La réélection de Donald Trump protégerait la suprématie blanche
Jean-Paul Gagné|Édition de la mi‑Décembre 2021(Photo: 123RF)
CHRONIQUE. Comme il ne leur suffit plus de lutter pour freiner l’ascension sociale des non-Blancs, les suprémacistes s’attaquent maintenant à la démocratie pour maintenir leur domination.
Ne pensez pas que le «Make America Great Again» de Donald Trump est un simple slogan patriotique. Il réfère plutôt à l’Amérique d’avant l’affirmation des non-Blancs dans l’échelle sociale.
L’ex-président a été clair quand il s’est adressé aux insurgés le 6 janvier dernier. «Notre pays est assiégé depuis longtemps. Vous êtes le vrai peuple. Vous avez bâti ce pays. Ce n’est pas en étant faibles que nous reprendrons notre pays. Vous devez être forts. Si vous ne vous battez pas avec force (like hell), vous n’aurez bientôt plus de pays.» Décortiquons: nous, les Blancs, avons perdu notre pays depuis que d’autres l’ont envahi.
Forts de cette exhortation, ils sont allés saccager le Capitole et menacer les élus pour empêcher la certification des votes et la confirmation de l’élection de Joe Biden. Bilan de cette rébellion:cinq morts, environ 150 gardiens et policiers blessés, beaucoup de dégâts matériels.
Pour ne pas offenser leur base électorale, des élus républicains ont qualifié de «touristes» et de «patriotes» les saccageurs du temple de la démocratie. Trump les a qualifiés de «citoyens honorables» qui ont été «persécutés injustement».
Coup d’État
Pour le général Mark Milley, cet événement lui a rappelé l’incendie du Reichstag par les nazis en 1933. Timothy Snyder, historien de Yale, a jugé que le saccage du Capitole se compare plutôt au coup d’État raté des nazis en 1923. «Mais un coup d’État raté est une pratique pour un coup d’État réussi», a-t-il commenté. Un coup d’État réussi, c’est ce que vise Trump en 2024 a écrit dans The Atlantic Barton Gellman, gagnant de deux Pulitzer. Tout est fait pour manipuler le résultat de la prochaine élection présidentielle. Trump et ses alliés tentent notamment de faire élire des gouverneurs et des secrétaires d’État qui leur seraient favorables dans la gestion du processus électoral et le comptage des votes.
On se rappellera que Trump a tenté l’an dernier de convaincre des secrétaires d’État de procéder à des dépouillements et même de lui trouver des votes. «Peux-tu me trouver 11 870 votes, un de plus que ce que Biden a eu?» a demandé Trump à Brad Raffensperger, secrétaire d’État de la Géorgie. Fâché contre lui, Trump a déniché un candidat qui l’affrontera aux prochaines élections. C’est l’un des 147 représentants du Congrès qui ont voté le 6 janvier pour renverser le résultat de l’élection.
Par ailleurs, cinq États contrôlés par les républicains ont présenté des projets de loi pour donner aux élus le droit de renverser le résultat d’une élection s’ils croient qu’elle a été manipulée. Même si aucun de ces projets n’est devenu une loi, le fait de les avoir présentés indique que des républicains en sont rendus à penser à renverser le vote des électeurs pour faire élire leur candidat. Un moyen d’y arriver est l’élimination de bulletins de vote défavorables au résultat recherché. La Cour suprême ne s’est jamais prononcée à ce sujet, mais c’est une carte qui pourrait être jouée par les républicains.
Suppression du vote
Dans plusieurs États dirigés par des gouverneurs républicains, on multiplie les projets de loi pour restreindre le vote des non-Blancs. Depuis le début de 2021, 19 États ont déjà fait voter plusieurs lois limitant l’accès au vote.
La suppression du vote des gens de couleur existe depuis que les Noirs ont eu ce droit en 1870. Des politiciens racistes ont toujours manoeuvré pour limiter ce droit, même après que le président Lyndon B. Johnson eût fait voter en 1964 et en 1965 des lois sur la protection des droits civiques et du droit de vote sans égard à la race, à la couleur, au sexe et à l’origine nationale. En pratique, ces lois n’ont rien changé, les États contrôlés par les républicains n’ayant pas cessé d’inventer mille et une tactiques pour empêcher les non-Blancs de voter.
Le Parti républicain est aujourd’hui le refuge des électeurs blancs qui sont également racistes, conservateurs, nostalgiques et complotistes. Les deux tiers de ceux qui ont voté pour Trump en 2020 croient que celui-ci a gagné, donc que le processus électoral a été vicié. Rien de rassurant pour la démocratie.
La rage blanche Ce qui se passe dans l’arène politique traduit le sentiment d’aliénation d’un grand nombre de citoyens qui se croient victimisés face aux non-Blancs. Aussi, ils voient venir l’année 2045, à partir de laquelle les Blancs formeront moins de 50 % de la population.
Pour ces nostalgiques, tout doit être fait pour freiner l’ascension sociale des non-Blancs. On discrimine, on harcèle, on attaque, on triche et on fait du profilage contre les non-Blancs, les marginaux, les gens de gauche. Certains États réécrivent l’histoire pour faire disparaître des livres les horreurs subies par les Noirs et les Autochtones. Au Congrès, la partisanerie a pris le dessus sur le sens de la mission de l’État. Le Parti républicain n’a qu’un but:reprendre le contrôle du Congrès et de la Maison-Blanche. Il ne participe pas à l’enquête sur le saccage du Capitole et sur les forces obscures qui ont ourdi la tentative de coup d’État.
La violence et le harcèlement de certains républicains contre des élus de couleur démocrates ne sont pas sanctionnés. On avait montré la même impunité jadis à l’endroit des traîtres et des criminels qui ont lancé la guerre civile pour conserver l’esclavage. Pire, on leur a même érigé des monuments au mépris de la justice et de la démocratie.
Des nostalgiques sans scrupule du pouvoir blanc pourraient appuyer la prochaine tentative de coup d’État et pourraient peut-être faire partie des extrémistes qui accepteraient un recours à la violence si leur maître le leur demandait, celle-ci leur apparaissant nécessaire pour «reprendre» leur pays. C’est vraiment triste et inquiétant de voir ce qui se passe chez nos voisins.
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L’École des dirigeants des Premières Nations vient d’accueillir sa première cohorte d’étudiants, une initiative des Premières Nations et de l’École des dirigeants de HEC Montréal. L’idée est venue de Manon Jeannotte, consultante en développement des stratégies d’affaires et en gouvernance de Kanesatake, et de Ken Rock, directeur général de la Société de développement économique Uashat mak Mani-Utenam, tous deux diplômés du EMBA McGill-HEC Montréal. Autre preuve du dynamisme des nations autochtones, Creeco, une société fondée par la nation crie dans la foulée de la Convention de la Baie James signée par le gouvernement du Québec, construira une tour de 25 étages, rue Robert-Bourassa, à proximité de l’entrée de Montréal par l’autoroute Bonaventure. Creeco possède aussi des investissements et des filiales, dont les activités touchent plusieurs domaines.
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Bien des amateurs de baseball aimeraient sans doute avoir une équipe des ligues majeures à Montréal. Selon La Presse, les promoteurs demanderaient quelque 300 millions de dollars de subvention et de prêts pour réaliser leur projet, qui est évalué à 1 milliard de dollars, et qui repose sur la garde partagée d’une équipe, les Rays, qui se produirait aussi à Tampa Bay. Or, puisque cette équipe ne jouerait qu’environ 40 matches à Montréal, il est difficile de comprendre le réalisme de cette aventure pour les contribuables.