Zen & Cie se déplace sur les lieux de travail pour enseigner des solutions simples, naturelles et durables de gestion et de réduction du stress.
INDUSTRIE DU SPORT ET DU BIEN-ÊTRE. Le travail, c’est la santé. Vraiment ? Les Québécois sont en effet les champions du pays en matière d’absentéisme au travail. Selon Statistiques Canada, les travailleurs manquent près de 12 jours par an pour des raisons médicales, familiales ou personnelles au Québec, contre 9,5 en moyenne dans le reste du Canada. D’après le Conference Board du Canada, l’absentéisme représentait en 2012 un coût direct global de 16 milliards de dollars, soit 2,4 % de la masse salariale brute totale.
Autre chiffre alarmant : au Québec, près d’une personne sur cinq est atteinte d’un trouble musculosquelettique (TMS) lié au travail, indique une enquête québécoise de 2011 citée par le dernier rapport de Kino-Québec. Ainsi, 260 000 salariés, soit 7 % de l’ensemble de la main-d’oeuvre active, se sont absentés l’année précédant l’étude pour un TMS lié au travail.
L’apparition de programmes de santé au travail
Un enjeu en termes de ressources humaines qui est pris très au sérieux par certaines organisations. La Banque Nationale dispose ainsi depuis 2006 d’un programme baptisé « Ma santé : mon actif ! » pour ses 18 000 employés dans tout le pays. En 2016, la Banque a décidé de le moderniser en profondeur : le taux de participation avait en effet chuté, tandis que l’absentéisme était reparti à la hausse.
« Un nouveau portail en ligne a vu le jour et les salariés peuvent désormais s’y inscrire pour participer aux différentes activités offertes », explique Bénédicte Lachaux, conseillère en santé et avantages sociaux au sein de la Banque. De plus, tous les deux ans, 5 000 participants en moyenne rencontrent une infirmière pour évaluer, sur leur lieu de travail et gratuitement, les facteurs de risque pour la santé cardiovasculaire.
Chez Domtar, en plus d’avoir à disposition la présence d’un infirmier et d’un médecin de manière ponctuelle, un nouveau programme a vu le jour l’an passé. Intitulé Virgin Pulse, il permet, via une application mobile, de cumuler des points convertissables en dollars en fonction de la réalisation de bonnes pratiques. Autrement dit, si un employé se stationne loin de l’usine, prend les escaliers plutôt que l’ascenseur ou dort convenablement le cellulaire éteint, par exemple.
« On peut donner jusqu’à 400 $ par année, précise Michel Simoneau, chef du Service de santé et de sécurité au travail. Le but est de changer les habitudes de vie sans gros effort, sur des sujets variés comme l’alimentation, la marche ou les activités sociales. » Selon lui, le taux de santé/sécurité (OSHA) de Domtar est l’un des meilleurs du Canada. « C’est un tout. Ce programme fait partie d’une politique globale de prévention », insiste-t-il.
Depuis un an et demi, une quarantaine de vidéos sur le modèle de l’émission Caméra Café ont également été tournées avec des employés volontaires. Les thèmes ? La gestion du sommeil en travail de nuit ou les protections respiratoires.
Un nouveau créneau d’affaires
Cet engouement pour la santé au travail représente de nombreuses occasions d’affaires. Après avoir développé des symptômes de stress et d’anxiété dans son métier de gestionnaire, Julie Banville décide de se mettre au yoga. Une vraie révélation : en 2006, elle lance son entreprise de cours de yoga, Zen & Cie, qui a, depuis, convaincu près d’une centaine de clients. « Au début, les employés eux-mêmes prenaient l’initiative de s’inscrire. Et progressivement, on a vu les RH prendre cela sous leur aile », témoigne-t-elle.
Avec les nouvelles technologies, on voit aussi apparaître de nouveaux services en ligne. Fondée au début 2016, la jeune pousse montréalaise compte aujourd’hui plus de 200 employés au Canada et vient de mener une ronde de financement de 40 millions de dollars (M$). Cette dernière est une sorte de clinique virtuelle. L’employé (ou un membre de sa famille) se connecte via une application ou son ordinateur et pose sa question ou expose son problème de santé. Cela s’appelle de la télémédecine. 70 % des cas sont réglés de façon virtuelle, le reste des patients sont redirigés vers une clinique ou les urgences les plus proches.
Le prix pour l’entreprise ? Une vingtaine de dollars par mois par employé, un montant dégressif en fonction de la taille de l’entreprise. « Depuis notre lancement, notre volume d’affaires triple tous les ans, » affirme Anna Chif, sa cofondatrice et chef des opérations.
Selon Dialogue, 4,5 heures sont économisées en moyenne à chaque interaction sur le temps professionnel, mais aussi personnel, du salarié, ce qui a un effet sur l’engagement. « La frontière entre travail et vie personnelle est de plus en plus mince. L’entreprise devient donc un endroit où les employés se soucient beaucoup plus de leur bien-être, » explique Anna Chif.
Le studio de jeux vidéo Ubisoft est un des clients de Dialogue à Montréal. Ainsi, 25 000 rendez-vous ont été pris l’an passé… pour un effectif de 3 000 employés ! L’application a été téléchargée par 90 % de ces derniers et 80 % d’entre eux l’ont utilisée au moins six fois en 2018. En plus de cette clinique virtuelle, Ubisoft met à disposition de ses équipes une salle de sport, un conseiller financer, un nutritionniste, un ergothérapeute… « Mettre en place cet écosystème, c’est bâtir une culture de santé, » indiquait Louis-François Poiré, son directeur rémunération globale, lors d’une conférence Les Affaires sur le sujet en mai dernier. Le taux de roulement de l’entreprise ? À peine 7 %. Un chiffre plutôt faible pour une population composée en majeure partie de développeurs.
Bien-être au travail: quatre bonnes pratiques à adopter
Voici les recommandations de Mario Messier, directeur scientifique du Groupe Entreprises en Santé.
1. Obtenir l’engagement de la direction « Il ne faut pas que la direction dise juste oui. Elle doit nommer des responsables, mettre en place des structures organisationnelles et montrer l’exemple. »
2. Impliquer toute l’entreprise « Syndicats, gestionnaires, employés… Pour que cela fonctionne, il faut instaurer une démarche participative et que cela devienne un projet commun. »
3. Faire un diagnostic préalable « La première étape, c’est de comprendre les principaux problèmes, les besoins et les intérêts des employés. Une seule façon de le savoir : il faut les consulter. La norme Entreprise en Santé propose un cadre, mais il faut l’adapter au contexte de l’entreprise. »
4. Adopter une démarche structurée « Ce n’est pas un projet que l’on décide sur un coin de table. Pour chaque intervention, il faut nommer une personne responsable et définir des objectifs, un budget, un plan de communication et d’évaluation. »