Theodore Homa, directeur général des meubles G. Romano
INDUSTRIE DU MEUBLE. Les visiteurs qui se rendront à Toronto pour le Salon canadien du meuble, en mai prochain, y verront l’émergence de la couleur corail, la domination des imprimés floraux et le retour du rotin. C’est du moins l’avis de Johannes Kau, président des magasins Mobilia, à qui nous avons demandé quelles tendances guideraient l’industrie québécoise du meuble en 2019.
Les organisateurs de ce salon ont retenu les services de Linda Mazur afin de créer un kiosque sur les tendances appréciées par les clients. La designer reconnaît elle aussi la popularité des tons «blush», entre le beige et le rose. Elle voit effectivement un retour à certaines modes du passé, comme les formes tout en courbes des années 1970 et les textures en macramé de la même époque. Les imprimés «osés», qu’ils soient inspirés de la nature ou d’ailleurs, de leur côté, sont «parfaits pour faire un statement», ajoute la spécialiste.
Beau, chic et multifonctionnel
Au-delà de ces penchants visuels très précis, de plus larges tendances se dégagent, à commencer par celle d’un mobilier axé sur la mutation des habitations des Québécois. Les fabricants de la province ont réussi à se trouver une niche dans des créations moins grosses que celles de leurs homologues américains, avec un accent sur la fonctionnalité.
«Ça a été guidé par les besoins d’ici, des appartements plus petits, donc des produits [pour les] petits espaces», affirme Éric Corbeil, coprésident de Maison Corbeil.
Les meubles qui remplissent divers rôles et qui intègrent du rangement sans perdre en look, par exemple, et ceux qui sont jolis sous tous les angles – puisque de plus en plus d’habitations sont construites autour de grandes pièces qui rassemblent le salon, la cuisine et la salle à manger – ont ainsi la cote, assure Theodore Homa, directeur général des meubles G. Romano.
«On aime les morceaux qui, en plus de bien paraître, nous rendent plusieurs services», confirme Mme Mazur.
Les consommateurs veulent également un meuble personnalisé, ce qui est possible grâce à la flexibilité des usines intelligentes et est facilité par la vente en ligne et les outils qui y sont rattachés.
Chez Inovem, on souhaite même pousser l’expérience client encore plus loin. «On vient de mettre sur pied un laboratoire [utilisant la] réalité virtuelle et la réalité augmentée [pour] améliorer la vente en ligne», révèle Yves Dessureault, directeur de ce centre d’innovation associé au cégep de Victoriaville. Mettre à profit ces outils peut servir bien des industries, que ce soit pour essayer une paire de lunettes ou de pantalons, mais dans le cas d’objets encombrants comme des meubles, le potentiel d’une visualisation facilitée est porteur.
Une industrie de plus en plus verte
L’autre grande tendance, celle dans laquelle les innovations et les nouveaux développements sont les plus foisonnants, est la conscience environnementale. Cette dernière est de plus en plus présente dans tous les domaines de l’industrie manufacturière, et le meuble, avec ses articles souvent gros et qui durent de nombreuses années, est à l’avant-plan de ce mouvement.
Les producteurs sont prêts à prendre cette tendance à bras-le-corps. La recherche et le développement, chez G. Romano, sont axés sur le «lean manufacturing, la réduction des déchets, la réduction de la consommation d’électricité dans les usines», assure le directeur de la firme sise à Montréal. Cette dernière fait d’ailleurs partie du Sustainable Furnishings Council, un groupe américain dont la mission est d’«aider les entreprises [du meuble] à réduire leur empreinte environnementale à mesure qu’elles croissent».
C’est non seulement la chose à faire pour la planète, mais c’est aussi une préoccupation de plus en plus forte chez les clients. «Il y a cinq ans, tout était fait en Chine, les gens ne regardaient que le prix.» Depuis trois ans, ces mentalités ont changé, assure Théodore Homa.
Par sa nature, l’industrie du meuble tend déjà à limiter le gaspillage. «Avec la transformation du bois, il n’y a pas grand-chose qui va tomber dans l’enfouissement», rappelle M. Dessureault. Ce qui ne l’empêche pas de réfléchir à la façon dont il est possible d’optimiser et d’améliorer les méthodes de fabrication.
«Il y a de la recherche sur de nouveaux matériaux. On travaille par exemple sur des types de béton [qui servent à la conception de comptoirs] faits avec des eaux récupérées des procédés de nettoyage et de finition», précise-t-il.
L’ingénieur de formation avertit toutefois qu’adopter un crédo vert va limiter la croissance d’une entreprise à court terme à cause des coûts liés à cette transition. Les avantages, pour le portefeuille et pour la planète, viendront certainement plus tard.