Avec une économie fortement concentrée en carbone, particulièrement dans les secteurs de l’énergie et des matériaux, est-ce que le Canada a toujours sa place dans un portefeuille d’investissement responsable? (Photo: 123RF)
EXPERT INVITÉ. Dans une économie où l’énergie fossile et l’extraction minière sont à l’avant-plan, comment investir au Canada dans un contexte de transition énergétique pour une meilleure sobriété en carbone? La réponse réside dans la gestion active, qui prend tout son sens pour un investisseur responsable.
Alors que les investisseurs du monde entier se tournent de plus en plus vers l’analyse des facteurs ESG (Environnement, Social et Gouvernance) lors de la sélection des opportunités d’investissement, certaines classes d’actifs présentent des défis particuliers.
Les actions des pays émergents, par exemple, mettent en lumière plusieurs enjeux relatifs au respect des droits humains, ce qui rend plus difficile de justifier l’exposition à certains pays dans le cadre d’un portefeuille dit socialement responsable.
Parmi les pays développés, certains pays comme le Canada présentent également des contraintes particulières, notamment sur le plan des émissions de gaz à effet de serre (GES) et de la transition énergétique.
Avec une économie fortement concentrée en carbone, particulièrement dans les secteurs de l’énergie et des matériaux, est-ce que le Canada a toujours sa place dans un portefeuille d’investissement responsable?
Entre défis et opportunités
Avec une production de 4,6 millions de barils de pétrole brut par jour, le Canada se classe au 4e rang mondial pour la production de pétrole, derrière les États-Unis, la Russie et l’Arabie Saoudite.
Cette importante production pétrolière, combinée à la faible densité de la population canadienne, place le Canada dans une position peu enviable sur le plan des émissions de GES, avec 15,2 tonnes métriques de CO2-équivalent par habitant, au 12e rang mondial des plus grands pollueurs par habitant.
En contrepartie, le Canada se démarque positivement par sa production d’énergie renouvelable. En effet, grâce à sa géographie avantageuse, le Canada est non seulement le 3e plus grand producteur d’hydro-électricité au monde, mais le pays se classe également 8e sur le plan de sa capacité en production d’énergie éolienne et 22e du côté de sa capacité en production d’énergie solaire.
Plusieurs des solutions et thèmes reliés à la transition énergétique reposent sur l’électrification de certaines industries, telle que la transition vers les véhicules électriques. Ces importants changements dans nos habitudes de consommation augmenteront considérablement la demande mondiale en électricité au cours des 10 à 15 prochaines années.
Dans ce contexte, l’électricité produite de sources renouvelables sera de plus en plus convoitée, afin de pouvoir bénéficier le plus possible de la diminution des émissions carbone liée à ces transformations.
Compte tenu de son économie, sa géographie et son contexte particulier, le Canada est en mesure de renforcer son positionnement en tant que grand producteur d’énergie renouvelable et ainsi devenir un leader en transformation énergétique – à condition d’y mettre la volonté politique.
Du côté des marchés financiers
Dans ce contexte, les investisseurs et autres acteurs des marchés financiers ont un rôle à jouer afin d’atteindre les cibles établies par l’Accord de Paris.
Un enjeu auquel les investisseurs canadiens sont confrontés est l’environnement réglementaire, qui est beaucoup plus souple au Canada que dans plusieurs pays d’Europe et d’ailleurs.
À ce jour, 85% des entreprises du S&P/TSX, principal indice boursier canadien, rapportent leurs émissions de GES. Ce chiffre se compare à 93% aux États-Unis (selon l’indice S&P 500) et 96% en Europe-Asie (selon l’indice MSCI EAFE). De plus, seulement 69% des entreprises du S&P/TSX ont une cible de réduction des GES, comparativement à 86% aux États-Unis et 93% en Europe-Asie.
L’intensité carbone est une mesure qui représente le rapport des émissions de GES d’une compagnie relativement à son chiffre d’affaires. Sans surprise, le Canada est loin devant, avec une intensité carbone moyenne environ 2,5 fois plus élevée pour le S&P/TSX par rapport aux autres indices.
Étonnant, ainsi, de constater que 31% des entreprises du S&P/TSX n’ont pas de cible de réduction de ces émissions.
Gestion active et passive
Pour plusieurs investisseurs, la gestion passive représente une manière simple et efficace d’obtenir une exposition diversifiée à une classe d’actifs, un pays ou un indice boursier spécifique. Cette façon d’investir, bien que très pertinente dans certains cas, n’est toutefois pas appropriée pour un investisseur préoccupé par l’environnement et la lutte aux changements climatiques.
Un fonds indiciel qui reproduit les rendements du S&P/TSX, par exemple, comporte une exposition sous-jacente à des compagnies comme Suncor et TC Energy, dont les émissions de GES sont très significatives. Le contexte canadien est d’ailleurs très affecté par cette réalité, le secteur de l’énergie représentant 19% de l’indice S&P/TSX – comparativement à 4% pour les indices S&P 500 et MSCI EAFE.
Dans ce contexte, plusieurs stratégies peuvent être mises en place afin d’obtenir une exposition aux actions canadiennes qui soit alignée avec les valeurs d’un investisseur responsable soucieux de son empreinte carbone.
Par exemple, certaines stratégies excluent entièrement les secteurs d’activités les plus polluants. À l’inverse, d’autres approches vont plutôt identifier les meilleurs joueurs de chaque industrie, c’est-à-dire les entreprises qui se comportent de manière responsable et qui mettent en place des mesures claires et tangibles vers la décarbonation et les objectifs net zéro, sans égard au secteur d’activités.
Selon l’approche choisie, il est ainsi possible de mettre en place un portefeuille d’actions canadiennes dont l’empreinte carbone est de 80% à 90% plus faible que l’indice S&P/TSX, soit un impact très significatif.
Changements réglementaires
Avec les changements règlementaires et les nouvelles normes de divulgations climatiques qui sont adoptées un peu partout dans le monde, il est évident que les compagnies canadiennes devront s’adapter aux nouvelles exigences des investisseurs sur les marchés financiers.
Dans ce contexte, il ne fait aucun doute que les entreprises qui seront les plus proactives et engagées dans la mise en place de leur plan de transition énergétique arriveront à tirer leur épingle du jeu. La gestion active nous apparaît ainsi la meilleure approche afin de construire un portefeuille qui répond aux objectifs des investisseurs responsables, tout en étant bien positionné afin de générer de la valeur à long terme.
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