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Louis J. Duhamel

À géométrie variable

Louis J. Duhamel

Expert(e) invité(e)

L’approvisionnement, le nouveau mal du siècle

Louis J. Duhamel|Publié le 10 février 2022

L’approvisionnement, le nouveau mal du siècle

On assiste à un phénomène de « démondialisation » et de politisation du commerce international. (Photo: 123RF).

Si vous demandez à un chef d’entreprise quel est son principal souci, il vous répondra sans doute la crise de la main-d’œuvre, la COVID-19 ou l’inflation. En revanche, il vous mentionnera à coup sûr l’épineux problème des difficultés d’approvisionnement et de la hausse des coûts de transport. Certains en sont même atterrés et confus.

Les principaux facteurs à l’origine des pressions sur les chaînes d’approvisionnement sont nombreux.

Premièrement, en toile de fond, on assiste à un phénomène de « démondialisation » et de politisation du commerce international. Les intérêts politiques des nations passent maintenant en premier et leurs stratégies commerciales en dépendent.

Ainsi, on peut se faire imposer un tarif ou des barrières non tarifaires et ce, selon les impératifs stratégiques du pays fournisseur ou de la relation que l’on entretient avec lui.

Le monde a changé, et cela ne sera plus jamais pareil.

On ne fait pas de quartier.

Deuxièmement, la reprise économique mondiale a été plus forte et plus rapide qu’anticipée. Cela a provoqué une hausse de la demande et, par conséquent, des besoins criants pour des fournitures diverses en quantité suffisante à prix concurrentiel.

Les occasions sont là, mais les entreprises peinent à en profiter.

La désynchronisation des chaînes à la suite de la crise sanitaire mondiale a fait en sorte que l’approvisionnement uniquement basé sur les coûts n’est plus soutenable. Force est de constater que le dogme de l’approvisionnement en juste à temps – qui régnait depuis plus de 40 ans avec sa précision chirurgicale – ne tient plus la route.

Les nations et leurs entreprises ne voudront plus revivre les ruptures et les pénuries de produits critiques vécues pendant la pandémie.

La crise sanitaire nous a appris qu’importer des composantes aussi loin que le Cachemire, à travers mers et continents et de nombreuses devises, représente un risque très significatif lorsque le système est déréglé.

C’est pis encore lorsque les intrants ne sont pas fabriqués régionalement, car les entreprises vivent ainsi une double vulnérabilité.

Troisièmement, la demande accrue s’est reflétée sur les coûts de transport, le tout exacerbé par la crise des conteneurs qui s’est invitée à une table déjà passablement encombrée de contraintes et d’embûches.

Quatrièmement, l’interminable spirale des variants et des événements climatiques a provoqué une incertitude et une fatigue organisationnelle, tout en cristallisant l’incertitude et les perturbations.

 

Des impacts sur l’économie et les entreprises

Chose certaine, les perturbations des chaînes logistiques contribuent à une croissance économique moins vigoureuse, malgré la hausse de la demande.

On dénote aussi des exportations de marchandises en baisse et une diminution d’importations en provenance de certains pays comme la Chine, tout en provoquant une volatilité des prix difficile à gérer pour les entreprises.

Les pénuries de pièces et composantes causent des ralentissements et des arrêts de production, provoquant des délais logistiques records qui augmentent les délais de livraison.

 

La demande accrue a fait bondir les coûts de transport. (Photo: Joseph Paul pour Unsplash)

Finalement, les entreprises peinent à matérialiser leurs ventes, ce qui met une pression sur leurs liquidités.

Dans ce contexte, les entreprises les plus résilientes tendent à éviter les bris de communication avec leurs clients afin de gérer leurs attentes sur le plan des quantités et des livraisons pendant cette période trouble.

De plus, elles ont une propension à gonfler leurs inventaires – si la chose est possible –et à régionaliser leurs approvisionnements afin d’écourter les chaînes d’approvisionnement, quitte à assumer une hausse de coûts qui diminue les marges.

Les entreprises savent qu’elles devront faire des gains ailleurs dans leur chaîne de valeur, notamment sur le plan de la productivité afin de préserver leur rentabilité sinon ce sera rock’n’roll.

 

Stratégie de substitution des importations

Dans l’optique où cette stratégie d’approvisionnement localisée n’est pas envisageable, certaines entreprises considèrent même une stratégie de substitution des importations en encourageant, en soutenant et même en finançant des fournisseurs locaux à fabriquer localement les intrants qui manquent.

Étant donné la volatilité des prix de transport, les entreprises n’ont d’autres choix que de considérer également la tarification dynamique, ce qui leur permet d’ajuster leur prix aux aléas du marché.

Enfin, une gestion de risque multifactorielle fait maintenant partie des facteurs décisionnels des entreprises, et c’est là que le numérique vient à la rescousse.

Cette complexité de suivre et de mettre dans la balance une multitude de risques économiques, politiques, climatiques et autres forcera la main des entreprises à accélérer leur transition numérique afin de tomber en mode prédictif.

Une approche qui leur permettra de voir venir les événements afin de rester du bon côté de l’équation.

Il faut maintenant de la technologie, du savoir-faire, des processus robustes et surtout des nerfs d’acier pour bosser dans les approvisionnements et la logistique.

Ceux qui y œuvrent méritent notre admiration et toutes nos sympathies.

Après tout, c’est grâce à eux si notre qualité de vie a été maintenue.

 

six références à Led Zeppelin se sont glissées dans ce texte, saurez-vous les retrouver?