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La santé économique des PME de la Chine est… catastrophique!

Olivier Schmouker|Publié le 23 avril 2020

La santé économique des PME de la Chine est… catastrophique!

Une relance à toute allure qui menace de mener droit dans le mur. (Ph: Chapman Chow/Unsplash)

CHRONIQUE. Un oeil distrait pourrait croire que la situation s’améliore en Chine : le produit intérieur brut (PIB) a, certes, accusé le coup avec un recul inédit de 6,8% au premier trimestre de 2020 en raison du gel de l’activité économique imposé par Xi Jinping pour éradiquer la pandémie du nouveau coronavirus, mais les affaires reprennent maintenant à la vitesse grand V si bien qu’on peut s’attendre – en toute logique – à du mieux à court terme. Le hic, c’est que cet oeil distrait ne perçoit là qu’une image tronquée, erronée, et donc dangereuse. Explication.

Regardons d’un peu plus près, en particulier ce qu’il en est au Hubei, l’épicentre original de la COVID-19…

Là-bas, le PIB a fondu de 39,2% au premier trimestre, selon les données officielles du Bureau provincial des statistiques. Oui, vous avez bien lu: près de 40%. En termes de valeur, la production économique du Hubei a chuté d’un coup de 273,1 milliards de yuans (54,6 G$), à 637,9 milliards de yuans (127,6 G$). Il s’agit de la pire contraction économique depuis la Guerre de 1938, qui avait vu s’affronter la Chine et la Japon, laquelle avait littéralement ruiné les économies du Hubei et de ses provinces voisines.

Quelques chiffres permettent de saisir l’ampleur des dégâts au Hubei:

– La production automobile – l’activité phare de la province – a dégringolé de 60%.

– Les ventes au détail ont chuté de 45%.

– Les dépenses en immobilisations des entreprises ont quasiment disparu, le recul ayant été de 83% (ce qui signifie que les entreprises ont carrément arrêté d’investir dans des biens matériels: outils de production, ordinateurs,…).

– Les exportations ont fondu de 40%.

– Les investissements étrangers se sont complètement taris, le recul ayant été de 96% par rapport au premier trimestre de 2019.

Ye Qing est chef adjoint du Bureau provincial des statistiques. À l’occasion de la divulgation de ces données, il a écrit sur Weibo (l’équivalent chinois de Twitter): «Le Hubei a fait d’énormes sacrifices pour contenir la propagation du virus». Un euphémisme : l’économie de la province a été tout bonnement saignée à blanc après avoir été totalement verrouillée par les autorités, les déplacements des gens à destination et en provenance de la capitale Wuhan ayant été notamment interdits entre la fin de janvier et le début d’avril.

Qu’en est-il des provinces voisines? Elles sont elles aussi meurtries, à des degrés divers:

– Le Guangdong, première puissance économique de la Chine, a vu son PIB reculer de 6,7%, les exportations ayant connu une baisse de 14,4%.

– Shanghai, la plaque tournante de l’économie et de la finance du pays, a connu un recul identique, de 6,7%.

– Beijing, la capitale, a également connu un recul de 6,6%.

Les provinces intérieures de la Chine ont été, semble-t-il, relativement épargnées. À l’image du Xinjiang (-0,2%), une province passablement isolée des autres, ou encore du Hunan (-1,9%), qui se trouve juste au sud du Hubei.

En fait, les principales victimes sur le plan économique sont les PME : leurs revenus ont globalement chuté de 70% en mars sur l’ensemble du territoire chinois, selon une étude menée par l’Université Tsinghua à Beijing.

Cette étude s’est penchée sur les dossiers commerciaux d’un million d’entreprises dont l’ensemble des revenus équivalait à 13% du PIB de la Chine en 2019. Les deux tiers de ces entreprises-là affichaient l’an dernier des revenus annuels inférieurs à un million de yuans (201.000$).

Elle a permis de noter qu’à l’échelle de la Chine:

– Les revenus des entreprises du secteur de l’hébergement et de la restauration avaient dégringolé de 88% au premier trimestre de 2020.

– Ceux du secteur de la construction, de 82%.

– Ceux de l’immobilier, de la fabrication, des services commerciaux, des transports, de l’éducation, des logiciels, d’environ 80%.

Concernant la province du Hubei, la situation est encore pire : les revenus des PME ont quasiment disparu, le recul ayant été de 90%.

Autrement dit, les PME chinoises sont littéralement au point mort.

La question saute aux yeux : comment va se dérouler la reprise pour elles? La réponse fait froid dans le dos : les premières données officielles à ce sujet montrent qu’elles n’y parviennent presque pas.

L’étude de l’Université Tsinghua a concocté un «indice de reprise», qui indique grosso modo le pourcentage d’entreprises qui reprennent le cours normal de leurs activités, qui relancent le moteur, même si le redémarrage est graduel et partiel, pour ne pas dire poussif. Or, les premiers résultats de cet indice ne sont pas glorieux:

– Au Hubei, l’indice de reprise n’était que de 19,8% en mars. Ce qui signifie qu’il n’y a que 1 PME sur 5 qui est parvenue à se remettre en affaires dès les premiers signes d’atténuation du confinement.

– À l’échelle de la Chine, l’indice de reprise était de 41,1% en mars. Ce qui est mieux que celui de février, qui avait été de 33,3%. Toutefois, cela indique que moins de 1 PME sur 2 a réussi à redémarrer.

Qu’est-ce qui leur manque pour repartir d’un bon pied? Tang Dajie, secrétaire général du think tank China Enterprise Instiute, a confié au quotidien South China Morning Post (SCMP) que le soutien des autorités n’était «pas adéquat». À ses yeux, la stratégie actuelle qui consiste surtout à booster les dépenses en infrastructures et à stimuler les prêts bancaires n’est pas susceptible de venir en aide aux PME. Ces dernières «attendent une aide directe de l’État», a-t-il dit, en soulignant qu’il en allait de l’avenir de «millions de familles».

Pis, la stratégie de relance adoptée par les autorités chinoises «risque de faire exploser une bombe à retardement», prévient Cary Huang, chroniqueur émérite au SCMP.

«Les planificateurs économiques ont pris l’habitude de miser sur des plans de relance massifs financés grâce à la dette chinoise chaque fois que la croissance se met à ralentir, note-t-il. Car la nature fermée du système financier de la Chine semble le leur permettre, celui-ci reposant sur un coffre de guerre de 3.100 milliards de dollars américains en réserves de change.

«Or, plusieurs signaux faibles suggèrent que c’est ce qu’ils s’apprêtent encore à faire. Des fuites affirment que le Budget 2020 sera bientôt modifié afin de pouvoir consacrer l’équivalent de 3,5% du PIB à la relance massive de l’économie chinoise, par-delà le 3% initialement envisagé. Ce qui, d’après différents analystes, pourrait faire bondir la dette publique, bien au-delà de la progression de 4,9 points de pourcentage de l’an dernier.

«Un signe ne trompe pas : le 27 mars a eu lieu une réunion du Politburo, le principal organe de décision de la Chine, et il y a été suggéré d’intensifier le plan de relance à l’aide de mesures comme une augmentation du déficit budgétaire, des émissions de bonds spéciaux du Trésor et des émissions d’obligations spéciales des gouvernements locaux. D’ores et déjà, le nombre d’obligations spéciales a presque triplé lors des deux premiers mois de 2020, à 950 milliards de yuans (190 G$).

«Idem, les banques commerciales auraient reçu la consigne de tolérer un seuil plus élevé de créances douteuses, l’idée étant d’éviter à nombre de PME de s’effondrer complètement.»

Résultat? Il est à prévoir une hausse foudroyante de l’endettement de la Chine au cours des prochains mois, une hausse nettement plus prononcée que lors des précédentes crises. Et cette hausse-là pourrait se révéler périlleuse…

Cary Huang poursuit son explication : «Les dépenses de relance visiblement préconisées par Beijing ne feront qu’exacerber les problèmes liés à la dette, laquelle a atteint 310% du PIB à la fin de 2019, selon les données de l’Institut de la finance internationale. Il convient de rappeler que nombre d’économies qui ont connu un tel niveau d’endettement ont fini par être emportées par un krach financier ou une récession économique.»

Et d’enfoncer le clou : «La pandémie n’aurait pu survenir à pire moment, note-t-il. Ces dix dernières années, la Chine a été en proie à une dette monumentale, et cela s’est traduit par un ralentissement structurel régulier qui a plombé la croissance économique, laquelle n’a été que de 6,1% l’an passé, son niveau le plus bas depuis des décennies.»

Conclusion : «Au lieu de prôner une relance massive, la Chine devrait plutôt faire preuve d’une extrême prudence dans la gestion de ses finances, dit Cary Huang. Car un virus financier peut être tout aussi toxique, contagieux et mortel qu’un virus biologique, si on le laisse librement se propager.»

PLUS : La Chine redémarre, et c’est une très mauvaise nouvelle! 

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