(Photo: 123RF)
ANALYSE. Quand on dit que «la classe moyenne étouffe», on ne fait plus seulement allusion à sa situation financière. Pour plusieurs, le confinement à la maison rend le désir de prendre l’air encore plus intense que la crainte de perdre son emploi.
En dépit de l’incertitude économique ambiante, plusieurs ménages envisagent d’importantes dépenses pour sauver ce qu’il peut rester des plaisirs d’été en cette ère de distanciation physique. D’ailleurs, les fabricants de piscines font des affaires d’or au Québec ce printemps.
Le fabricant de véhicules récréatifs BRP (DOO, 52,78 $) profite de cet engouement pour les «loisirs en distanciation». Ses ventes chez les concessionnaires ont affiché une surprenante résilience, enregistrant un rebond de 35 % en mai. L’envie de trouver d’autres passe-temps gagne de plus en plus de consommateurs, a dit le PDG, José Boisjoli, en entrevue sur le site web de Les Affaires (à consulter ici https://bit.ly/2Y0tYIn). Normalement, 20 % des achats en Amérique du Nord sont faits par de nouveaux clients. Or, cette proportion est montée à 30 %.
De son propre aveu, le dirigeant admet que la poursuite de cette lancée demeure incertaine. «On ignore comment le chômage et la confiance du consommateur évolueront au cours des prochains trimestres, a-t-il dit à notre collègue Dominique Beauchamp. C’est la grande question pour cet automne et pour 2021.»
Sans l’ombre d’un doute, un véhicule tout terrain, une motoneige ou une motomarine appartiennent à la catégorie des dépenses discrétionnaires. La confiance du consommateur a une grande influence sur la demande.
Mark Petrie, de Marché mondiaux CIBC, ne croit pas que les ventes peuvent maintenir cet élan indéfiniment. La reprise économique s’essoufflera à mesure que les gouvernements retireront leurs mesures de soutien et que le taux de chômage augmentera, selon lui. Il prévoit que le bénéfice par action de l’exercice 2022 (terminé le 31 janvier 2022) sera amputé du tiers par rapport à l’exercice 2020 (terminé le 31 janvier 2020). La bonne nouvelle, c’est que la société a «amplement» de liquidités pour passer au travers – et même investir -, dans un contexte économique plus difficile, nuance Mark Petrie, qui préfère toutefois rester sur les lignes de côté avec une cible de 51 $.
Que les vents soufflent de dos ou de face, Benoit Poirier, de Desjardins Marché des capitaux, pense que BRP saura se démarquer et gagner des parts de marché. Il juge que BRP est une société bien gérée et innovante. Il réitère donc sa recommandation d’achat et sa cible de 57 $.
Le prix du risque
La qualité de l’entreprise fait consensus parmi les notes des neuf analystes que nous avons consultés. Même gérée d’une main de maître, la croissance de la société serait inévitablement plombée par une détérioration de manière plus profonde et durable de la confiance des consommateurs.
Il faut se demander si le prix de l’action représente un bon équilibre entre la qualité de l’entreprise et les risques économiques, qui échappent à son contrôle. À cet égard, les analystes sont également partagés. Ils sont six à suggérer l’achat du titre et six autres à émettre une recommandation «conserver», selon une recension de Refinitiv.
Le titre de BRP se trouve toujours 29 % sous son sommet de février, mais il a tout de même repris 167 % depuis son creux de mars. Les investisseurs opportunistes ont déjà été largement récompensés.
Steve Arthur, de RBC Marchés des capitaux, reflète bien l’hésitation ambiante. À la fin mai, il a abaissé sa recommandation «de surperformance» à «performance de secteur». Autant l’analyste se demande si le sursaut de la demande est soutenable, autant il se montre très optimiste pour l’avenir plus éloigné. Sa cible de 53 $ sur un horizon de 12 mois ne justifie pas une recommandation d’achat, mais à plus long terme, la valeur de l’action pourrait monter jusqu’à 65 $, croit-il. «Grâce à l’apport de produits innovants et à un fort réseau de concessionnaires, nous anticipons davantage de gains de parts de marché, une amélioration des marges et une croissance moyenne pondérée supérieure à 10 % au cours des cinq prochaines années.»
La question pour les investisseurs est de savoir s’ils veulent attendre la chance d’obtenir un meilleur prix qui tiendrait compte des risques économiques.
Écrivez-moi vos questions sur les finances personnelles
Nous aimerions regarnir notre banque de questions sur les finances personnelles pour notre «Courrier du cash» cet automne. Envoyez-moi vos questions à stephane.rolland@tc.tc et nous tenterons de répondre à certaines d’entre elles dès la rentrée.