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La valse des impôts et les changements climatiques

Le courrier des lecteurs|Publié le 06 septembre 2022

La valse des impôts et les changements climatiques

(Photo: Marek Piwnicki pour Unsplash)

Un texte Félix Bhérer-Magnan, candidat au doctorat en science politique à l’Université Laval

 

COURRIER DES LECTEURS. Depuis le début de la campagne électorale, les Québécois et Québécoises assistent à une véritable valse des milliards. Jusqu’à maintenant, la Coalition Avenir Québec (CAQ), le Parti conservateur (PCQ), Québec solidaire (QS) et le Parti Québécois (PQ) rivalisent d’audace pour espérer gagner le cœur des électeurs… et leur portefeuille.

À première vue, l’électeur moyen risque plutôt d’être noyé devant les allègements fiscaux proposés. La fiscalité n’est guère l’intérêt d’une majorité de la population québécoise. Les aînés sont aussi particulièrement dans la mire des partis en ce début de campagne alors que la qualité des soins de santé et leur vulnérabilité sont des sources de préoccupation importantes.

Bref, ce n’est pas un secret de Polichinelle que des propositions de baisse des taux d’imposition lors des campagnes électorales contribuent à retenir l’attention des électeurs. L’argent affecte les gens et suscite des émotions.

Les promesses réalisées jusqu’à maintenant se traduiraient ainsi par l’allègement du fardeau fiscal des Québécois de plusieurs milliards de dollars dès cette année.

Par contre, il y a quelque chose qui cloche. Ce n’est pas vrai que les allègements fiscaux proposés permettront aux ménages de retrouver une santé financière. Ce n’est pas vrai qu’ils permettront de combattre totalement l’inflation. Ce n’est pas vrai qu’ils permettront de lutter contre les changements climatiques. Concentrons-nous sur ce dernier point.

Les impacts de la crise climatique coûteront cher au Canada et le Québec n’y échappe pas. Un rapport publié récemment par GHD, une firme mondiale de services-conseils en ingénierie et en architecture, stipule que les inondations, les sécheresses et les tempêtes majeures pourraient coûter jusqu’à 139 milliards au cours des 30 prochaines années à l’économie canadienne. Ce sont ces événements climatiques extrêmes qui détruisent des tronçons d’autoroute, des infrastructures et des installations de production et de distribution d’électricité. La Colombie-Britannique, l’Alberta et le Manitoba ont traversé des épisodes extrêmes au cours de la dernière année, dont un dôme de chaleur, quelques rivières atmosphériques, des sécheresses records, des feux de forêt et des inondations historiques. Visiblement, les dégâts ont déjà commencé.

Jusqu’à maintenant, le Québec est relativement épargné par ces événements climatiques extrêmes bien que la région des Laurentides a été durement frappée par des orages violents au mois de mai et plus récemment à la fin du mois de juillet. Le nettoyage et le rétablissement du réseau électrique ont coûté 70 millions de dollars à Hydro-Québec, selon ce que rapportait Radio-Canada. En plus, 11 personnes sont décédées au Québec et en Ontario. 

Les conséquences de la crise climatique coûteront cher aux contribuables québécois, vous l’ai-je déjà mentionné. Pour ce faire, les mesures de lutte contre les changements climatiques ne se financeront pas par une cueillette d’argent dans les pommiers. Les coûts de mise en œuvre seront élevés certes, mais le jeu en vaut la chandelle. D’ailleurs, une majorité d’économistes s’entendent pour dire que les avantages d’une réduction drastique des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2050 l’emportent largement sur les coûts. Bref, agir maintenant pour payer moins plus tard. Or, en promettant des baisses d’impôts toutes alléchantes, les unes des autres, les partis politiques québécois ne font que retarder le moment où la population devra payer et payer encore pour les dommages attribuables aux changements climatiques. Le bonheur n’est que temporaire et la réalité ne sera que plus dure à accepter dans 3, 5 ou 10 ans.

La fiscalité, puisque nous parlons d’impôts, s’avère pourtant un levier efficace et crédible pour limiter la consommation d’énergie et les émissions de GES et de polluants atmosphériques, selon l’OCDE . En fait, ce que l’on peut appeler l’écofiscalité peut véritablement aider les gouvernements à atteindre leur cible de réduction des GES tout en stimulant l’économie de façon positive.

L’écofiscalité est aussi fort pertinente pour inciter les individus à adopter des comportements plus durables. Les mesures d’écofiscalité ne sont absolument pas sexy en campagne électorale me dira-t-on, mais rappelons-nous que l’inaction coûtera beaucoup plus cher et que notre capital écologique mérite mieux que la destruction.