La vente-location est de plus en plus utilisée par les grandes sociétés qui détiennent un large parc immobilier. (Photo: 123RF)
GRANDS DE L’IMMOBILIER. Au moins deux des dix plus grandes transactions immobilières commerciales de l’année 2023 (et une troisième est sur le point d’être conclue) impliquent des entreprises qui demeurent locataires de l’immeuble qu’elles ont mis en vente. Cette tendance, dite de vente-location, s’invite de plus en plus dans le marché.
En septembre dernier, IBM Canada, à Bromont, a vendu son usine et le terrain de 17 millions de pieds carrés qu’elle occupe depuis 1972. Montant de la transaction : 110 millions de dollars (M$). Ce qui hisse cette entente au cinquième rang du classement Les Affaires-JLR. Lors du dernier rôle d’évaluation de la Ville en 2021, la valeur du terrain et du bâtiment était de 40 M$ et des poussières. Les médias locaux ont rapporté que la société, qui vient d’inaugurer un des rares ordinateurs quantiques au monde dans ses installations bromontoises, demeurait locataire de l’immeuble.
Mentionnons qu’à l’exception de quelques informations apparaissant sur l’acte notarié, dont une adresse liée à un centre commercial, à Calgary, on sait très peu de choses sur le nouveau propriétaire, Veyron/Hal QO Leasing ULC.
Quoi qu’il en soit, cette transaction constitue une sage décision, croit Louis Grenier, partenaire principal de LGP, une firme spécialisée dans le développement industriel. « Lorsque IBM avait acheté ce vaste terrain au début des années 1970, c’était dans l’intention d’agrandir ses infrastructures au fil des années. Ce qui ne s’est jamais produit. En vendant son immeuble et son terrain, la multinationale récupère un généreux montant qui servira à ses opérations et permet au nouveau propriétaire de vendre éventuellement des parties du terrain non utilisées à des fins de développement industriel », estime l’expert.
Une formule qui plaît aux grandes sociétés
La vente de Place Marien, à Montréal-Est, impliquant le Groupe Drakkar et Groupe Mach (quatrième transaction majeure de l’année 2023) est un scénario similaire. Après avoir acheté ce lot d’immeubles laissés vacants par le Groupe BMTC au coût de 66,5 M$, Drakkar, une entreprise spécialisée en impartition logistique, manufacturière et numérique a aussitôt revendu cette propriété à Groupe Mach pour le double du prix qu’elle a payé… tout en signant un bail de 15 ans pour y occuper les lieux. « Pour Drakkar, il s’agit d’une décision stratégique permettant de maximiser les quelque 400 000 pieds carrés que représente ce lot d’immeubles. D’ailleurs, tous les immeubles que nous occupons au Québec et en Ontario sont loués », fait savoir son PDG, Denis Deschamps.
En fait, la vente-location est de plus en plus utilisée par les grandes sociétés qui détiennent un large parc immobilier, rajoute Louis Grenier. « Pour ces entreprises, il s’avère plus rentable de devenir locataires des immeubles qu’elles occupent. Surtout si le bâtiment n’occupe que 10 % du terrain appartenant à la firme, ce qui est souvent le cas et se révèle très coûteux. Les grandes entreprises n’ont pas le souci de devoir maximiser les superficies ou d’essuyer les pertes d’une inoccupation. »
Cette stratégie, poursuit-il, donne également plus de flexibilité aux entreprises si elles doivent prendre de l’expansion… ou diminuer leurs espaces. Louis Grenier soutient néanmoins que plus de 80 % des entreprises de la province, notamment les PME, ont encore avantage à conserver leurs immeubles. Particulièrement si l’actif permet de maintenir ou d’augmenter la valeur de l’entreprise en soi. D’ailleurs, précise-t-il, pour plusieurs PME, la valeur du bâtiment correspond à l’équivalent de leur chiffre d’affaires annuel.
Même dans l’industrie automobile
La vente-location s’observe également dans le milieu automobile. Le Groupe Olivier, qui a connu une forte expansion au cours des trois dernières années, a justement eu recours à cette formule pour financer plusieurs de ses acquisitions. Les immeubles d’au moins 6 des 21 concessions du groupe appartiennent à Automative Proprety Reit (APR), la seule fiducie de placement immobilier consacrée à l’industrie automobile au Canada.
« Grâce à cette entente, nous évitons d’avoir à débourser une mise de fonds pour acquérir l’immeuble. C’est APR qui s’en occupe en devenant propriétaire de l’infrastructure. De cette façon, nous pouvons nous concentrer uniquement sur l’acquisition des opérations de la concession », explique le concessionnaire Jacques Olivier.
Certes, cette stratégie permet aux concessionnaires de disposer davantage de liquidités pour d’autres opérations, soulève Maxime Théorêt, associé à la firme DSMA, une firme spécialisée dans la fusion et l’acquisition de concessions automobiles et autres véhicules. Au moins cinq transactions sur la centaine qu’a réalisées son entreprise en Amérique du Nord en 2023 ont eu recours à ce stratège financier. Cet expert recommande toutefois la prudence. « Le propriétaire des concessions se voit généralement lié à des baux de 20 ans, voire de 25 ans, dit-il. Ce qui peut paraître très long lorsqu’on souhaite déménager ses activités. »