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ANALYSE. Encore une fois, les soubresauts de la Bourse montrent, de manière éloquente, la futilité des prévisions et le danger de réagir aux chocs. Heureusement, l’investisseur moyen n’a pas à se mesurer aux indices à court terme. En plein brouillard, mieux vaut souvent ne rien faire.
Surtout, un portefeuille équilibré joue probablement son rôle. Le S&P 500 a perdu 7 % depuis le début de l’année (en date du 3 mars), mais les obligations américaines à long terme ont donné un rendement record de 18 %.
Gracieuseté des médias sociaux, le coronavirus reçoit nettement plus d’attention que toutes les autres épidémies depuis 20 ans, note Liz Ann Sonders, stratège en chef chez Charles Schwab & Co. On le voit à ces nouvelles de clients apeurés qui ont vidé les rayons du Costco de leur quartier afin de faire des provisions en prévision d’une quarantaine.
Cette psychose a du bon : les autorités de la planète réagissent enfin au danger. En baissant son taux directeur de 50 points de base, la Réserve fédérale américaine (Fed) cherche à devancer les répercussions du virus sur le maillon le plus fort de l’économie, la consommation. Son geste d’éclat ouvre aussi la porte encore plus grande aux autres banques centrales afin qu’elles la suivent.
La rechute des taux hypothécaires déclenche déjà la plus forte vague de refinancement depuis 2013. Ces économies ne pousseront pas les Américains apeurés à magasiner, mais son effet sera plus durable que le virus. La volatilité en Bourse fige aussi l’émission de nouvelles obligations. Quand ce marché se rétablira, emprunter coûtera aussi moins cher aux entreprises, un autre bénéfice bien tangible.
Deux mises en garde
Michael Wilson, le stratège bien en vue de Morgan Stanley, misait sur une reprise de l’économie et des profits à la deux-ième moitié de 2020, après le rétablissement de la chaîne d’approvisionnement mondiale. La trop grande volatilité actuelle n’est pas saine, mais ce scénario reste le plus probable, a-t-il expliqué en entrevue à la chaîne CNBC. À son niveau actuel, la Bourse américaine lui apparaît justement évaluée. Le rendement que procurent les profits est redevenu aussi attrayant qu’il l’était l’été dernier et en décembre 2018.
Le recul des cours tient déjà compte d’un grand inconfort économique. « Si les taux continuaient de tomber, par contre, on serait alors devant un pronostic beaucoup plus sombre » et la chute boursière s’envenimerait.
Pressé de donner des recommandations, le stratège a donné pour seul exemple Mastercard (MA, 295,36 $ US), un titre de haute qualité qui est tombé de 20 %. « Ce titre est rarement en solde », a-t-il ajouté. Les secteurs déprimés de l’énergie et des matières premières l’attirent aussi, mais il n’a pas offert de suggestions.
Le stratège a aussi averti les investisseurs que les populaires champions de la croissance sont plus fragiles qu’on ne le croit parce que leur évaluation encore enflée ne tient pas compte d’une diminution possible des bénéfices.
Martin Roberge, de Canaccord Genuity, y va aussi d’une mise en garde. Le secteur nord-américain des services aux collectivités, qui regroupe surtout des fournisseurs d’électricité, est tellement chèrement évalué qu’il n’est plus un bon refuge », contrairement aux autres périodes de stress. « Les multiples de 25 fois les bénéfices prévus au Canada et de 19 fois aux États-Unis sont tout simplement insoutenables », dit-il. Les grandes sociétés de biens de consommation courante et de la santé aux États-Unis sont plus intéressantes, selon lui.