moyen des motoneiges usagées a grimpé d’au moins 15 % à 20 % au cours de la dernière année», observe Justin Martel, acheteur principal pour le Groupe Motoplex, à Mirabel.
Assurances, immatriculation et entretien
Qui dit véhicule récréatif dit aussi une série de frais annuels auxquels les motoneigistes n’échappent pas. En fonction du modèle et de l’âge de l’engin, les assu-rances vont varier entre 300$ et 600$ par année, par véhicule, avise Carl Dussault. S’ajoutent des frais d’immatriculation qui s’élèvent à 80$. Puisque la «bête motorisée»est généralement sollicitée pour de longs parcours, des frais d’entretien sont nécessaires avant chaque début de saison. Changement d’huile, changement des glissières, vérification des mécanismes d’embrayage et de la transmission… les propriétaires qui prennent soin de leur motoneige s’en sauvent rarement en deçà de 500$ par année, signale le conseiller de Dion Sports.
À moins d’être pleinement rassasié à tourner en rond dans un champ ou de laisser ses traces sur la surface d’un lac gelé, la plupart des motoneigistes de la province se prémunissent d’un droit d’accès leur permettant de sillonner le vaste réseau de 33 000 km, supervisé par la Fédération des clubs de motoneigistes du Québec (FCMQ). Un investissement de 455$ par motoneige. Par année.
Bien vêtu
Il va de soi qu’on ne s’aventure pas en motoneige dans l’arrière-pays de Charlevoix, au nord de l’Abitibi ou même au coeur de Lanaudière sans être convenablement habillé. Pour faire face au froid et aux intempéries que réserve l’hiver, ça prend une chaude armure confortable conçue pour les températures de -40 oC. Un investissement qui peut facilement friser les 750 $et plus. Se greffent à cette indispensable combinaison, des gants chauffants (200 $et plus) et une paire de bottes d’au moins 150$ à 200$. Enfin, peu importe le choix des vêtements, le casque, obligatoire, s’additionne, lui aussi, à la liste. Un autre achat d’au moins 500$ à 800$, selon les modèles et la qualité de la visière, qui vient gonfler la facture du plus cher des sports d’hiver.
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Iglou-iglou à la pompe
En attendant que les motoneiges électriques fassent leur apparition sur le marché d’ici cinq ans, la consommation d’essence fait encore partie de la réalité des excursionnistes qui parcourent de 300 km à 600 km par jour. Une motoneige consomme en moyenne de 10 à 15 litres pour chaque 100 km, selon la conduite et l’utilisation de son propriétaire, fait savoir Julien Martel, acheteur au Groupe Motoplex, à Mirabel. Les moteurs turbo vont se montrer plus gourmands en gobant près de 20 litres aux 100 km, ajoute-t-il. «Et plus les excursionnistes visitent des secteurs éloignés, plus ils doivent s’attendre à payer cher pour leur litre d’essence», avertit-il. Il ne faut donc pas être étonné si, à Parent, à Chibou-gamau ou dans toute autre destination dans le nord du Québec, le plein d’essence coûte de 30 % à 50 % plus cher», conclut-il.