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La possible élection de Donald Trump préoccupe Kruger Énergie

François Normand|Publié le 31 janvier 2024

La possible élection de Donald Trump préoccupe Kruger Énergie

Kruger Énergie a une trentaine de projets d’énergie solaire dans des communautés dans l’État de New York. (Photo: 123RF)

La possible élection de Donald Trump en novembre inquiète des producteurs canadiens d’énergie renouvelable actifs aux États-Unis, comme Kruger Énergie. Car s’il est élu, l’ex-président républicain pourrait s’attaquer à la politique climatique américaine et diminuer la portée des incitatifs fiscaux pour stimuler la production d’énergie verte.

«C’est sûr que son élection pourrait avoir un impact au niveau des incitatifs fédéraux pour les énergies vertes, car leur réduction ferait augmenter le prix de l’électricité», souligne à Les Affaires Jean Roy, vice-président et chef de l’exploitation chez Kruger Énergie, un producteur québécois d’énergie renouvelable (hydroélectricité, éolien, solaire, biomasse, stockage d’énergie), dont la plupart des actifs sont au Canada.

Par conséquent, dit-il, les producteurs d’énergie solaire et éolienne aux États-Unis seraient moins compétitifs par rapport aux producteurs d’électricité utilisant du gaz naturel classique — ils représentent 42% de l’électricité produite dans le pays, selon l’Energy Information Administration (EIA), une agence fédérale.

«Ça réduirait notre compétitivité et cela augmenterait nos coûts de production aux États-Unis», insiste Jean Roy.

Et ce dernier a des raisons de s’inquiéter, alors que son entreprise a une trentaine de projets d’énergie solaire dans des communautés situées dans l’État de New York.

Joints par Les Affaires, les producteurs québécois d’énergie renouvelable Innergex et Boralex — présents également aux États-Unis — n’étaient pas disponibles pour commenter.

 

Le Project 2025 s’attaque au climat

Aux États-Unis, une alliance de groupes de droite a élaboré un ambitieux programme économique, le Project 2025: presidential transition project, à l’attention d’une éventuelle nouvelle administration Trump.

Ce programme économique vise à renforcer l’industrie du pétrole et du gaz naturel qui émette pourtant des gaz à effet de serre (GES), rapportait en juillet le quotidien britannique The Guardian.

Selon des experts et des défenseurs de la lutte aux changements climatique, ce programme proénergies fossiles ferait en sorte de démanteler la politique climatique des États-Unis.

Celle-ci s’appuie notamment sur de généreux incitatifs fiscaux afin de favoriser la croissance des énergies vertes.

D’une part, avec le Production Tax Credit (PTC), qui accorde aux producteurs d’énergie verte un crédit d’impôt sur une période de 10 ans. Par exemple, dans le cas de l’énergie éolienne, le crédit s’élève à 2,75¢ US le kilowattheure (3,68¢ CA).

D’autre part, avec l’Investment Tax Credit (ITC), qui accorde un crédit d’impôt de 30% sur la valeur d’un projet de production d’énergie verte lors de sa mise en service. Par exemple, si un projet solaire s’élève à 10 millions de dollars, le crédit versé à l’entreprise sera de 3 M$ — il y a un seul versement.

Actuellement, la production d’énergie solaire et éolienne aux États-Unis affiche un coût le kilowattheure plus compétitif par rapport à celui de la production au gaz naturel, selon les données que l’EIA publie dans son Annual Energy Outlook 2023.

Ainsi, produire de l’électricité avec du gaz naturel (cycle combiné) coûte 4,27¢ US (5,72¢ CA). Dans le cas du solaire et de l’éolien, ce coût est respectivement de 2,32¢ US (3,11¢ CA) et de 3,11¢ US (4,16¢ CA) si l’on tient compte des crédits d’impôt.

Or, si Donald Trump revient aux commandes à la Maison-Blanche et qu’il s’attaque à la politique climatique, les coûts de production des énergies solaire et éolienne deviendront plus élevés que ceux de la production au gaz naturel, insiste Jean Roy.

«On n’arrêterait pas nos projets, car tout le monde serait affecté de la même manière», dit-il, en précisant toutefois que Kruger Énergie devrait, le cas échéant, refaire ses calculs afin de maintenir ses cibles de rendement sur le capital à long terme.

 

Une trentaine d’États veulent se décarboner

Même si l’élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis est un scénario probable selon les derniers sondages, Jean Roy demeure néanmoins optimiste quant à l’avenir des énergies vertes au sud de la frontière.

Une trentaine d’États américains ont des politiques pour décarboner leur économie dans les prochaines années et ils devraient poursuivre dans cette voie, peu importe le président aux commandes à la Maison-Blanche.

Par exemple, l’État de New York souhaite que 70% de l’électricité consommée sur son territoire soit de source renouvelable en 2030, pour ensuite atteindre 100% en 2040.

Ainsi, en 2040, 30% de l’électricité serait d’origine nucléaire (qui n’émet pas de GES) et 70% d’origine renouvelable classique (hydroélectricité, solaire, éolien, etc.), incluant 12% en provenance des exportations d’énergie d’Hydro-Québec, selon la New York State Energy Research and Development Authority.