La crise de la COVID-19 a souligné à gros traits l’importance de la transformation alimentaire pour l’équilibre économique du Québec. (Photo: 123RF)
BLOGUE INVITÉ. La crise de la COVID-19 a souligné à gros traits l’importance de la transformation alimentaire pour l’équilibre économique du Québec, et surtout pour nourrir sa population. Entre autres parce que l’indisponibilité de la main-d’œuvre s’est fait cruellement sentir lorsque des éclosions de la COVID-19 ont obligé certaines entreprises à réduire leurs équipes de travail, entraînant un ralentissement ou une interruption du rythme normal de la production alimentaire des entreprises québécoises.
Malgré cette situation, la population n’a pas ressenti l’ampleur et les impacts importants de ce manque de main-d’œuvre et, même si certains produits ont été écartés temporairement, l’approvisionnement global a été maintenu sans grands bouleversements visibles.
Par ailleurs, nous tenons à souligner le travail acharné de tous les acteurs de la chaîne alimentaire pour cet exploit qui est demeuré discret et invisible aux yeux du grand public.
L’industrie de la transformation alimentaire constitue le secteur manufacturier qui emploie le plus grand nombre de travailleurs au Québec. Les dernières données statistiques confirmées disponibles dénombraient quelque 75 000 travailleurs dans notre industrie.
Depuis plusieurs années, l’enjeu de la main-d’œuvre est omniprésent dans toutes les réflexions stratégiques pour la quasi-totalité des secteurs d’emploi. Étant le plus important employeur manufacturier au Québec, la transformation alimentaire connaît proportionnellement le plus grand écart à combler à cet égard.
Parmi les quelque 148 000 postes vacants actuellement au Québec, 8% à 10% de ceux-ci sont dans le secteur de la transformation alimentaire.
Les impacts de ce manque de main-d’œuvre sont accentués par le fait qu’une forte proportion d’emplois de ce secteur est située en région, où la pénurie de main-d’œuvre est souvent plus sévère, les entreprises alimentaires y étant souvent le principal employeur.
Or, notre secteur offre en moyenne un salaire de plus de 24$ l’heure, ce qui demeure un salaire compétitif sur le marché du travail québécois.
L’industrie doit demeurer attrayante
La requalification des travailleurs, la formation professionnelle, l’automatisation de la fabrication et l’évolution des tâches, axées de plus en plus sur la numérisation, exigent des entreprises des efforts considérables pour veiller au renouvellement de la main-d’œuvre et assurer la pérennité entrepreneuriale.
De nombreuses mesures de soutien aux entreprises ont été mises en place avec les années, mais seulement pour répondre à des besoins ponctuels ou de courte durée.
L’industrie a besoin d’une vision à long terme pour demeurer attrayante pour les prochaines générations de travailleurs. La forme même des emplois change déjà rapidement: près de 30% des métiers de 2030 n’existent pas encore !
Depuis plusieurs années, l’industrie fait des représentations afin que les décideurs publics passent à la vitesse supérieure relativement à l’automatisation et à la robotisation des métiers de la transformation alimentaire.
En effet, le secteur alimentaire a des besoins particuliers et le pouvoir d’attraction des métiers dans notre industrie passera nécessairement par une offre qui ne se limitera pas à des augmentations salariales, mais bien par une redéfinition des tâches influençant la chaîne d’approvisionnement et sa productivité.
Productivité: le Québec traîne de la patte
Il faut résolument augmenter notre niveau de productivité pour rejoindre le groupe de tête des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).
En 2019, la productivité du travail au Québec s’élevait à 64 $ de l’heure travaillée, alors que la moyenne pour les pays de l’OCDE était 84 $ de l’heure, selon les données du Centre sur la productivité et la prospérité/Fondation Walter-J.-Somers à HEC Montréal.
La nécessaire augmentation de notre productivité passe aussi par des leviers financiers conséquents.
L’urgence est démontrée par ces chiffres alarmants: 25% des entreprises québécoises sont à une phase ou une autre d’un processus d’automatisation, alors qu’il est de 50% aux États-Unis et de 75% en Allemagne, révélait en 2017 une étude de l’Alliance canadienne pour les technologies avancées («Le manufacturier avancé: enquêtre sur l’automatisation du secteur manufacturier au Québec»).
La structure industrielle de notre secteur est composée à 85% de PME de moins de 50 employés. Cette situation conjuguée à des marges faibles explique, du moins en partie, une incapacité à faire ses propres investissements dans l’automatisation et, conséquemment, aggrave un retard dans la productivité.
Dans l’élaboration de ces stimuli financiers, la priorisation doit être axée sur les gains de productivité.
L’effet d’entraînement d’une augmentation de ces gains dans le secteur de la transformation alimentaire aura nécessairement des répercussions directes sur l’employabilité et la professionnalisation de tous les corps de métiers de notre secteur.
Les emplois seront plus attractifs pour les jeunes générations, feront de nos produits alimentaires un émetteur net de richesse collective, et nous permettront de bâtir une industrie qui sera encore, en 2040, l’une des plus performantes.
La mondialisation de nos économies nous condamne à rejoindre le groupe de tête des pays ayant de solides politiques d’automatisation et de numérisation de leur secteur manufacturier.
Une question de survie pour les entreprises
C’est une question de survie pour nos entreprises de prendre la même voie. De plus, l’automatisation et la numérisation des entreprises vont créer de nouveaux postes, bien rémunérés, à haute valeur ajoutée.
Si le Québec tarde à agir, nos entreprises et notre économie seront englouties par des concurrents étrangers qui pourront offrir des produits en plus grande quantité, à plus faible prix.
L’industrie alimentaire doit se doter d’une Stratégie du manufacturier alimentaire sur 10 ans, avec des investissements importants, au même titre que les sciences de la vie ou l’aéronautique. C’est la façon la plus sûre d’atteindre un niveau d’automatisation de 50% pour notre province, comblant ainsi l’écart actuel avec les États-Unis.
N’oublions pas que les États-Unis, tout comme la grande majorité des pays industrialisés, continueront à augmenter leur niveau d’automatisation dans les prochaines années.
Notre retard devient d’autant plus alarmant, puisque le phénomène d’automatisation augmente habituellement de plus en plus rapidement dès qu’un pays commence à automatiser ses industries manufacturières.
Visons à rattraper ce retard et à devenir des leaders mondiaux en fabricant de produits alimentaires pour nourrir la planète mondiaux en fabricant de produits alimentaires pour nourrir la planète !