Les consommateurs américains sont les plus optimistes depuis 2004 (Sources: Bloomberg, Pension Partners)
Le conflit commercial sino-américain s’est envenimé d’un cran cette semaine.
Malgré tout, la Bourse américaine bâille même si elle se replie pour une deuxième semaine. Le S&P 500 a cédé 0,8% cette semaine, le Dow Jones 0,7% et le Nasdaq 1,3%. Le S&P/TSX de Toronto a grappillé 0,6%.
Pourtant, la menace de la Maison-Blanche de bloquer le géant chinois Huawei Technologies et la réplique patriotique de la Chine dans ses médias auraient pu inquiéter les investisseurs.
Bloomberg a consacré un long texte à l’effet domino qu’aurait l’interdiction américaine sur les produits de Huawei puisque la Chinoise s’approvisionne aussi auprès d’entreprises américaines pour une foule de ses composantes.
Cette attaque directe sur une entreprise chinoise, et ses douzaines de sociétés affiliées, pourrait perturber toute la chaîne d’approvisionnement des équipementiers de télécommunications et même retarder le déploiement mondial de la 5e génération des télécommunications mobiles, s’est exclamé Sean Darby, le stratège en chef de Jefferies, dans l’exposé de Bloomberg.
Les investisseurs n’ont pas paru ébranlés non plus par le nouveau recul des taux et le fait que les taux de trois mois (2,37%) se rapprochent à nouveau des taux de 10 ans (2,39%) et frôlent la courbe inversée.
Les taux obligataires sont plus bas qu’avant le début de le resserrement des taux par la Fed en mars 2018 (Source: Bloomberg)
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Pourquoi autant de résilience?
Les observateurs offrent diverses explications. Le consensus demeure qu’un accord sera éventuellement conclu entre Washington et Pékin même si le temps manque avant le sommet du G20 au Japon le 28 juin.
Au fil du temps, les investisseurs se sont aussi accoutumés au fait que les menaces sont surtout une tactique de négociation de l’occupant de la Maison-Blanche.
D’ailleurs, l’analyste Michael Genovese de MKM estime à 50% les chances que le Départment du Commerce réussisse à empêcher les entreprises américaines à s’approvisionner auprès de Huawei et vice-versa.
Les données économiques dévoilées cette semaine ont aussi dissipé les pires craintes.
Si l’indicateur américain avancé du Conference Board a ralenti pour un troisième mois en avril, d’autres statistiques ont donné un tout autre son de cloche.
L’indice de confiance des consommateurs de l’Université du Michigan a grimpé de 5,3% à 102,4 de mars à avril. Les consommateurs américains n’ont pas été aussi optimistes depuis janvier 2004, signale Charles Bilello, de Pension Partners.
Le nouveau recul des taux hypothécaires fait aussi rebondir les mises en chantier (de 5,7% en avril) et les permis de construction (de 0,6%). Les taux hypothécaires de 30 ans (4,07%), populaires au sud de la frontière, sont les plus bas depuis janvier 2018.
Puisque le consommateur représente plus de 70% de l’économie américaine, les investisseurs espèrent encore que le confit commercial ne fera pas déraper l’économie.
L’indice de confiance des PME américaines (NFIB) a aussi avancé de 101,8 à 103,5 en avril.
Laura Cooper de RBC Gestion du patrimoine reflète l’humeur du moment: «Même si les tarifs douaniers poussaient l’inflation à la hausse à court terme, la Fed y verrait des pressions temporaires qui ne mettent pas en danger l’expansion économique».
Pour l’instant, 40% des biens importés de la Chine ne sont soumis à aucun tarif.
RBC s’attend encore à ce que le S&P 500 atteigne de nouveaux sommets au cours des 12 prochains mois, mais estime une approche plus prudente s’impose.
Police d’assurance déjà achetée
L’autre explication avancée touche la dynamique interne des marchés.
Étant donné le rebond rapide des cours après la chute de décembre 2018, les pros hésitent à miser sur une baisse des cours ou même à quitter la Bourse, de peur de manquer le bateau encore une fois.
Les investisseurs institutionnels et les fonds de couverture préfèrent rester en Bourse et se protéger à l’aide de produits dérivés ou de fonds négociés en Bourse.
Quelque 34% des pros sondés en mai par Bank of America Merrill Lynch s’étaient procuré une police d’assurance de trois mois contre une chute des marchés, un record historique pour ce sondage.
Il faudrait que le S&P 500 retombe à 2305 pour que la Fed américaine sente le besoin d’abaisser son taux directeur, révélait le même sondage.
Chez Bank of America Merrill Lynch, le stratège en chef Michael Harnett, croit que la Bourse tient bon parce que les investisseurs se fient au marché des obligations de sociétés qui ne montre pas de signe de stress.
De plus, il est rassurant de voir que les consommateurs américains réagissent encore au recul des taux, si tard dans le cycle économique. Les taux de 5 ans ont baissé d’un pour cent depuis novembre, signale le stratège de New York.
«C’est signe la Fed n’est pas impotente», évoque-t-il.
Ce stratège croit encore possible que le S&P 500 fracasse la marque des 3000 points au cours de l’été.
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