Mark Carney est un autre exemple de ce capitalisme vert. (Photo: World Economic Forum / CC)
CHRONIQUE. Si je dis «écologiste», vous pensez à David Suzuki et Greta Thunberg. Et vous avez raison. Ceux-ci, et bien d’autres, ont été d’essentiels lanceurs d’alerte et éveilleurs de conscience. Or, ils se sont aliéné nombre de grandes entreprises, sur qui repose la solution. Après tout, la transition vers une économie à zéro émission nette nécessitera la réaffectation de milliers de milliards (billions) de dollars de capitaux. Les écologistes d’aujourd’hui proviennent donc de la grande entreprise, en particulier de la finance.
Ces gens sont convaincus que le changement climatique représente un risque énorme pour les entreprises et pour la société en général. En même temps, ils sont persuadés que la nécessaire transition énergétique présente de formidables occasions pour les investisseurs. Et ils disposent largement de fonds à investir.
Larry Fink est le chef de la direction de BlackRock. BlackRock gère 8,7 billions de dollars en investissements pour ses clients. Elle exige des entreprises dans ses portefeuilles qu’elles présentent des démarches stratégiques, mesurables et transparentes de transition énergétique. Elle promet à ses clients investisseurs des outils conviviaux pour relever les portefeuilles les plus carboneutres. Elle analyse la performance de 440 entreprises intensives en carbone dans ses portefeuilles. En 2020, elle a voté contre des administrateurs de 69 de ces 440 entreprises, dont les stratégies de transition étaient insatisfaisantes; elle en a mis 191 autres «sous surveillance», pour les mêmes motifs. C’est quand même 260 entreprises sur les 440 de son univers. Elle accroît désormais cet univers d’analyse à 1 000 entreprises, représentant 90 % des émissions mondiales directes et indirectes produites par les entreprises de ses portefeuilles. De juin à décembre 2020, BlackRock a soutenu 54 % des résolutions d’actionnaires d’ordre social ou environnemental.
Mark Carney est un autre exemple de ce capitalisme vert. Ex-banquier d’affaires, ex-gouverneur des banques du Canada, puis d’Angleterre, il est connu depuis plusieurs années pour militer en faveur de la divulgation par les entreprises du risque climatique lié à leurs activités. Envoyé spécial de l’ONU, il a notamment cosigné avec Janet Yellen, aujourd’hui secrétaire du Trésor américain, un document intitulé «Mainstreaming the Transition to a Net-Zero Economy». En octobre, Carney est devenu le VP du conseil de Brookfield Asset Management, responsable de son «investissement d’impact et ESG». Brookfield administre 600 G$US. À la différence de BlackRock, Brookfield est un investisseurexploitant et oriente donc directement la stratégie de ses filiales. Voilà plusieurs années qu’elle investit dans les énergies renouvelables. L’arrivée de Carney devrait accélérer son virage vert.
Ni l’un ni l’autre n’est un rêveur:ils savent que la transition énergétique sera longue et complexe. Tous deux visent une économie à zéro émission nette en 2050.
Les premiers militants écologistes ont répété que l’appétit de rendement des investisseurs était au centre de la question climatique. Or, si les investisseurs qui pèsent des billions de dollars commencent à demander et à mesurer un «rendement climatique», alors la solution viendra de là.